Gare à la récupération politique! Il n’y a franchement pas de quoi fanfaronner en cette fin juillet 2011. Un nouveau plan, d’aide de 160 milliards d’euros a été décidé le 21 juillet pour la Grèce. Très bien. Mais attention à ne pas s’embrouiller sur le véritable enjeu. Il ne s’agit pas uniquement d’un plan d’aide pour la Grèce et la zone euro mais également d’un plan de sauvetage du système bancaire européen. D’après les stress tests publié le 15 juillet dernier, le total de l'exposition aux dettes dites « périphériques » (Irlande, Grèce, Portugal, Espagne et Italie) des 90 principales banques européennes s'élève à 687 milliards d'euros. Gare à la contagion... Cette énième rustine européenne sera-t-elle donc suffisante ? Ce n’est malheureusement pas le pauvre citoyen européen que je suis (et qui plus est exclu des négociations) qui vous le dira.
Mais blague à part les Grecs ont déjà suffisamment souffert. Oui l’évasion fiscale est un fléau dans ce pays. Oui les dépenses militaires sont trop importantes (4,3 % du PIB contre 2,3 % environ en France) et de moins en moins justifiées à mesure que la Turquie s'accroche au wagon européen. Mais bon depuis 18 mois l’austérité imposée à ce pays étouffe la reprise économique et aggrave la dette (350 milliards d’euros). Les plans votés au Portugal et en Irlande (en Espagne et en Italie dans une moindre mesure) porteront-ils leurs fruits : pas sûr !
18 mois de perdus
Il n’y a donc vraiment pas de quoi se réjouir. 18 mois de tergiversations, des plans d’austérité douloureux pour les peuples grec, irlandais et portugais qui plombent la croissance et touchent en premier lieu les plus vulnérables, ont fini par entamer notre optimisme. La crise sociale européenne en marche et les menaces de contagion font craindre le pire à l’Espagne et à l’Italie. La Belgique est sur ses gardes. La France également ?
Plus que les prophéties auto-réalisatrices des agences de notation très partiales et l’émotivité des marchés, le manque de concertation et de cohérence des dirigeants européens ont été dévastateurs. A qui se fier ? Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, Jean-Claude Juncker, Jean-Claude Trichet ou Herman Van Rompuy ? A côte de la cacophonie ambiante d’autres humiliations sont à souligner : l’aide du FMI, l’intervention de créanciers publics chinois notamment en Grèce et surtout le récit des coups de fil de Barack Obama à Angela Merkel pour faire avancer les choses…L’Union européenne donne l’impression de ne plus maîtriser son destin. Pendant ce temps là dans l’espace public et médiatique européen on déplore le manque d’information et de pédagogie sur le fond du problème : le fameux saut fédéral qui se fait attendre.
Une solution évidente : plus de fédéralisme
Un nouveau plan Schuman pour mettre un terme aux tergiversations électoralistes et nationalistes dangereuses pour la construction européenne (rigidité de la chancelière allemande, manque de vision du gouvernement français, posture moraliste, populiste voire xénophobe de la part des gouvernements conservateurs finlandais et néerlandais) serait en effet le bienvenu.
Pourtant à en en croire certaines études économiques et travaux parlementaires européens, la réponse à la crise parait pourtant évidente…. Des grands économistes (comme Joseph Stiglitz, et Michel Aglietta) aux députés européens de tous bords politiques (Jean-Paul Gauzes, Slyvie Goulard, Andrew Duff, Pervenche Béres, Pascal Canfin, Martin Schulz) en passant par certains éditorialistes et même certains chefs d’entreprises européens, les solutions les plus sérieuses pour venir à bout de cette crise se trouvent dans le renforcement du fédéralisme politique européen. On peut par exemple évoquer le projet de taxe sur les transactions financières (une centaine de milliards d’euros par an) et le renforcement du budget de l’UE (le budget actuel, 1% du PIB européen, est insuffisant pour lutter contre des problèmes globaux trop grands pour un seul pays. Le budget fédéral US s’élève par exemple à 20% de son PIB) et la mutualisation des dettes européennes par la mise en place d’obligations européennes (eurobonds). Ces propositions ont été largement abordées au Parlement européen et à la Commission européenne mais pas assez entre gouvernements européens au sein du Conseil.
Enfin autre danger : la légitimité démocratique, parlons-en ! Le déficit de pédagogie sur les politiques européennes, le matraquage technique et le manque de vision politique de nos dirigeant ont apporté de l’eau boueuse aux moulins des populistes de tous bords, aux solutions démagogiques les plus incohérentes et surtout à la recrudescence d’un pessimisme et d’un nationalisme inquiétants. « Le nationalisme c’est la guerre » disait François Mitterrand lors de ses adieux au Parlement européen en 1995. Les héritiers de Spaak, Adenauer, Schmidt, Spinelli, Delors et Monnet sont à la peine. Une décision politique forte est plus que jamais nécessaire pour rétablir le lien entre le peuple et l’UE. Le pouvoir du Parlement européen doit être renforcé pour limiter les intérêts nationalistes et électoralistes du Conseil pour qu'il puisse garantir l’intérêt commun des 500 millions de citoyens qu’il représente. Pour reprendre une expression de Sylvie Goulard lancée lors de l’émission « Est-Ouest balle au centre », « les pouvoirs du Louis XIV institutionnel européen » doivent être contrebalancés par la seule institution européenne directement élue par le peuple : le Parlement européen.
Nous verrons bien dans les semaines qui viennent quelles seront les futures propositions politiques du Conseil européen promises à l’issue de l’annonce du nouveau plan de sauvetage le 21 juillet 2011. Mais attention, le manque de pédagogie, de transparence et de contrôle démocratique sur ces questions entretiennent le flou sur le soi-disant pouvoir oligarchique pointé du doigt par les partisans du dangereux repli nationaliste…Indignez-vous et informez-vous !
Arezki Yaïche
Membre de l’association paneuropéenne génération 112
Journaliste européen citoyen