L’affaire de la non-sélection de Benzema en équipe de France, secoue la France presque comme un soulagement alors que grèves, conflits sociaux, terrorisme, refugiés de guerre, et maintenant inondations sont au cœur de l’actu. L‘affaire Benzema arrive au bon moment.
L’homme pourrait facilement être considéré comme l’un des meilleurs joueurs français actuel. Victoire en Ligue des Champions, il est au plus haut de sa forme. L’Euro de Foot organisé cette année en France aurait pu confirmer sa consécration au plus haut niveau, l’envoyer sur le nuage des princes immortels du football français, comme les Zizou ou Deschamps de ce monde. Mais non. Ça n’a pas marché comme prévu. L’homme à la sextape ne serait pas en équipe de France cette année. Et certainement pas l’année prochaine non plus. C’en est fini de lui, le rebus de l’histoire, l’homme par qui les scandales se sont succédés. Une prostituée de luxe, du chantage, des commentaires désobligeants. Même le Premier Ministre de la France, Manuel Valls, l’homme déterminé, celui qui préserve la France du chaos, s’opposa à sa participation à l’Euro. Comme si le succès l’équipe de France lors de l'Euro relevait de la raison d'Etat, la raison d'un Etat « en guerre ». Pas de Benzema.
Mais, l’homme Benzema n’est pas seulement l’un des meilleurs joueurs français du moment, il est aussi d’origine algérienne. Déçu de ne pas avoir été sélectionné en équipe de France, il s’exprime dans un journal espagnol. Le sélectionneur de l’équipe de France, Didier Deschamps aurait « cédé sous la pression d’une partie raciste de la France », et donc refusé de sélectionner cette star du ballon rond pour l’Euro. Éric Cantonna, autre joueur exceptionnel, lui aussi exclu de l’équipe de France pour son comportement et Djamel Debbouze se sont joint à ces revendications. Benzema n’a pas été sélectionné par ce que la France est raciste, et il en est la victime.
Que l’argument tienne ou pas, je ne pense pas que la question soit là. Du racisme en France, certainement. Dans le football, ce n’est pas non plus impensable. On se rappelle de l’histoire publiée par Mediapart sur les quotas à l’entrée des centres de formation de la FFF pour éviter de recruter trop de « blacks », ces joueurs supposés « très forts physiquement », « puissant[s] sur un terrain » mais « venant de tribus dominantes », ils seraient difficilement contrôlables. Cependant, que d’autres considérations aient influencées la décision, des considérations d’ordre marketing, d’opinion publique ou politique, cela va de soi.
Pourtant, la réaction des Guignols à l'interview acide de Benzema vient justement confirmer l’existence de ce racisme.
Dans l’émission des Guignols du 1er juin, sont mise en scène Debbouze, Cantonna et Benzema, après un petit rappel de la position de Cantonna : « L’équipe de France n’est pas représentative de la société ». Cantonna, encore : « je ne supporte pas ces bleus, pas ces racistes, il n’y a que des blancs dans cette équipe ». Ça pourrait marcher, être drôle. L’équipe de France n’est pas le meilleur exemple de discrimination. Bien souvent, l’extrême droite s’offusque même de ne pas voir suffisamment de joueurs de couleur blanche représenter la France. Donc, Benzema aurait peut-être été trop loin, il n’y a pas de racisme. Circulez jeunesse. On peut rire.
Mais, l’histoire ne s’arrête pas là. Les Guignols, qui viennent d’être repris en main par Bolloré, n’ont pas finis leur show. Un dernier intervenant arrive ; la poupée de Mr. Le Pen. Le Pen, dans le même clip, sur le même registre que Benzema et les autres ajoute : « Moi non plus, je ne supporte pas ces bleus, il y a trop de bamboula et de bougnoules, n’est-ce pas ? ». Qu’est-ce que cela veut dire ? La critique du racisme par une supposée victime peut-elle être mise sur le même plan qu’une sortie putride de Le Pen ? Que dénoncer le racisme qui touche les français d’origine magrébine serait comparable à dénoncer l’immigration en général tel un Le Pen ? Benzema serait-il d’extrême droite, maintenant ?
Je ne juge pas ici de la légitimité de Benzema de dénoncer du racisme, ni d’essayer de faire le tri entre racisme, déception, aigreur ou rancœur, mais bien de dénoncer l’amalgame nauséabond des Guignols. Je ne trouve pas cela drôle. Surtout à la lumière des épisodes récents autour de la chaine. Surtout à la lumière des réactions politiques, tous à accabler le messager pour éviter d’entendre le message.
Dénoncer le racisme, c’est être facho, aux yeux de Canal +. Est-ce un tournant décidé par Bolloré en personne ? Une réaction identitaire, pour le moins. Un aperçu des sujets de l’élection présidentielle à venir ? Je nous souhaite bien du courage.