Après trois mois de mobilisations sociale sur le projet de loi travail et une absence totale de concertation entre le gouvernement réformateur et ses opposants conservateur, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, la femme à la porte ouverte rencontre enfin le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez. Trois mois de bataille médiatique, d’absence de bataille parlementaire, de grèves, de manifestations, de coups de sang et de coups de pression, trois mois pour que ces deux-là s’assoient à une table et discutent. Mais attention, pas trop non plus. Une heure. Parce que une heure de discussion ça va suffire.
D’un côté nous avons un gouvernement qui n’a pas vraiment été élu pour reformer le code du travail, mais qui s’inscrit dans un mouvement de réforme. La réforme n'est pas mal en soi, et entre nous, ça ne peut pas faire trop de mal à la France. Il existe en effet bien des blocages et des choses à changer. La France n’a pas à être un système immuable. En France, il n’existe pas de mandat impératif, donc le gouvernement (et son président, bien sûr) a, en théorie, le mandat de faire ce qu’il lui plait. Soit. Ainsi, il semblerait que le Conseil européen ait pesé pour que la France adopte ses recommandations sur les accords d’entreprise, alors le gouvernement les mets en œuvre (je vous renvoie à l’article de Martine Orange du 12/06/2016 sur le sujet - https://www.mediapart.fr/journal/france/120616/comment-leurope-pese-sur-la-loi-el-khomri). Le cher François Rabsamen, sentant le vent tourner, s’enfuit à Dijon, et on demande à la souriante Myriam de s’emparer du sujet. On nous dit, sur le ton docte des sachant qu’en facilitant les licenciements, il sera plus facile d’embaucher. Et ça, il faut le croire, parce que, c’est le futur. A mon sens, ça ressemble beaucoup trop à la main invisible pour être vérifiable. Mais, bon, chacun son job.
Madame El Khomri n’a pas le beau rôle. Elle voulait peser, faire de la politique, s’emparer enfin des manettes de la réforme. Sacré bizutage, entre nous. Donc, le projet de réforme est ébauché, avec le cher Macron en embuscade, et balancé à la presse. Les frondeurs y regardent et critiquent, la (vraie) gauche crie au complot, à l’enfumage, les syndicats se retroussent les manches. On change deux trois trucs, et voilà, 49.3 le projet est accepté, il ne bougera pas. Pas de discussion à l’Assemblée, parce que il vaudrait mieux ne pas trop s’exposer aux critiques de son propre camp. On l’envoie au Senat, ces gros libéraux encore pires que la gauche au pouvoir. « Regardez, nous dis Valls, regardez bien, les sales libéraux de droite. Nous, au parti socialiste au pouvoir, nous ne sommes pas si radicaux ». Encore du clivage, l’opposition droite-gauche. Valls dit, droit dans ses bottes : « On ne changera rien au texte ».
De l’autre, nous avons les syndicats. Au moins, c’est ainsi que le conflit nous est présenté. La gauche réformiste du XXIème siècle, contre la gauche passéiste et conservatrice, celle qui s’arc-boute sur ses privilèges. On a oublié les français, les chômeurs, les précaires, tous ceux qui auraient certainement besoin de changement. Tous ceux qui n’ont pas peur de l’avenir, ceux qui veulent bosser, tous ceux qui en ont marre de l’oligarchie, de la crise, du mépris social, du chômage et qui ont beaucoup de choses à proposer. Malheureusement, tous ceux-là ne sont pas forcement représentés par les syndicats de travailleurs. Et les syndicats, c’est moins de 15% des travailleurs. Pourtant, on nous dit que c’est la CGT qui est à la manouvre dans ce débat. Soit. Et les manifestations « ne peuvent plus durer ainsi ». Valls fustige l’attitude ambigüe de la CGT par rapport aux casseurs, alors que la France « est en guerre ». Et oui, les amis, il n’y a pas d’alternative, donc pas de discussion possible. Vous faites ce qu’on vous dit ou on vous envoie le GIGN. Il faut dire aussi que François Hollande et Manuel Valls jouent leur réélection sur le succès de cette loi. Ils n’ont pas trop le choix non plus, les loulous.
Et toutes ces menaces, toutes ces batailles rangées entre opposants, c’est ce qu’on devrait appeler démocratie ? Vraiment ? Dans les livres, on nous disait que la démocratie était le débat, la discussion, l’échange afin d’arriver à oublier les ambitions partisanes pour atteindre l’intérêt général. On en est bien loin. Quel dommage.