Maintenant que le peuple britannique s’est prononcé en faveur du « leave », peut-on considérer qu’il s’agit d’un succès pour la Grande-Bretagne ? Plutôt une victoire de l’UE qui n’écoute pas les peuples ainsi que celle du populisme radical.
D’abord, il faudrait souligner le comportement scandaleux de David Cameron. Le Premier Ministre britannique s’est fait élire grâce aux voix de l’UKIP de Nigel Farage, en acceptant de soumettre à référendum la participation de la Grande-Bretagne à l’UE. Une fois au pouvoir, il n’a pas pu l’éviter, et organise donc ce référendum populiste, tout en faisant campagne pour le oui, le « Remain ». Il a joué avec le feu, il s’est brulé ; et maintenant l’ensemble des mouvements identitaires et conservateurs de l’extrême droite européenne (qui bon gré mal gré acceptent de siéger au même Parlement Européen qu’ils veulent voir bruler) se voient légitimés dans leur bataille rangé contre la l’Europe en général. Et Cameron a donc fait voter la sortie de l’UE, mais démissionne pour reconnaitre son échec. Il a perdu, il partira à l’automne sans activer la procédure de sortie de l’article 50 du traité de Lisbonne. Il laisse donc la chance à son successeur de conclure un accord avec le Conseil européen, composés des chefs d’Etats et de gouvernement des 27 autres pays de l’UE. Ce dernier permettra-t-il à la Grande-Bretagne de partir gentiment, en disant, « oui, merci pour tout, au revoir » ? J’ai du mal à croire que cela se fera sans douleur. Le Conseil aura toute latitude pour négocier et pour poser ses conditions à la sortie de la GB. On souhaite bien du courage au successeur de Cameron.
La dernière fois qu’on parlait de laisser partir un pays de l’UE, c’était la Grèce, avec le fameux Grexit. Le Conseil, mais surtout le directoire de l’Eurozone, parce qu’à l’époque il s’agissait bien de sortir la Grèce de la zone euro. Et qu’est-ce qu’il s’est passé ? Rien. Le Grexit a été utilisé comme une menace afin de forcer le gouvernement Syriza à accepter les termes de ses bailleurs de fonds. A-t-on vraiment sérieusement considérer d’éjecter la Grèce ? Etait-ce vraiment possible ? Peut-etre s’agissait-il d’un argument assez radical utilisé par les autres membres de l’UE pour montrer à leurs opinions publiques respectives, qu’ils avaient la haute main sur le destin de l’UE. Il fallait montrer qu’ils étaient à la commande, que la démocratie athénienne, le peuple grec s’exprimant contre les diktats de Bruxelles n’allait pas avoir le dernier mot sur l’UE. Il fallait montrer qu’eux, dirigeants nationaux avaient toujours un certain pouvoir.
Mais ce refus par le peuple, c’est bien le signe que l’échelon national est en train d’exploser. Les gouvernements nationaux se paient une petite gloire à bon compte en attaquant l’UE alors qu’ils sont en perte complète d’influence. Les multinationales les dépassent largement, en taille, en puissance économique, en influence. Le bilan de la BNP, c’est plus que le PIB annuel de la France. Et Total ? A côté de ca, l’essentiel de travail législatif et décisionnaire des états a été remis dans les mains d’instances internationales, telles l’UE, l’ONU, l’OTAN ou les traités de libre-échanges conclus dans le plus grand secret. Que reste-il aux gouvernements ? Dans l’UE, une très grande majorité des lois votées le sont sur recommandation de l’UE qui va même approuver ou rejeter les budgets. Leur seule voie de sortie, c’est de faire le show entre deux élections et de taper sur l’UE. Mais, l’UE n’a pas l’habitude d’entendre la voix des peuples. Les référendums glissent sur elle. Les vrais vainqueurs de cette élection, ce sont les mouvements identitaires, populistes qui vont pouvoir continuer de nuire, tout en ne changeant rien.