• la création artistique s’inscrit dans la durée d’un long processus fait de phases, d’étapes, qui vont de la genèse, de l’idée à sa réalisation, son élaboration, à travers une forme donnée, jusqu’à sa représentation ou son exposition, c’est-à-dire sa confrontation à un public
• un acte artistique, quel qu’il soit, naît de la combinaison du désir et du manque ; il relève de la tension et de l’équilibre entre eux, de l’alchimie singulière qui en résulte ; acte subjectif, il ne prend son sens et sa portée que dans le rapport à l’autre et au monde, c’est pourquoi il mêle dans un même geste de création l’intime et le collectif
• en ce sens, l’art est un besoin social vital au même titre que n’importe quel service public, l’eau, l’énergie, l’éducation, la santé ou les transports ; sa capacité à éveiller les consciences, à remettre en cause les certitudes et les schémas dominants permet de déplacer les regards et points de vue, d’activer une pensée critique ; interroger le monde, l’autre et sa propre énigme intérieure, dans un même mouvement, place l’art bien loin des seules «plus-value» affective et/ou « distinction » intellectuelle auxquelles il est souvent réduit.
Il est crucial d’affirmer que les champs et territoires de l’imaginaire, dans leur diversité et leur pluralité, doivent à tout prix échapper à toute logique de rentabilité économique ou sociale. Si l’art est « utile » voire indispensable, c’est sur un autre plan : celui de la transgression, de l’ouverture d’une voie (voix) divergente dans l’espace démocratique et citoyen, de l’émancipation par la confrontation à l’autre et à sa propre étrangeté. Il a une valeur d’usage non marchande.
Le danger est aujourd’hui immense d’une captation des imaginaires alliée à la standardisation et normalisation des « produits culturels » portée par l’expansion généralisée du concept « d’industries culturelles ». substitué à celui « d’oeuvre » ou de « démarche artistique », il tend à devenir la boussole et la ligne d’horizon des politiques publiques de la culture.
Face au péril, il nous faut à tout prix poser ces deux réalités d’acte et de projet artistiques comme guides et fondements de toute politique culturelle publique, à l’inverse des modèles de spectateur/consommateur et d’artiste/auto-entrepreneur, en passe de devenir la norme.
Contre cette répartition mortifère des rôles, il y a urgence à penser et à définir, ensemble, un contre-modèle.
Nous parlons ici (au-delà de la seule création artistique, aussi précieuse soit-elle) de l’existence d’un sujet libre, conscient, et de la préservation d’un imaginaire commun et singulier.
Voilà l’enjeu véritable posé pour l’avenir de notre humanité.