Fin septembre, je planterai dans un square du 11e arrondissement de Paris une installation dont l'élément principal est un lecteur assis. En ce début du mois de juin humide, son corps se couvre de plâtre qui peine à sécher et, timidement, nous faisons connaissance.
Depuis quelques jours, un lecteur assidu demeure assis dans mon atelier. Il y a un mois encore, il n'était qu'une vieille chaise démolie, un guéridon retourné et quelques fils de fer entortillés. Une vague idée, un projet mûri depuis longtemps mais que je n'osais pas.
Que lit-il ? De quels mots ses habits seront-ils cousus ? Quelles seront ses couleurs ? Sera-t-il surfilé d'étoiles et de soleils ? Saura-t-il, par dessus-tout, se vêtir de saisons ? Je ne sais pas. Je sais très peu de lui. J'avance pas à pas. Je sais pourtant qu'il aime déjà les gens et qu'il croit dans les livres plus qu'en n'importe quel dieu. Je sais qu'il se construit avec des bouts de rien et des textes de partout et que très rapidement, herbes et plantes l'envahiront comme elles font avec les maisons abandonnées, pour qu'elles restent vivantes. Je sais aussi qu'il aimera lire ses pages en se laissant distraire par les cris des enfants qui jouent et qui grandissent. Je sais qu'il s'installera quelque temps pour cela, dans un square de mon quartier… Alors pour le moment, je l'appelle timidement "le Lecteur du parc" et je tente de l'apprivoiser comme l'on fait avec un renard. (…)