
Je ne suis pas du camp des intégristes. Je crois que la vie, de toutes façons, est question de compromis et qu’on est bien contraints de choisir entre vivre et ne pas mourir trop vite. Alors bien sûr, il faut savoir tempérer ses rêves, avancer à pas comptés pour ne pas les salir, mais avancer vers eux, toujours, comme on mène sa barque, en dérivant le moins possible, même avec les vents contraires et les courants opposés ; essuyer les tempêtes et viser un cap. Or je crois que le cap de gauche reste un cap de gauche.
Je crois qu’être progressiste de gauche, ce n’est pas être progressiste de droite. Alors non, Monsieur Valls, je ne suis pas d’accord : vous n’incarnez nullement une gauche moderne.
Parce que la gauche moderne ne déchoit pas ses enfants égarés même dans le terrorisme : elle juge qu’ils sont le fruit de la société qui les a produits et elle accepte d’assumer cela et de réparer ses dérives. Le socialisme met en question la société, pas l’individU.
Parce que la gauche moderne ne prolonge pas sine die un état d’urgence à l’efficacité contestable et qui bride l’expression populaire.
Parce que la gauche moderne ne laisse pas crever des humains à ses frontières, dans ses eaux, dans ses bidonvilles !
Parce que la gauche moderne avait aussi semblé comprendre que des décennies de progrès technique devaient avoir été faits pour qu’en réduisant le temps de production, les hommes puissent tous bénéficier d’une précieuse oisiveté : celle qui laisse le temps d’accompagner ceux qui grandissent pour qu’ils deviennent plus forts, celle qui laisse le temps de faire de l’improductif : réfléchir, lire, rire, chanter, danser, regarder, aider, voyager, écouter…
Parce que voyez-vous, monsieur le Premier ministre, la gauche moderne est un peu humaniste et qu’elle a donc de l’homme cette étrange et haute idée qui le veut perfectible, à condition qu’on veille.
Mais surtout, monsieur Valls, le socialisme juge qu’il faut, pour que cela fonctionne, que les écarts de richesse ne soient pas indécents, qu’on ait de notre monde une vision plus globale, plus inclusive de l’autre : l’autre homme et l’autre qui m’entoure, mon environnement tout entier.
Parce que la gauche moderne devrait être capable de faire ce que fit Roosevelt face à la crise de 29 : récupérer l’argent là où il se trouve, parce qu’il y en a, vous le savez, et même un bon pactole.
On me rétorquera : « mais Hollande voulait le faire, il a pas pu, c’est pas légal ».
Alors là, j’ai vraiment mal. Est-ce que cela veut dire qu’en 80 ans, on n’a pas avancé d’un poil et que pire : on ne peut même plus faire ce qu’on faisait alors ? J’enrage de vous entendre parler de progrès. Ah ça ! Mais vous avez fait quoi, pendant ces décennies ? Car vous le savez bien, vous, M. Valls, qu’il n’y pas de complot mais juste des lobbies qui défendent leurs business parce que c’est leur boulot. Mais le vôtre et celui de tous nos élus, c’est quoi ? Pourquoi vous paye-t-on sinon pour que vous leur teniez tête et défendiez nos intérêts avec autant de brio qu’ils défendent les leurs ? Vous devriez être l’élite, vous êtes des incapables ! Pas fichus de faire le job… juste “faire le job”.
Seulement voilà, la communication a tellement supplanté la culture, les petites phrases ont tellement effacé les discours argumentés qu’on ne sait même plus pourquoi l’on vote… Alors, faute de mieux, nous élisons des discours que nous savons factices. Blasés, nous relevons les retournements de veste, les manques de cohérence… Et l’on rit jaune. Mais ce n’est pas drôle parce qu’à ce petit jeu, la plus forte, c’est Marine. Si vous étiez meilleurs, elle ne serait pas grand chose. Mais vous semblez tellement impuissants, tellement désemparés…
Hélas ! Comment voulez-vous que nous croyions encore au vote utile ? Il ne l’est plus jamais !
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