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Billet de blog 26 août 2008

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E.D.L.

Pour la première fois (il faut un début à tout !), ce ne sont pas libraires et les bibliothécaires, qui montaient à Paris au siège de L'école des loisirs, mais l'éditeur qui venait en province (Lyon) présenter sa rentrée, accompagné de deux grands auteurs-maison pour témoigner aux acteurs du livre de la "tonicité" de cette région (Rhône-Alpes).

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Pour la première fois (il faut un début à tout !), ce ne sont pas libraires et les bibliothécaires, qui montaient à Paris au siège de L'école des loisirs, mais l'éditeur qui venait en province (Lyon) présenter sa rentrée, accompagné de deux grands auteurs-maison pour témoigner aux acteurs du livre de la "tonicité" de cette région (Rhône-Alpes). C'est l'incontournable et inénarrable Jean Delas, qui a ouvert cette journée ensoleillée en bord de Saône au lieu dit l'embarcadère (très belle salle de location pour fêtes, conférences, expositions). Toujours à son propos, l'un des derniers indépendants en jeunesse, n'a pas hésité à prendre avec sérieux l'habit d'un des derniers pères "d'une révolution tranquille" qui au début des années 60 métamorphosa l'édition jeunesse, se

tenant comme "témoin et acteur" à notre entière disposition. La matinée a commencé avec Xavier-Laurent Petit interrogé par Jerôme Lambert, responsable communication mais aussi auteur à qui l'on doit pour les ados dans la collection medium "tous les garçons et les filles", une très simple et très belle histoire d'amour; et pour les petits dans la collection mouche, le très intime : "comme le soleil". Ce fût l'occasion de remonter tout le parcours de Xavier-Laurent Petit, sept romans pour ados qui ont tous emporté l'adhésion des libraires, des bibliothécaires et des ados bien sur. C'est avec un succès immédiat qu'il débute, puisqu'il obtient le prix sorcière pour "Colorbelle-Ebène", son premier roman jeunesse (indisponible hélas aujourd'hui) premier ouvrage dans la collection médium à l'Ecole des loisirs. Il nous a dit avoir mis dans ce livre et dans "Miée", ses souvenirs d'enfance, prenant un plaisir non dénué de sens dans le deuxième, à poser cette question que l'on se pose tous : "Suis-je vraiment le fils de mes parents ?" (à noter sur le sujet le très drôle "Extraterrestre mode d'emploi" Chez Syros d'un autre auteur). Jerôme Lambert a pu souligner ce qui caractérise ses livres et ce qui emporte notre adhésion: des récits à la première personne, mais des lieux

aux frontières floues, l'évocation d'autres vies, d'autres pays et un résultat qui pourrait s'apparenter parfois au "docu-fiction". C'est pour Xavier-Laurent Petit plutôt une suite de hasards et très peu de voyages, qui ont contribué à forger cette manière. C'est d'abord une rencontre Rachid Boudjedra, qui à l'époque, vit sous haute sécurité. L'auteur s'interroge, réfléchit à leurs discussions, et profite d'un kiosque international en bas de chez lui pour écrire "L'oasis" avec le sentiment que notre facilité à vivre le quotidien n'est peut-être que ponctuelle ; la guerre, le danger, l'absence de liberté n'étant qu'à une heure de vol et quelques centaines de kilomètres. Ce va et vient et cette curiosité, Xavier-Laurent Petit va la poursuivre avec d'autres titres, comme le magnifique "Maestro", qui va même lui donner l'occasion d'inspirer un "réseau", inspiré et fraternel autour de la musique (qui imprègne et accompagne Xavier-Laurent Petit dans tous ses romans) partant du chemin où va le conduire les traductions de son livre en Espagne ou en Allemagne, créant encore par une suite de hasards un cycle de fictions et de faits réels, rencontrant le personnage qu'il a avant créé, liant deux formations de jeunes musiciens séparés par tout un monde et pas mal de kilomètres et d'altitudes. Avec lui les frontières du temps et de l'espace bougent, et il n'hésite pas suite à une rencontre avec des élèves, à ne plus spécifier où l'action se déroule dans ses livres, une jeune yougoslave pouvant être touchée par les destins des héros de Maestro vivant

pourtant en Amérique Latine. La discussion a pu continuer sur le livre qui nous a tous transportés cette année: "Be safe". Ce sont deux articles simultanés dans Le Monde et Libé, qui créèrent l'étincelle. Une idée sans doute aussi ou plutôt un préjugé auquel il décide de s'attaquer : celui du "déserteur-traitre". Il n'a pu que modestement nous renvoyer au jeune américain, dont il s'est inspiré et à une journaliste, Sarah Daniels dont il a vanté le travail en Irak plus proche de la nouvelle à son goût que du simple article de presse. Il nous a tenu au courant des dernières démarches qu'a pu engager ce jeune soldat pour justifier sa

désertion, parti au combat sur un mensonge, une idée truquée. Le tribunal canadien a rejeté cet argument pour lui accorder l'asile. Mais présenter les choses ainsi ne ferait de son livre qu'un documentaire, ce qu'il n'est pas ; et de lui-même un auteur engagé, ce qu'il n'est pas non plus. Il préfère se dire plus modestement "concerné" et a sans doute pu exprimer à travers ce roman toute l'admiration qu'il a pour la littérature américaine, jouant aussi à merveille de ce qu'il trouve de fascinant dans la nature humaine et qu'il nomme "atermoiemement de caractères", traduisez haut et bas, alternance bien connue qui va de l'appétit au dégoût et du dégoût à l'appétit.... La suite de la discussion lui a permis de parler un peu de ses choix concernant deux biographies qu'il a publiées à l'Ecole des loisirs dans la collection Belles vies pour ado : "Marie Curie" et "Charlemagne". Pour le premier que j'aime beaucoup, il lui a fallu trouver un fil conducteur qui transparaissait dans tout ce qu'il put lire d'elle.

"Une femme centrée uniquement sur son travail et qui toute sa vie malgrè elle, a été propulsée pour de bonnes ou mauvaises raisons à la une des journaux, discordance..." Cette intervention s'est achevée dans la bonne humeur sur sa participation avec "Haut Niveau" à un recueil qui vient de paraître en clôture des J.O., "Il va y avoir du sport..." qui aussi surprenant que cela puisse paraître, l'a propulsé dans le monde du Beach Volley même s'il reconnaît hélas une absence totale d'interêt pour le sport, mais une commande peut parfois amener plusieurs contraintes fertiles à la création, dont il semble sans être tiré en vrai sportif de compétition en écriture (avec une voisine entraineuse tout devient possible, il suffit d'être bien coaché)...

L'après-midi, c'était au tour de Mario Ramos, présenté par Maurice Lomre qui je le rappelle, est le traducteur d'un auteur

injustement méconnu en France puisqu'il nous fait l'honneur de sa traduction : Guus Kuijer. Il vous faudra un jour lire absolument "Le livre qui dit tout". Un chef-d'oeuvre de la littérature jeunesse qui ne devrait pas déplaire aux adultes. C'est donc l'école Belge et plus encore l'école du nord de l'Europe, qui venaient à nous avec ces deux excellents représentants. L'occasion pour le prolyxe pédagogue-éditeur Jean Delas de nous rappeler la signification de Pastel où est édité Mario Ramos. Ce n'est pas un éditeur indépendant mais "la griffe belge" de L'Ecole des loisirs. C'est une cellule de Création animée par Christiane Germain (qui en d'autres temps édita chez Duculot, Gabrielle Vincent) C'est un bureau éditorial à Bruxelles, "une sensibilité nordique" de l'école des loisirs dans un pays de grande tradition dans le livre illustré et pas que dans la B.D.. Passé par l'institut graphique Saint Luc, Mario Ramos pourrait être présenté par une suite d'associations de deux mots comme le fit pour nous Maurice Lomre : "facétie et réflexions", "rire et réfléchir" et illustré par son travail comme par son discours deux facettes de la vie "Gravité et

liberté". Entrer dans l'oeuvre de Mario Ramos s'est d'abord entrer par un album qui illustrera sans doute encore plus à la fin de sa présentation, le statut d'artiste qu'il ne rougit pas de revendiquer mais qui le place en marge d'une société parfois cruelle et absurde pour celui qui différent, voudra en découdre: "Le monde à l'envers". Comme il le dit très simplement, la vie ne va rarement d'un point A à un point B. Evidence peut-être, mais ce sont sur des évidences et une langue illustrée et écrite, que Mario Ramos construit son travail. Venu de la presse, il tient toujours à communiquer et à faire mouche. Quand il construit ses albums, il ménage pourtant un espace important pour que les enfants proposent, interprètent mais surtout vivent l'histoire pour en garder quelque chose, une expérience. Innocente ? Pas tout à fait, c'est un auteur engagé au sens politique que l'on découvre derrière cet humour qu'il utilise comme une arme rejoignant sur le principe son éditeur qui le répète à foison lors des rencontres, citant Nathalie Brisac, "lire et élire". Deux actes liés par le langage. Si Mario Ramos semble se nourrir et trouver une complète légitimité à son travail par ses rencontres avec les enfants, il prépare à

chaque album et c'est presque une condition à son existence, une double lecture, un double point de vue, une lecture adulte et enfantine. Dans les deux cas, il veut tirer son lecteur vers le haut privilégiant plusieurs voies de lectures , ménageant les capacités et les modes de lecture de chacun, interrogeant les deux sur leurs actes sur un monde présentant déjà quelques chausse trappes droles ou moins drôles. Il n'y a qu'à goûter à l'humour qui est sous tendu de bout en bout dans son premier livre animé :

"Quand j'étais petit" avec cette phrase au dos du livre "Dans la vie, il y en a qui ont beaucoup changé et d'autres pas du tout" pour s'en faire une idée. Etonnant le compte rendu qu'il peut nous faire des interprétations multiples que font les enfants, et de la joie qu'ils ont par un livre animé "à faire disparaître les adultes" d'un geste. Parler du pouvoir, de la guerre, graphiste hors paire, Ramos est aussi l'acteur d'une série d'albums qui donnent du grain à moudre et pour cela il sait très bien que les enfants sont surprenants, cruels aussi, curieux de tout. Taquiner le pouvoir, "Tout en haut" sous son apparente fantaisie n'en est-il pas une magnifique illustration ? Le titre et image de couverture sont pour lui le premier contact qui doit casser toute barrière et amener une signification forte, "Un monde de cochons"... On revient au monde à l'envers. Impossible bien sur quand on parle de Mario Ramos de ne pas parler de "C'est moi le plus fort" et "C'est moi le plus beau", titre et suite qu'il doit au lapsus d'une bibliothécaire à propos du titre. La chose jaillit, il n'a jamais cherché à faire une suite, ni lui, ni son éditeur. Ce loup qui attire et fait peur n'est-il pas encore et

surtout un bon moyen de s'approcher de la chose politique, du pouvoir, de la bêtise qui n'en peut plus et se nourrit d'elle-même. "Eduquer le sens critique"... Etablir des correspondances entre notre lecture du monde et la leur, quinze années d'expérience et une création dèjà impressionante, cohérente, il fait paraître cette semaine toujours chez Pastel : "le loup qui voulait être un mouton". Un livre dont il a nous a expliqué tout le travail graphique qu'il a fait sur les vides pour illustrer son propos, texte et illustrations étant pour lui indissociables et en dialogue permanent... Mario Ramos, toute une histoire (illustrée), "fier de ses histoires, gêné de ses dessins", une rencontre à poursuivre ici

Lyon le 26/08/08

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