Ce mouvement qui a levé, en France autour de 4 millions de personnes, dimanche dernier, me replonge directement dans les sujets que j'aborde ici dans ce blog:
- la discussion autour de "Liberté, égalité, fraternité",
- celle autour de "la communication",
- celle autour de "la pensée mythique".
En effet, il s'agit ici d'un cas d'école, qui met particulièrement bien en évidence la différence entre "Symbolique" et "Imaginaire"; ainsi que la différence entre postures "ex-ante" et "ex-post".
Que disent les manifestants dans la rue? Beaucoup de choses, très diverses, de l'émotion. Et ce n'est pas le propos ici d'en faire la récollection. Mais j'y vois ceci: une aspiration vers quelque chose de l'ordre de "vivre ensemble", de la "liberté". Un Symbole inaccessible, impossible à appréhender explicitement par des mots, mais qui se dessine à travers la diversité de ces expressions (l'imaginaire connote le symbolique.)
==> Et cet espoir marque une position ex-ante par rapport à ce Symbole.
Maintenant, que lisons-nous ici, sur Mediapart:
- Des témoignages d'un vécu (i.e.: auteurs en position synchrone: ils en font le récit historique; ou ex-ante: ils partagent cette "communion" ressentie dans la marche);
==> on retrouve la position ex-ante, qui seule permet une "empathie" avec le mouvement
- Des théorisations concernant le déroulement de cette marche. Essentiellement des critiques concernant, soit la récupération d'un mouvement en cours, soit des rejets de certaines personnes présentes, ou des demandes adressées à certains d'avoir à se prononcer sur les évênements. Analyse ou théorisation:
==> on est dans une position ex-post pour exprimer une reconstruction (par définition Imaginaire)
Il est évident que les deux discours ne peuvent se rejoindre.
Maintenant, ceux qui, en position ex-ante, expriment leur attente (ou un manque) symbolique, peuvent, bien évidemment, adopter une position ex-post pour adhérer ou non à tel ou tel discours politique visant à expliciter cette attente symbolique; et retomber en position ex-post.
Mais, et c'est beaucoup plus inquiétant, ceux qui ne peuvent (ou ne savent) pas changer de position ex-post, ceux qui ont toujours une explication, toujours un argument à opposé à un vécu, présentent une rigidité forte inquiétante. J'en parle ici.
Ce dialogue de sourds me rappelle un petit apologue zen:
Deux jeunes moines, ayant fait voeu d'abstinence, marchaient sur une route de campagne vers quelque monastère. Leur chemin vient à croiser un petit ruisseau qu'il leur faut traverser à gué. Au moment de ce faire, ils aperçoivent une jeune fille belle et bien habillée toute embarrassée de devoir gâter ses habits pour traverser. Elle demande aux moines de bien vouloir la porter sur l'autre rive. L'un se renfrogne, l'autre accepte. Puis, nos deux moines continuent dans le silence de leur méditation. Cependant, n'y tenant plus, au bout d'une dizaine de kilomètres le moine renfrogné s'adresse à son ami:
- Comment as-tu pu toucher cette fille, après les voeux sacrés que tu as prononcés, comme moi,
Et son ami souriant lui répond:
- Tu la portes encore...
Regardez ici, sur Mediapart combien portent encore cette manifestation à laquelle il n'ont pas participé, faute d'en avoir compris le sens et la portée: c'est ça l'automatisme de répétition...