Pour ceux qui n’auraient pas encore subi mon discours, je vais tenter de vous résumer en 3 lignes la structure d’une arnaque, et ensuite, en manière de travaux pratiques, nous considérerons ensemble la « grande réforme fiscale » de notre vénéré président sous cet angle.
1/ Théorie :
Considérons un maître d’école et un élève, pendant une leçon portant sur la conjugaison des verbes.
- Le maître connaît la conjugaison, il en « possède » la théorie, qu’il transmet à l’élève ;
 - L’élève, à l’écoute, apprend du maître, par exemple que les verbes du 1er groupe prennent « ent » à la 3e personne du pluriel : chanter / ils chantent.
 
Considérons cet instant idéal où l’élève est encore vierge de toute notion en ce domaine, que le maître possède parfaitement. Nous dirons que :
- L’imaginaire du maître intègre une « compétence » en In de son Imaginaire, qui lui permet de faire des discours, faire des « performances » (en In-1) respectant les règles édictées et connues (en In). Il peut faire toutes les variations qu’il veut sur le thème : il est à l’aise et domine son discours (en In-1) car il le regarde de haut (il connaît la théorie en In). Il est en position « ex post ».
 - L’imaginaire de l’enfant est tout différent. Il répète des performances (en Ip-1), sans véritablement « comprendre » la règle que l’on s’efforce de lui inculquer (en Ip). Jusqu’à ce qu’il « comprenne » ou « accepte » cette règle, l’intériorise, ce qui implique l’activation de nouveaux circuits neuronaux. Jusqu’à ce que le maître considère que son élève a « acquis » cette « compétence ». Dans ce schéma, l’élève est en position ex-ante (il répète en Ip-1) dans l’espérance de comprendre un jour de quoi il retourne (changeant alors de position ex ante / Ip-1 = > ex post / Ip).
 
Où est le danger d'arnaque me direz-vous ?
Tout simplement dans le fait que le maître pourrait, dire à son élève, lorsqu’il est dans cette position ex ante, que le pluriel n’est pas en « ent » mais en « s ». Il peut tout à fait induire une conduite fausse, simplement par la position différentielle du maître et de l’élève.
En résumé : un individu A peut arnaquer un individu B à propos d’un sujet dont ils discutent, lorsqu’à propos de la représentation de cet objet :
- A est en position ex post
 - B en position ex ante.
 
Nous en avons déjà parlé au sujet de la différence entre secte et religion.
2/ Pratique :
Considérons la réforme proposée concernant la perception de l’impôt sur le revenu.
Actuellement les impôts que nous payons l’année N sont calculés sur les revenus de l’année N-1. Or, on nous annonce qu’en 2018, nous paierons nos impôts, payables en 2018, sur l’assiette de nos revenus 2018 et non sur ceux de l’année 2017.
Remarque inquiète des journalistes, relayant les bruits et rumeurs qui filtrent intelligemment de Bercy :
QUID DE L’ANNÉE 2017, en effet, nous dit-on :
- Si l’état fait « cadeau » des impôts calculés sur 2017, il perd un an d’imposition;
 - S’il faut payer en 2018, les impôts calculés sur l’assiette 2017 ET mettre en oeuvre le nouveau mode d’imposition sur l’année courante, les contribuables auront du mal à payer cette double imposition.
 
Or ceci est une pure arnaque intellectuelle. Un scandale éhonté, ou une connerie d’énarque, je ne sais ce qu’il faut craindre le plus.
Reprenons : Si, effectivement, l’état s’engageait à supprimer totalement la perception de tout impôt sur le revenu en, disons 3010, alors, oui, in fine, et pour l’année 3010, clôturant la série des recettes fiscales, il y aurait, une perte à constater, due au non-paiement des impôts calculés sur cette assiette de 2017.
Vous concevrez que le dégât à constater soit assez lointain.
Mais il y a pire : l’état n’envisage en aucune façon d’arrêter un jour ou l’autre, et de façon déterminée à l’heure actuelle (c’est-à-dire avec une date limite irrévocable) de percevoir des impôts. Autrement dit, non avons là une suite infinie de recettes fiscales. Or, donc, dans cette suite infinie, supprimer une année ou deux du calendrier n’a aucune importance sur la somme finale, puisqu’elle est infinie : on ne peut rien retrancher à l’infini.
Il y a donc une arnaque, en ce sens, que je n’imagine pas les fonctionnaires de Bercy incapables de faire la différence entre une suite finie et une suite infinie ; alors qu’ils nous supposent, nous, hors d'état d'y réfléchir. Et de fait, les commentaires lamentables des journalistes en nous y préparant leur permettent de le supposer…
Vous n’êtes pas convaincus ?
Reprenons par un autre bout :
- Ce qui compte, chaque année, c’est ce qui rentre effectivement dans la poche du trésor. Que l’assiette soit les revenus de l’année antérieure, ceux de l’année courante ou fonction du nombre de pianos à queue dans le salon (oui, oui, il y a eu un impôt sur les pianos) ;
 - Autrement dit, financièrement, c’est l’année de perception qui compte, et non l’année prise pour le calcul de l’assiette ;
 - La seule variation qui interviendrait dans la perception tient donc aux variations de revenus entre 2017 et 2018, ce qui n’a rien à voir avec « une année blanche ». Et si, comme s’y engage le gouvernement depuis une éternité, les revenus augmentent, la récolte sera plus abondante d’autant.
 
Repérez-vous, maintenant le schéma de l’arnaque ?
- Le fisc, maîtrisant parfaitement les règles de calcul (en position ex post) nous sort une théorie bidon ;
 - Les contribuables que nous sommes, pauvres ignorants, ne sortant pas de l’ENA (donc inexistants) sommes en position ex ante, devant la parole divine qui tombe de Saint Bercy.
 
Je suis en colère, que l’on nous prenne pour des imbéciles, déjà passe, c'est une question d'habitude, mais que dire de l’insipidité, de la nullité des commentaires de presse qui s’étalent obscènement sous nos yeux?