Je reprends ici un commentaire laissé sur le billet: l'Islam cause d'inculture?
Je crois que le problème est plus profond, et révèle un écart culturel qui nous ramène à l'opposition sociétés froide / société chaude, dont nous parle Lévi-Strauss.
L'écart se creuse, en Europe, au siècle des Lumières en France (de Kant en Allemagne). Et Foucault a trouvé le mot pour le dire: c'est alors que sont nés les réflexions sur l'homme. Ceci a à voir avec les notion d'individu, de liberté, d'égalité. Les sociétés islamiques n'ont pas eu leur propre Renaissance, ni leurs Voltaire ou Kant.
La différence fondamentale entre les deux attitudes tient à la façon d'assurer sa stabilité. Dans les sociétés froides, la stabilité tient à la répétition du même: organisation immuable, système philosophique figé, et corrélativement: chacun est rassuré d'avoir, dans cette société une position bien déterminée, repérée. La sécurité individuelle va de pair avec la pesanteur sociale. De ce fait, dans ces sociétés figées dans leur représentation du monde (i.e.: figées dans leur imaginaire), les chocs du réel sont très violents. Dans cette perspective, ces sociétés subissent comme un trauma fantastique, l'irruption de l'Occident dans leur vie.
Dans le sociétés chaudes, c'est à dire, en très gros, depuis le siècle des Lumières, en Occident (dont l'épicentre serait en fait la vieille Europe) la stabilité ne vient pas d'une position figée, mais au contraire, du mouvement lui-même. Et c'est peut-être Diderot qui le dit le premier:
« Tenez, mon ami, si vous y pensez bien, vous trouverez qu’en tout, notre véritable sentiment n’est pas celui dans lequel nous n’avons jamais vacillé, mais celui auquel nous sommes le plus souvent revenus. » (Diderot, Entretien entre Diderot et d’Alembert, 1769).
L'opposition sociétés froides / sociétés chaudes, c'est la fable du chêne et du roseau.
A partir de là, tout s'accélère et paradoxalement, dans le même temps, la prégnance symbolique de la société sur l'individu s'efface. et le psychanalyste remplacera le shaman.
Ceci se retrouve partout, même dans le domaine religieux. Par exemple, chez les protestants, il n'y a pas de médiatisation cléricale entre le croyant et dieu. Et c'est précisément ce qui a amené au capitalisme (je fais court!).
C'est dire également que la capacité d'adaptation de l'Occident est infiniment supérieure à celle de société restées à ce stade "froid". Par exemple: les derniers attentats n'ont eu aucun impact réel sur la société française, la vie suit son train-train quotidien, après l'émotion soulevée le 07 et exprimée le 11. Ensuite: le politique va gentillement récupérer tout ceci, faire des lois etc... Business as usual; même la bourse n'a pas bronché.
Un mot encore: on pourrait discuter sur le fait qu'historiquement, les sociétés froides doivent néessairement se réchauffer en passant de la chasse/cueillette à l'agriculture, puis de l'agriculture à la vie urbaine. Or, l'évolution actuelle pousse les sociétés froides dans ce sens... Il y a donc des dysfonctions très visibles qu'elles s'avèrent incapables de gérer sans se réchauffer...