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Billet de blog 1 juin 2012

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Philippe Bilger. Adieu devoir de réserve!

 Quel personnage fascinant que ce grand magistrat entré dans un honorariat actif avec une joie non dissimulée. « La nostalgie ce sera pour plus tard, peut-être. »

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 Quel personnage fascinant que ce grand magistrat entré dans un honorariat actif avec une joie non dissimulée. « La nostalgie ce sera pour plus tard, peut-être. »

Quarante années au service de la justice, au service des justiciables et, osera-t-on le dire, des prévenus pour lesquels il n’a certes pas eu d’empathie mais toujours un respect de bon aloi, même au comble de l’horreur. Et il le dit librement, très librement. Parole d’avocat désormais plutôt que d’avocat général. Réquisitoire ou plaidoyer, c’est selon.

A présent, c’est hors de l’ordre judiciaire qu’il se dépense avec l’ardeur d’un vert  débutant, talentueux et expérimenté toutefois. Il était à Strasbourg  hier, à la salle blanche de la librairie Kléber, devenue une véritable institution culturelle dans l’Est pour débattre de «  Justice et Politique : quelle place pour la corruption ?» ? En face de lui, représentant le monde  politique, le premier adjoint de Strasbourg, Robert Herrmann( PS), un des personnages les plus marquants et les plus prometteurs de la municipalité.

Modération efficace et aisée

Introduisant les sujets, l’universitaire (E.Maulin) chargé de la modération s’est parfaitement acquitté de sa tâche n’ayant pas  à intervenir dans un débat où les deux protagonistes se répondaient quasiment à l’unisson, l’ex-magistrat passant tout de même pour un homme de droite face à un socialiste qui aurait pu se montrer triomphant. Ben non ! Pas de joute. Quelle élégance ! Ou alors quelle entente !

 Sur le fond : on devinera sûrement que la corruption est formellement à bannir dans la sphère tant publique que privée puisqu’elle constitue ou induit une injustice. Des nuances cependant car, si au sommet les limites sont ouvertes et là des instructions au plus haut niveau sont en cours, au bas de l’échelle, on ne sait trop où est le premier barreau. Un élu peut-il accepter un déjeuner avec un éventuel prestataire ? Un magistrat peut-il placer un dossier en cours au-dessus de la pile  à la demande d’un confrère ? Peut-être, mais il doit refuser la boîte de chocolats en récompense ( la manger ou la renvoyer mais ne pas l’accepter, surtout pas au moment où la demande est formulée). Des exemples un peu légers certes, mais qui montrent la complexité et de la question et les limites de la réponse. Si les lois d’assainissement du financement des partis ( lois dites Rocard) ont pu assainir la vie politique, voudrait-on croire avec Robert Herrmann, elles ne mettent pas à l’abri d’une affaire Bettencourt, par exemple. Eh oui ! De plus, se demande un auditeur, n’y a-t-il pas des cas où la corruption est un bienfait en pensant aux régimes totalitaires et au nazisme en particulier. Question de sémantique, répond Philippe Bilger. On appellerait çà autrement dans ce cas : résistance sans limites, par exemple. De son côté Robert Herrmann évoque la corruption dans les pays d’extrême pauvreté où, à ses yeux, elle n’est guère que moyen de survie donc pour le moins excusable. Gauche tiers-mondiste ?

Mais c’est surtout le personnage très médiatique Bilger, qui a déplacé les nombreux auditeurs. Les organisateurs (Cercle Daniel Riot présidé par V.Gouvion) en étaient persuadés et personne n’a été déçu.

Voilà pour le compte rendu qui intéresse toujours les lecteurs alsaciens. Ici, dans la même salle, Edwy Plenel fait toujours le plein.

La liberté rend prolixe

Difficile de garder l’image du magistrat austère, rigoureux à l’extrême, parfois rétif à la limite de la critique ouverte ( cf son blog). Rien de changé  pourtant chez l’intellectuel, retiré des prétoires. Toujours la même aisance dans une expression soignée et fine, des propos clairs et totalement libres, une articulation parfaite qu’on doit peut-être au petit poil qui se promène parfois sur sa langue ( il parle volontiers de Démosthène ).

Ajoutez à cela un zeste d’humour piquant, spontané, sans sourire, parfois difficile à déceler immédiatement. Pour avoir suivi des réquisitoires « chiadés » comme diraient des étudiants en droit d’aujourd’hui et même à l’école de la magistrature, je sais que, rarement l’avocat général, se laisse aussi fortement imprégner  par des considérations d’ordre psychologique, fut-ce à l’endroit des jurés, du prévenu et de sa défense et peut-être de l’auditoire.

 Dans une conversation libre – on ou off, P.Bilger s’en fiche- quand on évoque le flic allemand de série TV Derrik ( rarement armé et parfois en empathie avec le coupable), il rétorque que nous avons  Maigret. Très juste, Monsieur Bilger.

Alors , bien sûr, cet homme n’a pas jeté sa robe de magistrat aux orties, mais sous la nouvelle tenue de l’homme «  ordinaire » comme dirait un certain, perce l’ancien de khâgne, licencié ès lettres avant « de faire son droit » jusqu’à l’école de la magistrature. Avec une liberté et une intransigeance de procureur ( général ?),.

 son dernier réquisitoire sous le titre «  Le bal des complaisants » paru en début d’année, se limite à la sphère juridique ou plus exactement au rapport des institutions judiciaires au plus haut niveau avec le pouvoir. Les collègues comme  Courroye ou Marin et d’autres y sont étrillés pour leur soumission voire leur adhésion intéressée au pouvoir, particulièrement au président Sarkozy accusé de confondre son bon vouloir et la justice ; MAM y est fustigée comme Rachida Dati, pour laquelle il a parfois quelque complaisance ; mais les grands, les purs dans le droit fil de Pierre Truche y sont pour reconnus comme des exemples. Une admiration sans retenue aussi pour Renaud van Ruymbeke et infiniment moins pour Eva Joly !

Mais c’est du passé « Pas de nostalgie,… plus tard  peut-être ».

La participation à des débats,  à des conférences s’éloignant progressivement des sujets strictement judiciaires, son blog, l’Institut de la Parole qu’il a créé…et d’autres occupations de conseil, conduiront sûrement Pierre Bilger qui oscilla entre droite et gauche comme «  un anarchiste plutôt de droite », à aller au-delà tant il enrage, insatiable, de contribuer à la marche de la cité. Il y a peut-être une idée là-dessous.

Antoine Spohr.

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