Le président de la République est venu à Strasbourg, mercredi 6 février, pour la première fois depuis son élection. On l’attendait pour l’inauguration du Forum Mondial de la Démocratie en octobre dernier, en présence de Ban Ki Moon et autres sommités mondiales. Pas de François Hollande. Il était occupé ailleurs et à Paris. Acceptons. Ce n’était qu’une première !
Cette fois, il est venu devant le Parlement européen, à demeure ici depuis sa naissance, et ce à quelques jours d’un sommet ; il y fait un discours très honorable (fond et forme) ; il y consacre quelques mots supplémentaires au sujet de la localisation à Strasbourg de l’institution, en conclusion, après avoir tiré assez fort sur ces Britanniques récalcitrants et plus.
Mais c’est un autre sujet.
La suite, c’est l’accueil par la ville à laquelle il doit bien un petit cadeau, en période d’incertitude. Ce sera un statut exceptionnel, exceptionnellement !
Strasbourg sera Eurométropole. (F. Hollande).
La ville (communauté urbaine-CUS- et avec des voisins « européens ») était candidate à ce statut –dont même les trois villes françaises (Marseille, Lille et Lyon) retenues jusqu’à présent parce que millionnaires en habitants ne connaissent pas encore les privilèges par là octroyés. On parle de pouvoirs accrus grappillant sur ceux du département, de la région et même (attention) de l’Etat. En alsacien, « extrawurcht ! » i.e « saucisse spéciale ». Projet pour elles, les grandes qui sentent bon la rose ou parfois le mimosa pour la première, s’il s’agit de taille. Bon, mais, «petite grande », Strasbourg revendique, à juste titre, une considération particulière, hors gabarit, celle de véritable Eurométropole historique si l’on s’en tient à ce que recouvre la sémantique. De ce point de vue, elle le mérite plus que les grandes et elle ne pourra qu’en grandir.
Merci Monsieur le président pour cette promesse, dit-on unanimement en Alsace! Mais ces mots gratifiants sonnent seulement comme une promesse d’inscription dans un projet de loi de décentralisation que vous venez de prononcer devant la municipalité, tout en ménageant une prétendue neutralité quant au referendum sur le Conseil unique d’Alsace. Pour cause, les socialistes n’y sont pas acquis unanimement, loin s’en faut.
Mais hier, vos déclarations à Strasbourg – Ville étaient synchrones avec la parution au JO de l’arrêté fixant au 7 avril le referendum sur la fusion des deux départements alsaciens, arrêté signé par trois de vos ministres : Manuel Valls, Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier. Et cela en dépit des appels à sursoir des deux députés PS bas-rhinois, MM Bies et Jung, sans doute prescients, eux aussi… La presse régionale sous la plume de l’excellent Christian Bach rend compte loyalement, presqu’indifférente, flegmatique. On apprécie.
Solution inespérée du « casus belli » ?
Strasbourg n’est pas toute l’Alsace comme semble le croire un élu PS, M. Elkouby. Il n’est de loin pas le seul. Or le projet de fusion concerne 1,9 millions d’Alsaciens, citadins, rurbains et ruraux. Cette diversité mérite d’être prise en compte. En gros, le consensus semblait acquis sur le principe mais pas « en l’état » présenté par l’initiateur, le président de Région, ancien ministre, Philippe Richert. Un peu « rustaud », ce provincial de province aux yeux des élégants et hautains citadins de Strasbourg qui réclament le statut unique et entier, sans concession aucune, de capitale de l’Alsace. « On ne va tout de même pas en revenir à la décapole du Moyen-Age », a affirmé tout de go le maire de Strasbourg, aux vœux du club de la presse d’Alsace. Les élégants de Colmar et Mulhouse et leur arrière pays avec eux, maugréent et voudraient bien avoir aussi quelques « instances » décentralisées, issues de cette décentralisation. C’est non et non pour les socialistes strasbourgeois mais pas tous. Certains, un peu plus futés et moins sectaires, s’abstiennent, sachant bien que la question s’invitera aux municipales de l’année prochaine, d’autres plus libres encore, comme les verts, sont pour le oui. Frémissements pré-électoraux ? Curieux : en Alsace les luttes intestines sont souvent empreintes de tolérance. Histoire oblige !
Alors avec ce télescopage du Conseil Unique d’Alsace et de l’éventualité de Strasbourg, promue Eurométropole avec des pouvoirs particuliers et étendus, les tenants d’une capitale unique seront-ils toujours aussi exigeants ? S’ils font une confiance aveugle à la promesse du président, ils ne peuvent que, sans retenue, généreusement, accorder des fonctions importantes aux autres. Strasbourg, parée comme elle le serait et comme elle le mérite, n’aurait plus à chahuter avec ses voisines, rendues quasiment au rang de vassales honorifiques. Et point de guerre civile de luxe !
Antoine Spohr.