«C'est pas Yasser Arafat?» dit l'un. «Sans Arafat, il ne serait pas là» dit l'autre, dans cette grappe agglutinée de journalistes et photographes ou cameramen, il y a une grande diversité de vues. Mise soignée dans un costume sombre de diplomate, le pas cérémonieux et lourd, lèvres serrées, le regard sombre, énigmatique, la main sûre pour signer le livre d'or du Conseil de l'Europe, Mahmoud Abbas s'applique et écrit lentement, concentré.
«C'est de l'hébreu», dit l'un, au premier rang. (authentique)
«Mais non, c'est de l'arabe», dit l'autre. Et le chef de l'Autorité palestinienne repart du même pas lourd, solennel, impassible, sérieux, grave, vers l'hémicycle pour prononcer son discours.
En effet, rien du combattant de terrain dans ce personnage qu'on attend comme une réplique de son prédécesseur au tempérament de guerrier mais le même regard froid et déterminé.
Un discours attendu sans surprises.
Dans l'hémicycle les parlementaires avaient tout dit, décrit, expliqué et analysé sur la base du rapport particulièrement complet et soigné du talentueux Tiny Kox, député néerlandais.
Ils avaient joué le premier acte en accordant à la Palestine ( la nation) le statut de « partenaire pour la démocratie ».
Le président de l'Autorité Palestinienne entre ensuite en scène pour un deuxième acte. Un réquisitoire après le rappel des épisodes chauds et froids:
« Nous avons abordé ces négociations avec le cœur et l'esprit ouverts, avec de bonnes intentions. Pourtant nous nous sommes heurtés aux faux-fuyants, aux manœuvres dilatoires du gouvernement Netanyahu qui a systématiquement refusé d'engager une négociation sérieuse sur le statut permanent. En parallèle, il s'est lancé dans l'intensification des constructions de colonies en Cisjordanie occupée ».
Que peut faire l'Europe en plus de l'indispensable soutien financier ? Pas grand chose de concret si ce n'est assurer le respect des aspirations pacifiques du peuple palestinien. Le quartette (Europe, Etats-Unis, Russie et ONU) s'emploiera avec un succès difficile, douteux, à favoriser les relations et des négociations entre Israël et les Palestiniens.
De son côté le Conseil de l'Europe semble persuadé de l'utilité morale, symbolique, philosophique de son travail. M.Abbas en profite pour inviter les parlementaires des pays européens du Conseil de Sécurité de l'ONU à convaincre leurs gouvernements respectifs de voter pour l'adhésion. Quand ? « Maintenant, tout de suite, c'est le moment le plus favorable ».
Quelques paradoxes troublants.
Palestine ? Quelle Palestine ? La zone sous administration de Ramallah (Autorité Palestinienne AP, les territoires occupés, Gaza, la diaspora ?
« En fait, nous travaillons à la réconciliation nationale et nous nous félicitons de l'accord de réconciliation nationale signée le 4 mai au Caire. C'est un pas engagé dans la bonne direction, nous éloignant ainsi de ce qui a pu déchirer l'unité nationale. La pierre angulaire de cet accord est la création d'un gouvernement transitoire composé de personnalités nationales indépendantes qui représentent toutes les facettes de la vie parlementaire et locale ; cet accord devrait intervenir au plus tard en mai 2012.
L'accord de réconciliation est une réalisation positive qui permettra de relancer le processus de paix - et non le contraire - et il sera mis en œuvre pour conforter la démocratie. »
Et alors qui libérera le soldat Shalit, comme le recommande sincèrement le chef de l'AP tout en rappelant le sort des 6000 Palestiniens emprisonnés par Israël ? Quand ?
Chef d'Etat sans Etat, Mahmoud Abbas a réussi à obtenir l'adhésion de la Palestine à l'UNESCO. Hillary Clinton trouve le vote de cette organisation de l'ONU « confus et inexplicable », ce qui reste dans le droit fil de la position de son pays que le chef palestinien considère toujours comme ami en dépit du veto assuré. Il faut dire qu'une dotation de 200 millions de dollars est gelée par le Congrès !
Les Palestiniens ont manifesté pacifiquement dans la rue pour soutenir la demande d'adhésion.
Est-ce là le printemps palestinien ? C'est contre quel tyran ? « Le tyran contre lequel lutte le peuple palestinien c'est l'occupation » répond l'interviewé.
Autre signe d'encouragement peut-être : Catherine Ashton, Haute-Représentante à la politique extérieure de l'Union Européenne, a fait un aller-retour express Bruxelles-Strasbourg pour le rencontrer. Tout va très vite.
En tout cas la pièce n'est pas terminée, loin s'en faut, mais quelques scènes s'écrivent en accéléré et se jouent avec un premier rôle talentueux, habile et peut-être efficace.
Pour cela, chapeau ou keffieh bas, Monsieur Abbas !
Billet de blog 7 octobre 2011
Un accueil de chef d’Etat pour Mahmoud Abbas
«C'est pas Yasser Arafat?» dit l'un. «Sans Arafat, il ne serait pas là» dit l'autre, dans cette grappe agglutinée de journalistes et photographes ou cameramen, il y a une grande diversité de vues.
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