On me pardonnera le recours à des métaphores peu laïques. Jadis, enfant de chœur, j’ai souvent été contraint de jouer de l’encensoir. Aujourd’hui, c’est libre, totalement libre, que je me fais le thuriféraire du patron de Médiapart. Patron ? M. Plenel n’aimera peut-être pas. Si, pour lui, le mot est inadéquat dans l’ entreprise qu’il a initiée avec les amis journalistes, il ne l’est pas dans la perception des lecteurs et surtout des auditeurs.
Eh oui, on l’écoute religieusement, en silence. Pas de brouhaha dans la salle blanche de la librairie Kléber à Strasbourg où il était venu, vendredi soir présenter « Finissons –en !».
Salle comble.
Des gens debout, d’autres assis par terre. La salle était remplie ¾ d’heure avant l’arrivée du grand journaliste, « honneur du journalisme » en personne. Rien que çà ! L’appellation vient d’un connaisseur, autorisé, un ancien patron du CUEJ( Centre Universitaire d’Enseignement du Journalisme) de Strasbourg. (Tiens encore patron !)
Il faut savoir que ( parodiant Brassens) nous au village aussi l’on a de beaux…, non de belles rencontres avec les écrivains. Pas moins de trente invités au mois de février, de Todorov à Marek Halter en passant par José Bové, Daniel Rondeau, Alain Badiou… en bref , l’année durant, toutes les « pointures » de l’édition.
Edwy Plenel se dit ravi d’y participer et de venir à Strasbourg . C’est vrai, on a souvent l’occasion de le voir dans la capitale alsacienne et européenne. Au Conseil de l’Europe par exemple, lors des Universités de la Démocratie en automne. Y a-t-il conquis un fan club ? Non peut-être pas mais un noyau récurrent qui "entraine", cette fois en dépit d’un froid glacial.
Pour dire quoi ?
On devinera que c’est pour prêcher inlassablement le droit des citoyens à l’Information claire et récuser le recours abusif à la Communication biaisée.
La cible de son ardent réquisitoire n’est pas tant l’homme au pouvoir que sa politique, bien que les deux contribuent à la faillite d’un système. La préface du livre est une présentation habilement synthétique où l’on peut trouver le fond de l’intervention du journaliste-orateur. Donc inutile ici d’en rajouter.
Austère et peu souriant, comme on le voit souvent ? Non. Au contraire. Détendu par le présentateur Jean-Luc Fournier, patron de l’agence Strasbourgeoise de presse (encore patron, zut), qui le canalise vers des contrées moins radicalement intellectuelles et lui ouvre la voie et la voix de la littérature, par quelques citations. Alors là, intarissable, le journaliste ! Il a tout lu et retenu, comme çà, à l’emporte-pièce, une multitude de citations, mais toutes concernant la politique et plus particulièrement la République, la démocratie et les citoyens. C’est dans ses lectures qu’il trouve son style, oserais-je dire
Dans sa quête de "politique", la lecture est forcément très personnelle.
L’auditoire est fasciné. A côté de moi, une dame assise par terre sur le carrelage dit sans vergogne « Je l’écouterais pendant des heures ». Elle aime l’Histoire, les orateurs de talent au verbe élégant et pas du tout le président sortant. On s’en doutait.
Elle a dû se réjouir en entendant Edwy Plenel répondre à une question de Jean-Luc Fournier ouvrant la conclusion. En substance,
J-L F :« N’y a-t-il pas une petite chose réalisée par Sarkosy qui trouve grâce à tes yeux ? »
E.P : « J’ai beau chercher. Quand il y aurait pu y avoir une amorce, elle était aussitôt contredite ou contrariée par un retournement…Non , vraiment rien. Si ce n’est cette impérieuse obligation dans laquelle le pouvoir nous a placés, celle d’en finir et d’imaginer autre chose… » Et il parla de rêve. Celui que veulent partager de nombreux citoyens, du Modem au Front de Gauche en passant par les Ecologistes et bien sûr avec les socialistes. Mais quoiqu’il advienne, l’exigence sera toujours là, en veille permanente.
Antoine Spohr