N’y a-t-il donc pas d’historiens à Oslo, du moins au sein du Comité Nobel que préside Thorbjorn Jagland ? Relisons les « attendus », si l’on peut dire: « L'UE et ses ancêtres contribuent depuis plus de six décennies à promouvoir la paix, la réconciliation, la démocratie et les droits de l'Homme en Europe», a déclaré à Oslo le président du comité Nobel norvégien Thorbjoern Jagland.
Soixante ans … 1952 ! Certes la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) a tendu à éliminer un casus belli entre les 6 pays (Allemagne, France, Italie et Benelux) qui constituent encore le noyau originel, dès son entrée en vigueur dès 1952, suivi d’Euratom (Communauté Européenne de l’Energie Atomique) en 1957, année du Traité de Rome instituant la CEE ( Communauté Economique Européenne). Et enfin l’Union Européenne, UE, la lauréate, vint après Maastricht, 1992, il y a deux décennies.
La paix n’est pas à l’ordre du jour : si on feint de la croire réalisée à l’intérieur du cercle, on ne se préoccupe pas trop de l’extérieur, qui verra son rayon augmenté après la chute du mur . Judicieusement ? Avant et après, c’est une autre question qui, une fois de plus ne concerne dès lors que la CEE devenue UE.
On apprend, à l’instant, que Jacques Delors se réjouit de ces lauriers pour une institution qu’il a honorée de sa vison et de son action. Cet homme-là, précisément lui, ne peut pas oublier le travail de l’institution dont on voudrait même effacer l’ombre résiduelle, à Oslo, sans la citer nommément et sans l’associer par un oubli, volontaire ou opportun, du comité Nobel. Parmi les ancêtres ?
Le Conseil de l’Europe, de l’autre côté de l’Ill
C’est quoi alors « ce machin là » qui ne servirait à rien ?
D’abord pour un amateur de foot comme Jacques Delors, 47 à 27 (nombre des adhérents CE/UE) est un score incontestable et même, point n’est besoin d’arbitre. Pour faire la paix, le nombre de partenaires impliqués et celui des belligérants potentiels compte, sauf à considérer les seules « dotations », qui rendraient certains plus égaux que d’autres. On parle ici de fric, pas de paix.
On peut s’amuser quand la Paix n’est plus prise au sérieux, comme c’est le cas. Encore heureux que l’UE, dont la solidarité est si fragile au point qu’elle est contrainte de rechercher à tous prix un nouveau souffle, ne fasse pas obstacle à la paix… mondiale. Est-ce si facile?
Qu’on rappelle seulement aux thuriféraires de l’institution aujourd’hui honorée qu’il en est une autre, antérieure puisque née 1949, dans une véritable recherche de la paix, du respect des Droits de l’Homme, de la justice, de la liberté que cela implique. Qu’elle agit, à 47, en tentant inlassablement de rayonner au-delà de cette Europe continentale, sur ses confins et au-delà.
Des imperfections innombrables certes et des échecs comme en témoigne, goulument, le succès non seulement d’estime générale dont a bénéficié le Forum Mondial de la Démocratie de Strasbourg mais surtout des « sommations », virtuelles encore, de placer la paix au premier rang de toutes les préoccupations.
Suivez ou revoyez ce que Mediapart est parvenu à faire avec des citoyens épris de paix de liberté et de tolérance dans l’Edition Forum Mondial de la Démocratie de Strasbourg. C’est de la pub, çà ? Si vous voulez, et seulement pour la paix et la tolérance, au plan mondial.
Four et moulin
Deux casquettes, parfois c’est trop, au même moment surtout.
Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, ancien premier ministre de Norvège, pays qui n’appartient pas à l’UE ( 27) mais au CE (47) est aussi président du comité Nobel. Il ne pouvait être juge et partie… et prêcher pour sa chapelle. Il a vraisemblablement choisi celle d’en face de l’Ill, à Strasbourg, celle de ses amis de l’UE qui lui taillent des croupières tant qu’ils peuvent, en bons pacifistes.
Les « initiés » du premier forum lui en voudront-ils, d’avoir abandonné la scène du Palais de Strasbourg à la fin solennelle, pour les couronnes d’Oslo ?A Strasbourg, on continuait à parler de paix, de la rechercher et c’est en effet plus compliqué que de distribuer des lauriers.
Antoine Spohr