Tireraient-ils cette fois les premiers, mais sans y être invités, comme la légende de la bataille de Fontenoy le voudrait? Trois snippers britanniques (Mc Millan-Scott, Fox et Earnshaw, des noms de western) reviennent à la charge et obtiennent un vote favorable d’une majorité d’eurodéputés mais à double interprétation possible, pour que le Parlement Européen n’ait qu’un seul siège.
U.E : « One seat » ? OUI avec pour le single seat à Strasbourg. One seat, a dream !
Les uns entendent Bruxelles, les autres Strasbourg, comme le prévoient les traités. Mais apparemment c’est surtout Bruxelles.

Des arguments souvent fallacieux d’un côté et de l’autre, Strasbourg qui se contente, sans coup férir et sans détermination intransigeante, d’agiter des symboles, sûre de son bon droit.
Les traités, rien que les traités.
Un seul siège en effet : Strasbourg.
Toute modification des traités requiert, pour l’heure, l’approbation unanime des 27 gouvernements. Les amendements votés, s’ils étaient jugés recevables et appliqués, y contreviendraient gravement. Pourtant !
L’Association Européenne des Jeunes Entrepreneurs (AEJE) - sous la direction de Pierre Loeb -a réalisé une étude sérieuse, passant au crible les arguments historiques, institutionnels, politiques, financiers et environnementaux, pour conclure qu’il ne devait y avoir qu’un seul siège en effet, comme au départ de l’aventure européenne et c’est Strasbourg. Un fascicule de 50 pages est disponible sur le net, en français, anglais, allemand et espagnol ( http://www.jeunes-entrepreneurs.eu/) Un plaidoyer incontestable. Il serait grand temps de créer une escouade de lobbyistes qui poursuivrait ce travail et le diffuserait plus largement.
Si de l’autre côté les arguments des députés anglo-saxons sont empreints d’une mauvaise foi évidente que dénonce avec une talentueuse ardeur et sans vergogne un journaliste allemand, Kaï Littmann de Eurojournal-3Ufer3rives (http://www.eurojournal.net), ils sont cependant entendus avec complaisance.
Polémiste redoutable, il évoque un avantage majeur de Bruxelles, le Rotlicht-District, le quartier aux lanternes rouges et la proximité des Coffeshops hollandais que Strasbourg et sa région même avec l’Outre-Rhin immédiat ne sauraient offrir aux supposés studieux parlementaires, à leurs attachés et aux 5000 lobbyistes bruxellois. Toute pudibonderie bue ! Normal, sans plus.
Il rappelle aussi qu’outre le TGV ( bientôt à 2 heures de Paris), les aéroports de Strasbourg- Entzheim et celui de Baden-Karlsruhe à 30 minutes du Parlement, offrent des vols directs pour Londres et autres capitales. A capter.
Comment parer cette attaque ?
D’abord on peut penser qu’il n’appartient pas aux Britanniques dont l’engagement européen est d’une tiédeur froide sinon glacée de donner le ton pour modifier une sereine harmonie, chaude et rarement refroidie, celle « d’ avant leur admission » dans l’orchestre. Depuis leur intégration, ils chantent volontairement faux tandis qu’en flagorneur maladroit jusqu’à la lâcheté, on ( l’UE) les courtise en leur accordant des pupitres ( Ashton et autres) ou des dérogations dans la partition( La Charte), dans l’espoir de les voir s’amender. Au contraire, ils « couacquent » de plus belle, avec arrogance, eux qui ne sont ni dans Schengen, ni dans l’Euroland et assourdissent de fausses notes leurs voisins du nord. Cacophonie volontaire et perfide ? Nostalgie d’un empire perdu, hors d’Europe ?
Enfin reste alors l’action. Et voilà qu’elle arrive sous la forme d’un communiqué publié dans les Dernières Nouvelles d’Alsace. Il émane de Joseph Daul, le président du groupe PPE au Parlement européen qui n’a pas pu donner de consigne de vote à ses troupes pourtant majoritaires ; de la présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen, Catherine Trautmann, et enfin, du maire de Strasbourg, le sénateur Roland Ries. Ils y sont unanimes pour défendre le siège strasbourgeois du Parlement européen. Rien que çà ! Voici le communiqué.
La défense du siège du Parlement européen à Strasbourg nécessite de parler d’une seule et même voix
« Face aux énormes moyens déployés par la campagne "One Seat" anti-Strasbourg, recyclant des arguments qui sont les mêmes depuis 20 ans, nous tenons à réaffirmer en premier lieu notre attachement au respect du droit et des traités. L’intérêt suprême de la vocation européenne de Strasbourg, souligné encore une fois par le communiqué du Ministre des Affaires européennes Bernard Cazeneuve au nom du gouvernement, doit transcender les approches partisanes, car c'est bien de la présence d'une institution de l'Union européenne sur le sol de la France dont il s'agit. A ce titre, on ne peut que déplorer les quelques initiatives locales et individuelles qui ne s’inscrivent pas dans la dynamique collective de défense de Strasbourg, capitale européenne. Nous avons cependant toute confiance dans le sens des responsabilités des uns et des autres pour que toutes les forces soient rassemblées dans la bataille que nous avons à mener.
Plus nous serons cohérents, plus nous aurons de poids dans un débat qui est loin de connaître son terme. Cette campagne nuit à Strasbourg et se retourne contre le Parlement lui-même, puisque les actions qu'elle met en œuvre nuisent à l'image même de cette institution et sont contestables y compris devant la cour de justice.
Nous n’avons de cesse de nous mobiliser et continuerons de le faire tant au niveau local qu’aux niveaux national et bien sûr européen.»
Pour un communiqué, c’est vraiment un communiqué, dans le style et dans le contenu qu’on ne pouvait plus convenu. A qui s’adresse-t-il ? A l’électorat Strasbourgeois ? Alsacien ? Et le président de la République ? Y aurait-il un froid depuis que Monsieur Hollande n’a pas daigné honorer de sa présence le Forum Mondial de la Démocratie ou encore parce que le contrat triennal tarde et tarde encore ou, pire, l’affaire serait-elle entendue à plus long terme, personne ne voulant cependant en assurer l’annonce ? Tout serait plié, le plan B serait tout prêt dans les tiroirs ?
Pour les pro-strabourgs, il ne s’agit pas de communiquer du bout des lèvres. Ils attendent une vigoureuse protestation et non une menace chuchotée d’aller en cour de justice. Que le président de la République réaffirme son engagement électoral, qu’il parvienne à obtenir le soutien de Mme Merkel, comme le suggère notre journaliste allemand. Dès lors l’orchestration du groupe libéral jadis pro-Strasbourg et anti aujourd’hui depuis l’arrivée à sa tête en 2009 de Guy Verhofstadt, ancien premier ministre belge (tiens donc !) resterait notes mortes. Notre président trouverait là l’occasion de réparer sa défection lors de l’ouverture du Forum Mondial de Strasbourg qui a beaucoup chagriné les participants de tous les continents. Dans certains milieux politiques son absence a même été perçu comme un outrage.
Une idée circule: pour réaliser une harmonieuse jonction des sessions ordinaires et additionnelles, elles pourraient se succéder à Strasbourg pendant l’indisponibilité de l’hémicycle de Bruxelles pour raison de travaux de sécurisation urgents. Que d’économies en perspectives ! Il faudrait voir, puisque les arguments se situent à ce niveau. « Single seat for everyone » pour une petite année pour commencer.
On peut garder son origami, plié convenablement.
Antoine Spohr.