PAULETTE SAISON 3
« Paulette est une femme très modeste.
Mais il est vrai qu’elle a de bonnes raisons de l’être ».
Ce matin Paulette entre d’autorité dans le bureau du Maire, s’imposant au Cabinet qui tente de s’interposer et de la dissuader.
Le Maire est invisible depuis des semaines, il ne reçoit personne, et tous les e-mails reçoivent une promesse de réponse automatique jamais effective.
- « il ne faut pas dire n’importe quoi ! Je veux le voir et c’est important. » Dit-elle
Entrée dans le bureau du Maire, elle ne le voit pas, il est dissimulé par une montagne de parapheurs pleins de lettres à signer.
Il émerge enfin avec une lettre à la main, destinée à un habitant qui proteste contre les crottes de chiens, dans laquelle il l’assure de son action et de la saisine de son adjointe déléguée à ce problème (qui a hérité de cette mission après l’échec de son prédécesseur), qui, dit-il encore, a trouvé là un domaine de compétence.
- « Monsieur le Maire, la situation financière est catastrophique !
Nous avons consommé à court terme les emprunts que j’avais négociés pour nos besoins à moyen terme,
l’Ile annonce un déficit majeur, qui va durement impacter nos comptes,
rien ne s’y construit, aucune rentrée, rien que des dépenses ; honoraires et vacations sont quotidiens, et après l’Université Américaine, il a même fallu rembourser au promoteur de l’hôtel le million et demi d’€uros de ses droits à construire . »
- « calmez-vous Paulette, j’avais prévu tout ceci et ça n’a aucune importance ! »
- « aucune importance ! Vous qualifiez de sans importance un tel trou financier ? Mais il ne faut pas dire n’importe quoi !»
-« mais oui ! Notre ville est riche, le potentiel fiscal est élevé, et lorsque nous augmenterons les impôts les habitants ne quitteront pas la ville avec leur appartement sur le dos !
Regardez les prix de l’immobilier, la hausse est vertigineuse et ils ne sentiront pas les hausses des impôts, même, ils les trouveront normales ! »
- « Nous ne pouvons combler ce déficit que par la dette ou la hausse des impôts, et de façon massive ; que vont dire les habitants ?
- « Ils ne diront rien. D’ailleurs ils ne disent rien depuis 2008 et ils viennent de réélire mon premier adjoint, comme si de rien n’était »
- « et l’opposition ? Que faites-vous de l’opposition et des redoutables analyses et démonstrations financières faites par V., qui débusque ce que j’ai mis des semaines à cacher ?
Et des questions pointues de B, avec sa petite voix ?
Et de l’humour cinglant de C, qui me fait toujours passer pour une imbécile?
Sans même parler de votre prédécesseur, référence de la gestion des collectivités !
-« l’opposition est démantelée :
J’avais déjà attiré à moi l’un des leurs avec un poste gratifié et une petite subvention, avec l’aide de mon culturiste, pardon, de mon adjoint à la culture
et mon Premier vient de racoler un nouvel élément, en leur faisant croire qu’il était avec eux.
Ils sont d’une candeur pas racontable !
Maintenant je vais pouvoir expliquer en Haut Lieu que j’ai réduit l’opposition interne, et que nous sommes en ordre de bataille pour 2012.»
- « et le Conseil Général ? Si la situation financière de notre ville se dégrade, adieu les subventions ! »
- « mais non, mais non ! Le futur ex-Président du Conseil Général va cesser de nous embêter avec son formalisme financier ; figurez-vous qu’il a évoqué notre incompétence !
Il s’est fâché avec le Château et il va être remplacé par nos voisins et amis Augias, le Prince et mon Premier.
Le Conseil Général est à nous.
2012 vous dis-je ! 2012 mes élections législatives
puis 2014 mes élections municipales
Tout le reste est secondaire. »
- « mais enfin, la hausse des impôts est contraire au programme du Président pour 2012 ! »
- « On attendra le budget de 2012, après les élections.
Donc des emprunts jusque là, de la dette, et hausse des impôts ensuite pour rembourser.
En 2014, pas de hausse, mes élections !
Rien d’autre ?
Je dois signer des lettres importantes pour la ville sur la taille des arbres et l’installation d’une pissotière expérimentale pour les chiens »
Paulette quitte le bureau du Maire avec sa feuille de route.
Tout est redevenu simple, simple comme la comptabilité.
Pour les emprunts, elle va prendre rendez-vous avec son ami Bernard Dupont, ce banquier de toute confiance pour lequel elle éprouve tant d’admiration.
Pour les hausses d’impôts, le budget 2012 lui laisse du temps.
La vie est belle avec un Maire d’un tel calibre !