Atabaque

Abonné·e de Mediapart

1 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 septembre 2025

Atabaque

Abonné·e de Mediapart

Une Mairie fait perdurer un mensonge jusqu’en Cours de Cassation

Plus loin des beaux discours de nos politiques, il y a la réalité du quotidien lorsque des personnes en poste de décideurs et pour des raisons que l'on ignore s'acharnent à poursuivre en justice une castanéicultrice qui aurait le tort de vouloir défendre son activité, la biodiversité et le patrimoine naturel environnemental qui fait la beauté des Cévennes lozériennes.

Atabaque

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le refus d'une solution amiable

Pour alimenter en eau une partie des résidents et profitant de la déprise agricole des vergers de châtaignier, en 1981 une petite Commune de Lozère d'une centaine d'habitants, n'hésite pas à établir en toute illégalité une canalisation traversant les châtaigneraies et autres propriétés privées.

Rien n'est mentionné aux hypothèques et le vendeur déclare n'avoir laissé créer aucune servitude.

Quelques années après, la Commune ira jusqu'à nier cette servitude de canalisation non apparente. Ainsi, elle confirme par écrit à un notaire qui en faisait la demande qu'il n'y avait aucune servitude communale sur le terrain acheté par un agriculteur voisin et se trouvant dans la même situation !

C'est dans ce contexte qu'une agricultrice se retrouve confrontée à devoir défendre son activité d'agri-tourisme, sa châtaigneraie et le patrimoine naturel environnemental qu'elle venait d'acquérir.

Après avoir régularisé la servitude de canalisation, le Maire exige ensuite une deuxième servitude de passage bien plus contraignante pour accéder à la source.

En effet, pour accéder au captage de cette source alimentant partiellement les habitants, le Maire de cette petite Commune rurale des Cévennes, n'hésite pas à assigner plusieurs propriétaires en justice pour obtenir une servitude de passage sur 1500 mètres alors que des solutions alternatives plus courtes et beaucoup moins contraignantes pour les fonds servants existent. (art. 682 du Code Civil)

Deux propriétaires agriculteurs refusent ce dictât de la municipalité et défendent leurs droits devant les tribunaux. Les autres, résidents secondaires et même ceux qui ne sont pas d'accord, renoncent à se défendre en justice. Il est vrai, qu'aucun d'entre-eux n'exploitent les parcelles concernées qui, par ailleurs, n'ont aucune construction.

Enclave volontaire

D'abord, la solution la moins contraignante :

Au départ de la route départementale, le chemin ancestral d'une longueur de 300 mètres desservait la source. Laissé à l'abandon il pourrait être restauré d'autant que le propriétaire de la parcelle de 20 hectares est pleinement d'accord pour sa remise en état jusqu'à la source dont la Commune vient d’acquérir l'entière propriété de cette source par une division de cette parcelle de 20 ha.

Mais la Commune s'y refuse et instaure, autour de cette source, des Périmètres de Protection Immédiat et Rapproché (PPI et PPR) pour contrecarrer cette solution.

Ainsi, la Mairie obtient un arrêté préfectoral du PPR interdisant « toutes excavations d'une profondeur supérieure à 1 m. ou de demi épaisseur du sol recouvrant le substratum schisteux », alors qu'à 200 mètres en amont passe une route départementale dans ce même PPR !

Comprends qui peut !

L'ARS, sollicité par le Maire dans une question fermée, déconseille la création d'un chemin en amont ignorant que partiellement il existe encore.

Toutefois, en lisant bien, cet arrêté et cet avis ne prohibent pas la réalisation de cet accès mais "sans excavation de plus d'un mètre de profondeur".

De plus, cet accès pouvait être réalisé avant la mise en place des périmètres de protection sans impact de pollution.

Qu'importe, par ce subterfuge et s'appuyant sur les dires des autorités officielles le tribunal rejette cette solution et ne retient pas l'enclave volontaire. (Art. 683 et 684 du code civil).

Abus de pouvoir

Ensuite la solution la plus préjudiciable pour un des fonds servant :

La servitude de passage revendiquée par le Maire divise sur 500 mètres et en plein milieu une propriété agricole et sa châtaigneraie sous laquelle les animaux pâturent. Elle passe devant les portes des bâtiments professionnels, empêchant le stationnement prolongé des véhicules et surtout nécessite la pose de clôtures provisoire à chaque passage nécessitant donc d'en être informé.

En plus, le Maire exige maintenant un élagage des branches basses à plus de 4 mètres de hauteur, ce qui déséquilibrera les arbres, les fragilisera gravement et entraînera une perte de récolte.

C'est une mise en danger supplémentaire des châtaigniers en culture biologique déjà éprouvés par les difficultés climatiques et aussi une atteinte à la biodiversité ainsi qu'au patrimoine naturel environnemental : « patrimoine commun de la Nation ».

Le préjudice est évalué par un expert à plus de 50 000 €.

Entre le jugement en première instance et l'arrêt de la Cour d'Appel afin de démontrer qu'un autre accès moins dommageable est possible, cette castanéicultrice a fait tracer à ses frais sur sa propriété un chemin alternatif en dehors de sa châtaigneraie et des pâtures, qui permet, sur un parcours plus court et moins dommageable, de relier le captage à la voie publique.

S'appuyant que ce chemin serait dans le PPR et donc ne pourrait pas être utilisé, ce qui est totalement faux, la Commune et son avocate obtiennent en Cours d'Appel, comme en Cours de Cassation, la servitude de passage la plus dommageable pour cette castanéicultrice !!!

En effet, les jugements successifs retiennent ce mensonge pour donner raison à la demande communale prétextant que les juges de la Cour d'Appel n'ont pas à vérifier la réalité des affirmations de cette castanéicultrice.

Le mensonge ferait-il aussi jurisprudence ?

Volonté de nuire :

Pourtant, dans un esprit de sauvegarde de la biodiversité et du patrimoine naturel environnemental, cette agricultrice s'engage activement par une "Obligation Réelle Environnementale"(ORE), contrat signé pour 99 ans avec le Conservatoire des Espaces Naturels d'Occitanie .

Cette propriété est conduite en agriculture biologique et la production de châtaignes est sous label "AOP Châtaigne des Cévennes". Elle a été sélectionnée dans le cadre du projet Life Biodiv'Paysanne piloté par le Conservatoire des Espaces Naturels d'Occitanie et a bénéficié d'une étude de la biodiversité sur sa propriété.

Pour sauvegarder sa châtaigneraie, son activité et contribuer à la préservation du patrimoine naturel environnemental, cette agricultrice a été jusqu'à proposer à la Commune de renoncer à son indemnisation si la servitude était déplacée sur le chemin créé à ses frais et sur sa propriété.

Le Maire de la Commune a refusé cette proposition.

Aujourd’hui, pour faire débroussailler le périmètre de protection immédiat de la source ce Maire veut utiliser un tracteur de fort gabarit pour transporter une tronçonneuse et un débroussailleur à dos, !!!

Cette castanéicultrice ne peut que s'opposer à ce saccage des arbres et des récoltes que causerait le passage de cet engin.

En réponse, le Maire a déposé une plainte et la gendarmerie a ouvert une enquête.

Préserver ou saccager ?

Les petits agriculteurs de montagne participent à la qualité environnementale qui fait le charme de "la Cévenne des Cévennes" (Jean-Pierre Chabrol). Les difficultés du travail agricole et les aléas climatiques sont suffisamment importants sans en rajouter aux contraintes existantes.

Pourquoi, sans aucune raison avouable, ce Maire refuse-t-il tout dialogue et solution amiable dans l'intérêt de tous, sinon pour des questions d'égo, voire de volonté de nuire ?

Premier magistrat de la Commune, ce maire ne respecte pas l'esprit de la Loi et en plus il va à l'encontre de la "Charte de l'environnement" de valeur constitutionnelle qui stipule :

Art. 2. - Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.

Art. 6. - Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social.

Il est plus que temps que ces "travailleurs respectueux de la terre" soient entendus lorsqu'ils défendent le "patrimoine commun de la Nation" et les richesses naturelles pour les générations futures.

Deux cents fermes disparaissent chaque semaine, alors, allons-nous continuer le massacre en laissant la place à l'agro-industrie et ses méfaits ?  (Voir "le livre noir de l'agriculture française" d'Isabelle Saporta).

Allons-nous transformer les paysages en laissant s'installer des champs de panneaux photovoltaïques ?

Comment peser sur la conscience de ces entêtés qui, du haut de leur petit pouvoir, pourrissent la vie des gens et détruisent l'environnement ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.