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Billet de blog 2 juin 2025

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Le racisme en pantoufles : chronique d’un dégueulis Facebookien ordinaire

Chaque matin, des millions de Français se lèvent, prennent leur café… et vomissent leur haine dans les commentaires Facebook. Confortablement installés sur leur canapé, entre deux likes sur des vidéos de chatons et un post sur les « valeurs de la République », ils s'adonnent à une activité devenue banale : le racisme en ligne.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue sur Facebook, ce réseau social où le racisme ne se cache plus : il s’étale, s’affiche, se revendique, et se multiplie, nourri par des algorithmes affamés de polémiques. Le tout, sans modération ou presque.
Et parfois, ce qui s’écrit dans les commentaires se transforme en balles réelles.

🛑 Quand les commentaires tuent : le drame de Puget-sur-Argens

Le 31 mai 2025, à Puget-sur-Argens, dans le Var, un homme de 53 ans a froidement exécuté son voisin tunisien, Hichem Miraoui, en pleine rue, lui tirant cinq balles dans le corps. Il a également blessé un autre voisin d’origine turque. Avant de passer à l’acte, il avait publié une série de vidéos racistes sur Facebook, rendant hommage à Jean-Marie Le Pen, et annonçant explicitement son intention de “tuer des étrangers”.

Ce n’était pas une crise de démence. Ce n’était pas un "pétage de plomb". C’était un passage à l’acte idéologique.

Le parquet national antiterroriste s’est saisi de l’enquête — une première pour un attentat d’ultradroite en France. Le suspect possédait un arsenal complet dans son véhicule : pistolet automatique, fusil à pompe, arme de poing. Un petit kit de survivaliste raciste, nourri au contenu haineux et toléré trop longtemps sur les réseaux sociaux.

🔥 Le racisme décomplexé : plus besoin de cagoule, un pseudo suffit

Sur Facebook, le racisme est devenu banal. Il se camoufle à peine sous la forme d’une "opinion", d’un "coup de gueule", d’un "bon sens populaire". Mais les messages sont clairs :

- "Qu’ils retournent chez eux", sous un fait divers.

- "Pour une fois que c'est le contraire!"
- "On ne peut plus rien dire", quand un raciste est poursuivi.
- "Ça commence à bien faire", dès qu’un prénom arabe ou africain apparaît dans une actu. Liste non exhaustive...

Et plus ces propos sont visibles, plus ils s’auto-légitiment. L’effet meute fonctionne à merveille : ce qui choque aujourd’hui deviendra banal demain.

Et au cœur de cette banalisation, certains médias (pas besoin de les citer) jouent un rôle toxique, en agitant des faits divers ou en surmédiatisant certains noms et visages. Facebook n'est alors que l'amplificateur d’un climat soigneusement entretenu.

🧪 Facebook : le PMU du XXIe siècle, sans filtre ni vigile

Les algorithmes aiment les clashs. Ils en vivent.

- Un commentaire raciste attire la colère = clics, partages, débats stériles = jackpot pour Meta.
- Des vidéos haineuses ? "Engageantes", diront les analystes marketing.
- Les groupes anti-immigration, les pages complotistes, les "dissidents" d'extrême-droite ? À peine modérés, rarement supprimés.

Pendant ce temps, des collectifs citoyens comme Balance Ton Racisme, Sleeping Giants ou l’Observatoire de la haine passent leurs journées à documenter ce que les plateformes refusent de réguler. Sans grands effets, car la haine, elle, rapporte.

⚖️ Le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit (mais ça, Facebook s’en fout)

Petit rappel, pour ceux du fond :
- La loi française punit le racisme (Loi de 1881, Code pénal).
- Les propos discriminatoires sont des délits, pas des opinions.

Mais sur les réseaux, l’impunité est la norme. Les rares signalements se perdent dans l’abîme numérique. Et dans la vraie vie, ce sont les victimes qui doivent encore prouver qu’elles ont été blessées.

Lire ces commentaires, c’est être confronté, chaque jour, à une violence qui ronge. Une gifle permanente, une invisibilisation lente, une tentative d’exclusion symbolique qui, parfois, finit par une exclusion physique — comme à Puget-sur-Argens.

🧠 La viralité du mal

Il fut un temps où le racisme se murmurait. Aujourd’hui, il se commente, s’illustre, se partage.

- Il devient blague, mème, "analyse sociétale".
- Il infiltre les conversations, les repas de famille, les urnes.
- Il se fait passer pour une défense de la "France", alors qu’il en détruit les fondations : égalité, fraternité, dignité humaine.

La banalité du mal, version 2.0. Numérique. Participative. Addictive.

✊ Résister, c’est parler, modérer, dénoncer

On dit souvent : “Ce n’est qu’Internet.”
Mais Internet, aujourd’hui, c’est la rue, la télé, l’école, l’Assemblée nationale.

Le racisme qui pullule dans les commentaires n’est pas un épiphénomène. C’est un symptôme. Celui d’une société malade d’avoir trop relativisé l’intolérable.

Il est temps d’arrêter de scroller.
Il est temps de signaler, de répondre, de publier, de voter, de témoigner.
Car si on laisse faire, ce ne sont pas seulement des commentaires qu’on laisse passer.
Ce sont des balles.

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