Auguste V

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Billet de blog 17 juin 2024

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Voyage au pays des régressions sociales

J'écris ce petit billet pour donner à tous les camarades du nouveau front populaire un argumentaire précis et détaillé pour évoquer le bilan des macronistes en matière de droit du travail (ordonnances Macron, présomption de démission, réformes des retraites et réformes de l'assurance chômage).

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Les éléctions législatives à venir sont une excellente occasion pour rappeler le bilan macroniste en matière de droit du travail. Sans trop de surprises, l'heure est aux régressions sociales. 

1/ Ordonnances Macron 

Les “ordonnances Macron” est le nom donné à la réforme d’ampleur en droit du travail que Macron a entrepris au tout début de son premier quinquennat (septembre 2017). Ces modifications substantielles du droit du travail ont eu de très nombreuses conséquences défavorables sur les droits des travailleurs. 

a) Réduction du délai de prescription des actions portant sur la rupture du contrat de travail 

L’action en rupture du contrat de travail se prescrivait autrefois par cinq ans (délai de prescription de droit commun). Une loi du 14 juin 2013 l’a porté à deux ans, puis une des ordonnances Macron du 20 décembre 2017, l’a limitée encore plus drastiquement à une année. Cela signifie concrètement qu’un salarié licencié n’a plus qu’un an pour saisir le conseil des prud’hommes. 

A noter : Cinq députés macronistes ont remis le 15 février 2024 à Bruno Lemaire  un rapport intitulé « Rendre des heures aux Français » (dans le cadre du projet de loi de simplification de l’économie). Ils proposent notamment de réduire ce délai à 6 mois. 

b) Suppression des CHSCT 

Une des oeuvres majeures des ordonnances Macron a été la fusion des instances représentatives du personnel. Pour le dire de manière très synthétique, avant les ordonnances, trois instances représentatives du personnel coexistaient dans les entreprises : les délégués du personnel (DP), le comité d’entreprise (CE) et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Les ordonnances ont procédé à la fusion des ces trois instances dans le comité social et économique (CSE). Cette fusion a eu pour conséquence de réduire le temps et les moyens financiers alloués aux questions de santé et de sécurité. 

A noter : Le rapport précité du 14 février 2024 revient également sur le régime des CSE. Alors que le “grand” CSE (l’adjectif “grand” est employé pour désigner le CSE qui dispose des prérogatives les plus étendues ; en opposition avec le “petit” CSE des entreprises de 11 à 49 salariés) est actuellement obligatoire à partir de 50 salariés, ces députés proposent de le rendre obligatoire à compter de 250 salariés. Cette mesure aurait pour effet de réduire considérablement le droit à la représentation collective des salariés des entreprises de 50 à 249 salariés. 

c) Barème Macron 

Autrefois, lorsqu’un salarié était licencié de manière injustifiée, il pouvait prétendre à une indemnisation à hauteur du préjudice réellement subi. Mieux, les salariés qui justifiaient d’une ancienneté supérieure à 2 ans se voyaient octroyer une indemnité nécessairement supérieure à 6 mois de salaire. Les ordonnances Macron ont drastiquement réduit le montant des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le barème enserre les montants dans un plancher et un plafond, lesquels dépendent de la taille de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié. Or, ces planchers et plafonds sont nettement moins favorables aux salariés en comparaison avec l’état du droit antérieur. Ex. avant le barème Macron, un salarié avec 2 ans d’ancienneté dans une entreprise de 50 salariés pouvait prétendre à minimum 6 mois de salaire. Après le barème Macron, le même salarié pourra obtenir entre 3 et 3,5 mois de salaire. 

Le barème ne s'applique pas aux licenciements nuls, c'est-à-dire aux licenciements fondés sur une discrimination, une violation d'une liberté fondamentale... Néanmoins, les ordonnances ont également réduit les indemnités fondées sur la nullité du licenciement. Celles-ci devaient auparavant être supérieures à 12 mois de salaire, elles doivent dorénavant être supérieures à 6 mois de salaire. 

d) Accord de performance collective 

Une autre règle fondamentale du droit du travail a été largement détricotée par ces ordonnances. Autrefois, il n’était pas possible de prévoir par accord collectif une règle moins favorable pour le salarié que celle qui est prévue dans le contrat de travail. Ainsi, si un nouvel accord collectif prévoyait une rémunération mensuelle de 2 500 euros, alors que le contrat imposait une rémunération de 3 000 euros, il fallait continuer d’appliquer le contrat de travail. 
Les ordonnances Macron ont introduit un type d’accords particulier : les accords de performance collective (APC) qui ont précisément vocation à revenir sur cette règle. Ainsi, alors que le contrat de travail prévoit une rémunération de 3 000 euros, les partenaires sociaux peuvent conclure un APC dans lequel ils réduisent la rémunération des salariés à 2 500 euros. 

e) Renversement de la hiérarchie des normes

Ces ordonnances ont par ailleurs généralisé le travail de renversement de la hiérarchie des normes qui avait déjà été entrepris depuis plusieurs années. Alors que le droit du travail a toujours été gouverné par le principe de faveur (la convention d’entreprise devait être plus favorable que la convention de branche qui devait être plus favorable que la loi), les ordonnances ont élevé au rang de principe la possibilité pour les accords d’entreprise de déroger de manière défavorable pour le salarié aux accords de branche. Ce renversement de la hiérarchie des normes est particulièrement défavorable aux salariés puisque le rapport de force est souvent bien plus avantageux au niveau de la branche qu’au niveau de l’entreprise. 

A noter : Le rapport précité du 14 février 2024 propose également d’introduire une nouvelle modification de la hiérarchie des normes. Les députés macronistes souhaitent permettre aux jeunes entreprises de moins de 50 salariés de déroger (de manière moins favorable) aux accords de branche par accord individuel entre un salarié et l'employeur. Par cette voie, un salarié pourra par exemple - être contraint d’- accepter un salaire en deçà des minima conventionnels. Cette proposition est particulièrement grave dès lors que l’on remarque le rapport de force particulièrement inégalitaire qui existe dans les relations employeur-salarié. 

e) Suppression de facteurs de pénibilité 

Une des ordonnances a enfin supprimé quatre facteurs de pénibilité : manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibration mécanique et agents chimiques dangereux. 

Les facteurs de pénibilité permettent d’alimenter un compte professionnel de prévention qui ouvre la possibilité à terme de : 
Partir en formation pour accéder à des postes qui sont non exposés ou moins exposés à des facteurs de risques professionnels ;
Bénéficier d'un temps partiel sans perte de salaire ;
Valider des trimestres de majoration de durée d'assurance vieillesse et permettant de partir plus tôt à la retraite ;
Financer un projet de reconversion professionnelle pour accéder à un emploi non exposé aux facteurs de risques professionnels. 

Les salariés exposés aux quatre facteurs mentionnés ci-dessus perdent donc la possibilité d’alimenter leur compte professionnel de prévention. 

2/ Présomption de démission 

Par une loi de décembre 2022, le gouvernement a décidé de présumer qu’un abandon de poste constitue une démission. Avant, l’abandon de poste imposait à l’employeur de licencier le salarié. Cette procédure était particulièrement pratique lorsque le salarié subissait une situation de harcèlement ou de violation manifeste de ces droits. En effet, si d’autres procédures existent (prise d’acte et résiliation judiciaire), elles nécessitent de saisir le conseil des prud’hommes et sont donc soumises à la lenteur et l'aléa judiciaires, peu compatible avec certaines situations urgentes. Cette solution présentait un double avantage, elle permettait au salarié d’obtenir une indemnité de licenciement et ouvrait droit à l’allocation retour à l’emploi (chômage). La réforme sur l’abandon de poste prive le salarié de ces deux avantages. 

3/ Réformes des retraites 

Après une tentative d’imposer une réforme (en supprimant les régimes spéciaux, et généralisant le système de retraite à points) à la fin de l’année 2019, le gouvernement a finalement réussi, par une loi particulièrement impopulaire d’avril 2023, à reculer l'âge de départ à la retraite : de 62 à 64 ans, et augmenter la durée de cotisation : de 42 a 43 annuités à compter de 2027.

4/ Réformes de l’assurance chômage 

Les règles relatives à l’assurance chômage sont traditionnellement fixées par les partenaires sociaux. Néanmoins, sous la présidence Macron, le gouvernement s’est introduit dans les négociations pour finalement réformer l’assurance chômage par voie de décret. 

a) Réforme de juillet 2019 

Cette réforme initiée en juillet 2019 a fait l’objet d’un contentieux un peu complexe et n’est rentrée pleinement en vigueur qu’à compter du 1er décembre 2021. Cette réforme a en particulier consacré deux modifications très défavorables aux droits des travailleurs : 

Hausse de la durée minimale d’affiliation : Avant 2019, il suffisait d'avoir travaillé au moins quatre mois au cours des vingt-huit derniers mois pour ouvrir des droits à l'allocation chômage. Il faut désormais avoir travaillé six mois au cours des deux dernières années (ou au cours des trois dernières pour les 53 ans et plus). 

Modification du calcul du salaire journalier de référence pour tenir compte des périodes non travaillées : auparavant, seules les périodes travaillées étaient prises en compte. En prenant en compte les périodes non travaillées, la réforme pénalise largement les demandeurs d'emploi alternant chômage et activité. 

b) Réforme de janvier 2023 

Cette réforme prévoit une baisse de la durée d’indemnisation en fonction de la conjoncture économique. En effet, si le taux de chômage est inférieur à 9% et s’il ne progresse pas de plus de 0,8 point sur un trimestre, la situation économique est considérée comme bonne. La durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi est alors réduite de 25%, en respectant une durée minimale de six mois. Ainsi, un demandeur d'emploi qui aura cotisé à hauteur de 24 mois verra la durée de ses droits réduits à 18 mois. 

c) Projet de réforme 2024 

Le gouvernement annonce vouloir réformer de nouveau l’assurance chômage d’ici juillet 2024, cette réforme semble se concentrer sur deux points : 

Restrictions des conditions d’affiliation : Gabriel Attal déclare sur France Inter qu’« il faudra travailler 8 mois sur les 20 derniers mois pour toucher le chômage ». 


Baisse de la durée d’indemnisation : par le jeu de dépendance qui existe entre les conditions d’affiliation et la durée d’indemnisation, la réforme aura pour effet de baisser (encore) la durée d’indemnisation. 

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