Intervention publique Augustin VINALS Militant CGT / Santé publique & pesticides
Camarades, collègues, amis,
Je prends la parole aujourd’hui pour dénoncer un scandale sanitaire et social qui dure depuis trop longtemps : l’exposition massive des agriculteurs et des travailleurs agricoles aux pesticides.
Depuis plus d’un an, le gouvernement a mis en pause le plan Écophyto II+, qui prévoyait pourtant de réduire de moitié l’usage des produits phytopharmaceutiques d’ici 2025. Il l’a remplacé par un vague plan Écophyto 2030, encore plus flou, sans objectifs contraignants ni moyens concrets. Pire encore en parallèle, le Sénat a adopté une proposition de loi baptisée « Loi Duplomb », du nom d’un sénateur Les Républicains, censée « lever les contraintes » qui pèseraient sur les agriculteurs.
Mais de quelles contraintes parle-t-on. De la réglementation qui protège la santé humaine et l’environnement? De la prévention des risques chimiques? De la reconnaissance des maladies professionnelles liées aux pesticides? Cette loi ne répond en rien aux vraies difficultés du monde agricole, mais sacrifie encore une fois la santé des travailleuses et travailleurs agricoles sur l’autel du profit agro-industriel.
Parce qu’il faut le redire avec force: les premiers à souffrir des pesticides, ce sont les agriculteurs eux-mêmes. Ce sont eux qui les manipulent, les inhalent, les pulvérisent. Ce sont leurs mains, leurs poumons, leur système nerveux qui encaissent. Ce sont leurs enfants qui naissent parfois avec des malformations, ce sont leurs proches qui tombent malades. Et ce sont souvent eux qu’on accuse ensuite d’être responsables de cette pollution, alors qu’ils sont les premières victimes d’un système qui les pousse à l’impasse.
Les études scientifiques, nombreuses et convergentes, nous alertent depuis des années. Des chercheurs et chercheuses engagés à l’image de ceux des équipes ANTICIPE à Caen ou EPICENE à Bordeaux établissent des liens clairs entre l’exposition professionnelle aux pesticides et des pathologies graves: cancers, maladie de Parkinson, troubles cognitifs, infertilité, malformations congénitales…
Et pourtant, que fait l’État? Il recule. Il abandonne les objectifs de santé publique. Il donne des gages à l’agro-business et aux lobbies de l’industrie chimique. Il refuse de reconnaître les maladies professionnelles. Il laisse les salariés agricoles mal protégés, sans réelle surveillance médicale du travail, sans moyens syndicaux suffisants, et souvent sans même être informés des risques auxquels ils sont exposés.
La CGT ne peut pas rester silencieuse face à ce double scandale: sanitaire, mais aussi social. Car les risques chimiques sont souvent invisibles, diffus, retardés dans le temps. Ils tuent à petit feu. Ils détruisent des vies sans que la responsabilité soit jamais assumée. C’est la même logique qu’avec l’amiante, les solvants, les poussières de silice. On commence toujours par nier, puis on tergiverse, on « évalue », on promet des chartes et on finit par découvrir un désastre humain. Nous ne voulons pas d’un nouveau scandale sanitaire dans dix ou vingt ans. Nous voulons agir maintenant.
Nous exigeons :
- Une véritable politique de réduction des pesticides, avec des objectifs clairs, des alternatives agroécologiques financées, et un accompagnement des exploitants.
- La reconnaissance automatique de certaines pathologies comme maladies professionnelles liées aux expositions agricoles.
- Le renforcement des droits des travailleurs et travailleuses agricoles, souvent précaires, saisonniers, invisibles. Ils doivent être formés, protégés, consultés.
- La mise en place de plans de prévention dans les exploitations, avec des CHSCT (ou équivalents CSE) qui fonctionnent, des équipements adaptés, et une vraie médecine du travail.
- Et surtout,
Et surtout, nous exigeons que la santé des travailleurs et travailleuses passe avant les intérêts des lobbys de l’agrochimie.
Ce combat, nous devons le mener ensemble, dans l’unité, avec les syndicats, les scientifiques, les associations, les citoyens.
Parce que défendre la santé au travail, c’est défendre la dignité, la justice, et le droit à une vie sans poison.
Merci.
Augustin VINALS
Militant CGT depuis un demis siècle
Engagé sur les problématiques santé au travail et la justice environnementale