Lettre ouverte aux candidates et candidats à l’élection municipale de 2026 à Saint-Étienne
RÉNOVER, PROTÉGER ET RÉAPPROPRIER LA BOURSE DU TRAVAIL : UNE EXIGENCE DU MONDE OUVRIER STÉPHANOIS
Mesdames, Messieurs, camarade candidate, camarades candidats,
La campagne municipale qui s’ouvre en 2026 ne peut pas être une énième séquence où l’on parle d’attractivité, de marketing urbain, de zones commerciales, d’événementiel et de communication, tout en passant sous silence ce qui fait la chair de notre ville : son peuple, sa mémoire ouvrière, ses luttes, ses solidarités, sa fierté de classe.
Joseph Sanguedolce a été élu maire en 1977, à la tête d’une municipalité d’union de la gauche. Il restera en fonction jusqu’en 1983. Avant de devenir maire, notre ami et camarade Joseph Sanguedolce fut secrétaire général de l’Union Départementale CGT de la Loire de 1956-1977, une des UD les plus combatives et emblématiques du pays. Il est l’une des grandes figures CGT qui ont marqué l’histoire sociale et politique de Saint-Étienne.
Saint-Étienne ne serait pas Saint-Étienne sans celles et ceux qui, depuis plus d’un siècle, ont fait vivre ici un syndicalisme fort, combatif, indépendant, enraciné dans les entreprises, les ateliers, les mines, les services publics.
Et au cœur de cette histoire, il y a un lieu dont vous ne pouvez ignorer l’importance la Bourse du Travail de Saint- Étienne.
Un lieu qui n’est pas une salle municipale comme une autre.
Un lieu qui n’est pas un bâtiment administratif parmi d’autres.
Un lieu qui n’est pas une option dans la vie démocratique locale.
La Bourse du Travail est un pilier de la démocratie ouvrière stéphanoise.
Et cela doit être affirmé, protégé, rénové, renforcé.
LA BOURSE DU TRAVAIL 120 ANS DE LUTTES, DE SOLIDARITÉ ET DE FIERTÉ POPULAIRE
Quand l’on parle de la Bourse du Travail, on ne parle pas seulement de murs.
On parle d’un lieu où des milliers de travailleurs ont appris leurs droits, où des camarades ont préparé des grèves, organisé des ripostes aux licenciements, construit des solidarités pendant des conflits longs et difficiles.
On parle de dizaines de milliers de réunions syndicales, de stages de formation, d’assemblées générales avant des mobilisations nationales, de soirées de soutien aux travailleurs en lutte.
On parle d’un endroit où des travailleurs isolés et démunis sont venus un jour frapper à une porte et en sont repartis avec des droits.
On parle de toutes les batailles sur les conditions de travail, la santé, les salaires, l’amiante, les prud’hommes, la retraite, l’emploi industriel, les services publics, la dignité au travail batailles qui ont toutes, un jour ou l’autre, trouvé appui dans les murs de la Bourse du Travail.
Et cela, aucune municipalité ne peut s’en désintéresser.
La Bourse du Travail est un repère pour les salariés, un refuge pour ceux qui subissent les coups de la vie au travail, un instrument indispensable pour les organisations syndicales.
La République a ses mairies.
La démocratie représentative a ses urnes.
La démocratie ouvrière a ses Bourses du Travail.
Et la nôtre, ici, à Saint-Étienne, mérite mieux que ce qu’elle subit.
UN BÂTIMENT DÉLAISSÉ, MALMENÉ, SOUS-ENTRETENU LE DÉSINTÉRÊT MUNICIPAL NE PEUT PLUS DURER
Depuis des années, la Bourse du Travail vieillit dans l’indifférence.
Elle s’abîme.
Elle se dégrade.
Elle se détériore comme s’il s’agissait d’un bâtiment secondaire, sans valeur, sans usage vital, sans histoire.
Les organisations syndicales le constatent chaque jour : chauffage insuffisant ou défaillant, éclairage vétuste, issues et équipements de sécurité qui appellent modernisation, salles en mauvais état, accessibilité encore limitée pour certaines activités, équipements techniques obsolètes, infiltrations ou dégradations non traitées, absence de vision d’ensemble, de plan d’entretien, de rénovation programmée.
Pendant ce temps, des millions d’euros peuvent être débloqués pour d’autres projets urbains qui, eux, ne portent pas 120 ans d’histoire sociale.
Nous ne sommes pas dupes.
Nous savons que, pour certaines municipalités, la Bourse du Travail est un lieu gênant.
Un lieu trop vivant.
Un lieu trop syndical.
Un lieu trop politique au sens noble du terme, celui du débat, de la lutte, de la démocratie directe.
Mais nous le disons clairement :
Quand un lieu porte la mémoire ouvrière d’une ville comme Saint-Étienne, le laisser mourir est un acte politique.
Et ne pas l’entretenir, c’est l’affaiblir volontairement.
CE QUE NOUS EXIGEONS : DES ENGAGEMENTS PRÉCIS, CHIFFRÉS, ÉCRITS, AVANT L’ÉLECTION
Nous ne voulons pas de vagues promesses, de déclarations polies, de formules creuses.
Nous voulons du concret.
Nous voulons du vérifiable.
Nous voulons des engagements publics qui pourront être jugés par les électeurs.
Un plan de rénovation global
Pas un ravalement cosmétique.
Pas une peinture avant les élections.
Pas du patchwork.
Mais une rénovation à la hauteur du lieu :
- mise en sécurité complète ;
- isolation thermique ;
- remise à niveau du chauffage, de l’électricité, de la ventilation ;
- rénovation complète des salles ;
- amélioration de l’acoustique ;
- création ou modernisation des salles de formation ;
- remise en état du hall et de la façade ;
- accessibilité renforcée ;
- outils numériques adaptés aux réunions et formations actuelles ;
- respect absolu du patrimoine architectural.
Nous demandons un budget identifié dans vos programmes, avec un échéancier clair et des travaux réalisés en concertation avec les organisations syndicales.
La garantie absolue de la vocation syndicale du lieu
Dans plusieurs villes, des municipalités ont tenté d’expulser les syndicats, de récupérer les Bourses du Travail pour des usages administratifs ou événementiels.
Ici, cela ne doit jamais arriver.
Nous exigeons que vous vous engagiez par écrit à :
- maintenir l’affectation syndicale de la Bourse du Travail,
- garantir son usage prioritaire aux organisations syndicales,
- refuser toute privatisation, toute mise en location commerciale, toute réduction des espaces syndicaux,
- reconnaître officiellement la vocation sociale, politique et historique du lieu.
Un dialogue social municipal qui respecte les syndicats
Rien ne doit être décidé sans celles et ceux qui occupent le lieu.
Nous exigeons :
- une instance permanente réunissant toutes les organisations syndicales ;
- des réunions régulières avec informations transparentes ;
- la consultation obligatoire avant toute décision concernant le bâtiment ;
- un fonctionnement harmonieux, sécurisé et adapté aux besoins syndicaux.
Ce n’est pas une concession. C’est un minimum dans une ville ouvrière.
LA BOURSE DU TRAVAIL : UN ENJEU SOCIAL, POLITIQUE ET CULTUREL POUR LA VILLE
Dans une ville frappée par la désindustrialisation, les fermetures, la précarité, les bas salaires, la Bourse du Travail joue un rôle essentiel :
- C’est un lieu d’éducation populaire.
- C’est un lieu de défense des droits.
- C’est un lieu de solidarité contre la précarité et les injustices.
- C’est un lieu où l’on apprend à ne pas se laisser faire.
- C’est un lieu où les jeunes découvrent ce qu’est la démocratie sociale.
- C’est un lieu de transmission entre générations militantes.
La Bourse du Travail, c’est l’inverse du fatalisme.
C’est l’inverse de la résignation.
C’est l’inverse du chacun pour soi.
Une municipalité qui ne comprend pas cela passe à côté de l’âme de cette ville.
JE RENDRAIS PUBLIQUES VOS RÉPONSES, VOS COMPORTEMENTS, VOS SILENCES
Nous ne vous laisserons pas nous répondre par des phrases creuses.
Nous publierons :
- vos engagements écrits,
- vos refus,
- vos hésitations,
- vos stratégies d’évitement,
- vos silences.
Les travailleurs et les travailleuses ont le droit de savoir qui, parmi vous, respecte l’histoire ou la méprise.
Qui reconnaît le rôle des syndicats ou les ignore.
Qui croit en la démocratie sociale ou la considère comme un vestige du passé.
POUR UNE VILLE QUI NE RENIE PAS SES LUTTES : UN APPEL À LA FIERTÉ OUVRIÈRE
La Bourse du Travail n’est pas seulement un lieu du passé. C’est un lieu d’avenir.
Parce que les luttes à venir seront nombreuses.
Parce que les jeunes générations ont besoin d’un foyer syndical vivant.
Parce que la dignité au travail n’est jamais acquise.
Parce que la démocratie sociale ne peut pas se vivre uniquement en ligne ou en réunion Zoom.
Parce que l’histoire de Saint-Étienne ne peut pas se couper de ses racines populaires.
Nous vous le disons avec force : Rénovez la Bourse du Travail.
Protégez-la. Réaffirmez-la comme maison des travailleurs. Et respectez ceux qui l’ont fait vivre depuis 120 ans. C’est un marqueur politique. C’est un choix de société. C'est un acte de respect. C’est une reconnaissance de ce que nous sommes.
Augustin VINALS Militant CGT de la métallurgie depuis avril 1975 - Ancien salarié des Forges Stéphanoises (1973–2006) - Ancien Président du Conseil des Prud’hommes de St Chamond -Formateur PRUDIS CGT - Droits sociaux, Santé au Travail - Acteur du mouvement ouvrier stéphanois et défenseur de la Bourse du Travail