Faites connaissance avec ces deux âmes singulières. À 71 ans, Shirley* et son corps élancé parle un français impeccable sans rhoticité. Elle se distingue par son incommensurable discrétion. À 72 ans, Marie*, elle, regarde l’avenir avec ses yeux verts, alertes et étincelants. Dans toute sa vie pourtant semée d’embûches, elle fait raisonner le mot fête. Quand la musique retentit, elle jette sa béquille et se met à danser à sa façon.
Envisagez un quotidien un peu différent. Une aide à domicile vient suppléer Marie dans les tâches qu’elle ne peut plus réaliser seule, à l’exception du nettoyage du sol, qu’elle veut garder sous son contrôle, au risque de tomber. Shirley connaît tous les bons tuyaux et préfère donner plutôt que recevoir ; ses placards sont remplis de victuailles qu’elle distribue avec abnégation à ses proches voisines.
L’une a travaillé pendant deux ans à l’université de Colombia, a créé sa propre entreprise immobilière en France et a fait ériger les pierres de sa propre maison à proximité de Château-Thierry. Rentrée au pays pour dire au revoir à son père mourant, elle s’est retrouvée à son retour sans papiers. L’autre, malade, en situation de handicap, bénéficie depuis 20 ans d’un titre de séjour pour soin.
Marie, Shirley, et toutes les autres…
Et si nous opérions un changement de paradigme. Ces deux hébergées nous rappellent la bigarrure des histoires des femmes dites en situation de précarité, parfois proches des vôtres, des nôtres et pourtant inconnues, invisibles. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes et à travers ce regard croisé, espérons que les lecteurs et lectrices percevront différemment les femmes dont les associations de solidarité prennent soin. Une chose vue une fois n’est pas unique. Et les femmes comme Shirley et Marie sont nombreuses, mais bien toutes différentes.
*prénoms changés
Aurélie El Hassak-Marzorati, directrice générale du CASP