Il y a une différence essentielle entre Israël et la Russie, c'est que contrairement à l'Etat russe, l'Etat israélien a été créé avec l'aval de l'ONU. Cette reconnaissance internationale n'a absolument pas empêché les dirigeants israéliens de fouler aux pieds un très grand nombre de résolutions votées par l'Assemblée générale (en particulier le plan de partage de la Palestine en 1947 et le droit au retour des Palestiniens expulsés et expropriés en masse du territoire qui est devenu Israël en 1948) puis par le Conseil de Sécurité (notamment l'injonction à mettre un terme à l'occupation militaire de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza, suivie de la condamnation des activités de peuplement dans les territoires dits palestiniens, qui représentent à peine un quart de la Palestine historique). L’Etat d’Israël a pu ainsi piétiner le droit international pendant 76 ans en toute impunité, du fait du soutien inconditionnel des puissances occidentales : les États-Unis l’ont toujours considéré comme une pièce maîtresse dans le dispositif de protection de leurs intérêts géostratégiques moyen-orientaux ; les pays européens portaient, sans même parler de l’Allemagne, une lourde responsabilité dans l'extermination de plus des deux tiers des juifs d'Europe, et leur volonté de "réparer" le judéocide nazi, et plus largement, de faire oublier plusieurs siècles d'antisémitisme endémique en Europe, explique largement leur soutien indéfectible à la création d’un Etat autoqualifié de juif, lequel s’est construit, faut-il le rappeler, sur un territoire presque entièrement vidé de sa population autochtone.
A la différence d'Israël, la Russie peut elle-même organiser son impunité par son statut de membre permanent du Conseil de Sécurité. Mais le fait de pouvoir bloquer la moindre résolution en sa défaveur ne l'a pas protégée pour autant des sanctions économiques et financières décidées par l'"Occident collectif" après l’annexion de la Crimée, puis renforcées après l’agression militaire à grande échelle de l’Ukraine ; ces mêmes sanctions que l'UE se refusera toujours à prendre contre Israël, malgré les violations du droit international constatées depuis trois quarts de siècle, en dépit aussi des violences systématiques, crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis contre les Palestiniens par les forces d'occupation, la police, les services de renseignement et les colons israéliens.
Mais en ce qui concerne l'ampleur des crimes documentés, Rima Hassan ne peut affirmer, d'une manière aussi catégorique, qu'« Israël est pire que la Russie ». Elle oublie au minimum les deux guerres de Tchétchénie (1994-96 puis 1999-années 2000), véritables guerres d'extermination d'un petit peuple déjà déporté sous Staline : 1 Tchétchène sur 5 a été tué par les forces russes ou leurs collaborateurs locaux ; on peut rappeler que le premier assaut sur la capitale tchétchène, Grozny, a tué en deux mois (31 décembre 1994 - 7 mars 1995) davantage de civils (25 000 à 30 000*) qu'à Gaza sur une période comparable ; les disparitions forcées, tortures et exécutions sommaires étaient systématiquement utilisées par les militaires et services de renseignement russes comme méthodes contre-insurrectionnelles − l'"antiterrorisme" israélien emploie les mêmes pratiques criminelles, et n'est donc pas pire sur ce plan-là. En revanche, le nombre d'enfants tués ou grièvement blessés par les forces d'occupation israéliennes dépasse de loin tout ce que l'on a pu voir dans les conflits armés post-Guerre froide, exception faite du génocide rwandais ; de même que le meurtre de centaines de soignants, secouristes, journalistes et humanitaires. Quant à l’organisation d’une famine comme moyen de faire capituler un groupe armé "infiltré" (loin de moi l’idée de reprendre les éléments de langage de la propagande israélienne) dans la population civile, cette stratégie criminelle a été vue dans d’autres guerres récentes (par exemple en Syrie, lors du siège de la Ghouta orientale, dans la banlieue de Damas, par l’armée du régime Assad, entre février et avril 2018), mais pas à cette échelle-là.
* https://sites.tufts.edu/atrocityendings/2015/08/07/russia-1st-chechen-war/#Fatalities