Dire qu'Israël est une démocratie est déjà très inexact, même s'il s'agit de l'une des opinions reçues les mieux partagées au sujet de l'Etat juif. Il faut rappeler le traitement discriminatoire réservé à ceux des Palestiniens (près de 2 millions) qui sont théoriquement citoyens israéliens, en matière de liberté d'expression, de manifestation et d’enseignement (dès avant le 7-Octobre, toute évocation, commémoration, ou enseignement de la Nakba − l’expulsion par les milices sionistes en 1947-1949 de plus 80 % des Palestiniens qui vivaient sur le territoire devenu Israël − était considéré comme illégitime voir illégal ; de même que tout appel au boycott des bénéficiaires de l’occupation des territoires dits palestiniens, dans le cadre de la campagne internationale BDS [1]), mais aussi de propriété foncière et de logement (on peut mentionner notamment les entraves à l’installation des citoyens "arabes" israéliens en dehors des localités "arabes", le but étant d’empêcher la mixité Juifs/non-Juifs et plus encore d’assurer à la majorité juive le contrôle de la "terre d’Israël" [2]). Ce traitement discriminatoire s'est récemment aggravé : on a découvert après le 7-Octobre que les "Arabes israéliens" ne pouvaient exprimer publiquement leur solidarité avec les Gazaouis exterminés par les forces d'occupation sans se faire arrêter, licencier, renvoyer des universités, ou même emprisonner [3] ; on a découvert aussi que le régime de la détention administrative, normalement "réservé" aux Palestiniens de Cisjordanie incarcérés en masse par les autorités d'occupation, avait été appliqué à plusieurs citoyens "arabes" israéliens [4] ; on a découvert enfin que certains "Arabes israéliens" emprisonnés avaient subi la torture (c'est ce qu'a rapporté l'organisation B’Tselem dans son enquête sur le réseau de camps de torture destinés aux milliers de Palestiniens des territoires occupés détenus avec le statut de "prisonniers de sécurité" ou de "combattants illégaux" [5]).
En ce qui concerne les plus de 5 millions de Palestiniens des territoires occupés, ils vivent non seulement privés de leurs droits fondamentaux par l'Etat occupant, mais sont livrés à Gaza à l'extermination sous les bombes, par balles ou par la faim, et en Cisjordanie au terrorisme quotidien des colons et des soldats (attaques de hameaux et de villages pour pousser leurs habitants à fuir et abandonner leurs terres, ensuite saisies : au moins 50 communautés rurales palestiniennes ont ainsi disparu de la carte depuis le 7-Octobre [6] ; arrestations arbitraires au domicile, dans la rue ou aux checkpoints, suivies de passages à tabac et de tortures [7]).
Ces derniers temps, on se rend compte que la "démocratie" israélienne échappe peu à peu à ceux qui en bénéficiaient exclusivement : à savoir les 7 millions de Juifs d'Israël. En effet, certains de leurs droits sont désormais menacés dans un pays en voie de fascisation. D’après Sylvain Cypel, auteur de « L'Etat d'Israël contre les Juifs » (La Découverte, 2020) et contributeur régulier de la revue en ligne Orient XXI : « Parallèlement − et c’est une nouveauté − s’installe une ambiance de chasse aux "traîtres juifs". (...) Ainsi, une loi a été adoptée en octobre 2024 permettant de priver de son emploi tout enseignant qui aurait manifesté "de la sympathie pour une organisation terroriste". Lorsque l’on sait qu’est jugée "terroriste" toute manifestation de soutien à la cause palestinienne, quelle qu’en soit la forme, on imagine la pression sur des enseignants en histoire, par exemple, qui oseraient s’éloigner de la version "officielle" sur l’expulsion des Palestiniens en 1948, selon laquelle "Israël n’a expulsé aucun Arabe. Ils sont partis volontairement". (...) Le ministre de la justice, Yariv Levin, a proposé l’adoption d’une loi visant tout Israélien sans exclusive qui appellerait à boycotter l’État d’Israël ou ses dirigeants à être condamné à dix ans de prison, et à vingt ans en temps de guerre. (...) Si de plus en plus d’Israéliens quittent leur pays ces temps-ci − les chiffres exacts de ces départs restent inconnus −, ce n’est pas tant à cause des crimes massifs commis dans les Territoires palestiniens occupés qu’en raison du sentiment, dans certains secteurs de l’opinion, d’une érosion galopante de la "démocratie" dont les Juifs israéliens ont bénéficié depuis la création de leur État. » (https://orientxxi.info/magazine/israel-la-chasse-aux-mauvais-juifs-est-ouverte,7817)
[1] https://www.972mag.com/high-court-ruling-on-nakba-bill-reveals-its-waning-power/ ; https://www.972mag.com/you-can-boycott-anything-in-israel-except-the-occupation/
[3] https://www.972mag.com/administrative-detention-palestinian-citizens/
[4] https://www.972mag.com/administrative-detention-palestinian-citizens/
[5] https://www.btselem.org/sites/default/files/publications/202408_welcome_to_hell_eng.pdf
[6] https://www.972mag.com/west-bank-villages-israeli-settler-violence/
[7] Un rapport de B’Tselem publié le 3 décembre fait état d’une pratique devenue systématique, à partir de 25 témoignages recueillis à Hébron, en Cisjordanie occupée : https://www.btselem.org/publications/202412_unleashed