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Billet de blog 5 juin 2025

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MDPH, la machine qui broie des vies

Des vies entières suspendues à un formulaire. Des mois d’attente, des refus brutaux et absurdes. Chaque année, des milliers de personnes handicapées subissent la violence administrative des MDPH, censées protéger mais qui précarisent, humilient et participent à une maltraitance institutionnelle.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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VIDÉO "MDPH la machine qui broie des Vies" © Autrement Dit


Des vies entières suspendues à un formulaire. Des mois d’attente sans réponse. Des refus incompréhensibles, brutaux, parfois même absurdes. Voilà ce que vivent chaque année des milliers de personnes handicapées en France. Au cœur de ce dysfonctionnement massif : les MDPH, ces Maisons Départementales des Personnes Handicapées, censées protéger, accompagner, garantir les droits… mais qui, dans les faits, participent trop souvent à la précarisation, à l’humiliation et à la maltraitance administrative.

Créées en 2005 pour soit disant « simplifier » l’accès aux droits, les MDPH se sont vite transformées en forteresses opaques, inégalitaires, et profondément déshumanisantes. À la fin de l’année 2022, près de 6 millions de personnes bénéficiaient d’au moins un droit ouvert par une MDPH. Et pourtant, derrière les chiffres, ce sont de véritables parcours du combattant, des montagnes de dossiers, des traitements à géométrie variable selon les départements… et surtout des délais intolérables.

Le silence. L’attente.

L’attente : six mois parfois, un an, ou plus encore. Durant ce temps, aucune ressource, aucune aide. Les personnes handicapées sont livrées à elles-mêmes. Le monde s’effondre autour de celles et ceux qui n’ont que leur vulnérabilité à faire valoir. Leur seule faute ? Être malade, être en situation de handicap, et oser demander ce à quoi ils ont droit.

Et dès qu’ils le font, tout dans le système leur signifie qu’ils sont suspects : suspects d’exagérer, de mentir, de tricher. Les documents exigés s’accumulent, absurdes, humiliants, jusqu’à l’écœurement : planification minutieuse des gestes quotidiens de l’auxiliaire de vie, preuves médicales réitérées, appels téléphoniques avec des agents souvent mal formés ou débordés, des dossiers égarés, des notifications contradictoires, et j’en passe !

C’est une violence. Une vraie. Une violence institutionnelle.

Prenez l’exemple de Paul, habitant des Pyrénées-Orientales. Paul souffre de plusieurs pathologies : une agoraphobie sévère diagnostiquée depuis des années, une claustrophobie invalidante, et une dépression chronique qui l’épuise mentalement. Il vit dans un périmètre réduit autour de chez lui, ne se rend nulle part sans motif médical, fait appel à un coiffeur à domicile – non par confort, mais parce qu’il est incapable de se rendre dans un salon. Il n’a plus de vie sociale, ne supporte ni les lieux inconnus ni la foule. Il est sous traitement, isolé, replié, hors du monde depuis des années. Et pourtant, la MDPH lui a refusé l’AAH au motif d’un handicap estimé à moins de 50 %.

Deux fois. Sans justification. Sans appel motivé. Sans prise en compte des certificats fournis. Pire encore, lors du seul échange accordé par téléphone, on lui propose… écoutez moi bien, de prendre un bus pour une formation à des dizaines de kilomètres de chez lui alors qu’il peine déjà à faire des courses dans son quartier quand il ne peut pas se faire livrer, faute de moyen. Comme si la pathologie décrite n’avait jamais été lue. Comme si le dossier n’avait jamais été consulté. Comme si son quotidien n’avait jamais existé.

Et pourtant, Paul a moins de mobilité qu’une personne en fauteuil. Il ne peut pas monter dans un bus, ni se rendre seul dans un lieu inconnu. Il vit reclu, coupé du monde. Mais on lui répète : handicap inférieur à 50 %. Selon quel critère ? Quel barème ? Aucune explication. Une réponse froide, impersonnelle, implacable. Répétée trois fois, comme un véritable couperet.

Paul le dit avec beaucoup d’amertume : il a parfois l’impression de ne pas s’adresser à une institution censée protéger les plus vulnérables, mais à une assurance privée, dont le seul but semble d’être de ne jamais indemniser ses assurés. Chaque démarche ressemble à un procès, chaque formulaire à une suspicion déguisée.

Ce n’est pas une anecdote. Le cas de Paul n’est pas isolé. C’est un cas parmi des centaines de milliers d’autres en France.

Tenez, prenez ce témoignage relayé par Mediapart qui résume aussi l’ampleur de l’injustice : Charlotte Puiseux, en situation de handicap lourd, a dû avancer 20 000 euros de sa poche faute de versement en temps voulu par la MDPH. Sa situation n’a été débloquée qu’après avoir médiatisé son histoire. Mais combien d’autres, sans notoriété ni relais, tombent en silence ?

Le collectif Les Dévalideuses a recueilli plus de 500 témoignages édifiants :

  • 65 % des répondant·es disent avoir perdu confiance en eux à force de se justifier.
  • 84 % affirment que tout semble fait pour les dissuader d’aller jusqu’au bout de leurs démarches.
  • 18 % estiment que la MDPH les a mis en danger physique et/ou social.

C’est aussi l’histoire de Joceline, survivante de l’attentat du Bataclan, à qui la MDPH a retiré la carte mobilité inclusion malgré un état de santé inchangé. Ou celle de Barbara, qui vit dans l’angoisse constante de voir ses droits supprimés à cause d’erreurs administratives après un simple changement de prénom.

Quant aux commissions d’évaluation ? N’en parlons même pas ! Souvent absurdes, infantilisantes, déconnectées de la réalité du vécu de ces pêrsonnes. On y demande parfois aux personnes de décrire une journée type… en faisant abstraction de leur handicap. On y commet des erreurs médicales dans les dossiers. On y rejette des demandes vitales sans considération pour l’urgence ou la dignité.

La maltraitance est systémique.

Les MDPH ne reconnaissent pas les situations : elles les contestent. Elles n’écoutent pas : elles évaluent. Elles ne soutiennent pas : elles conditionnent.

Et pendant que les responsables politiques annoncent des « réformes » et des « simplifications », les courriers continuent d’affluer sur les bureaux. Les agents croulent sous les dossiers, les personnes handicapées, elles, s’effondrent dans le silence. Les droits sont suspendus, les vies aussi.

Des chiffres qui font froid dans le dos.

Comme je l’ai dit au début de ce billet, on estime qu’en France, 6 millions de personnes ont aujourd’hui au moins un droit ouvert par une MDPH en France.
Et pourtant, seulement 1,3 million d’entre eux perçoivent l’Allocation aux Adultes Handicapés.

Autrement dit, près de 80 % des personnes reconnues par la MDPH ne perçoivent pas l’AAH.

Pourquoi ?
Parce que le système trie, évalue (mais mal), soupèse (avec suspicion) et exclut.
Parce qu’on demande aux malades de prouver qu’ils sont bien malades et ces demandes sont faites dans l’exagération, encore et encore.
Parce qu’on préfère les soupçonner de tricher plutôt que de les aider à vivre.

C’est un peu comme si vous entriez aux urgences avec une jambe brisée…
et qu’on vous répondait :
« Oui mais vous arrivez encore à marcher, donc pas besoin de fauteuil. »

Ce n’est plus une défaillance. C’est une faute et une faute GRAVE !
Ce ne sont plus des retards. C’est une mise en danger.

Comme disait Albert Londres :
« La justice sociale, ce n’est pas la charité. C’est un droit. Et un droit, ça s’applique, ou ça se bafoue. »
Trop souvent la MDPH a bafoué les droits de centaines de milliers de personnes handicapées, et encore plus quand le handicap n’est pas physique mais mental.

Alors, Madame la Ministre de la santé, vous qui avez annoncé une réforme pour simplifier les démarches, osez aller plus loin. Ne simplifiez pas seulement les formulaires. Changez le regard. Changez les méthodes. Remplacez la suspicion par l’écoute, l’évaluation froide par l’accompagnement humain. Donnez des moyens réels aux équipes, de la formation, du temps, de la considération. Cessez de faire des personnes handicapées des suspects. Faites d’eux des citoyens à part entière ce qu’ils sont ! Ils méritent d’être traités avec bienveillance et dans le respect.
Vos témoignages ?

Et vous ? Oui vous qui venez de lire ce billet, si vous aussi, vous a avez été victime de cette machine absurde qui broie des vies, si vous avez vu vos droits piétinés, votre dignité niée, votre santé ignorée, racontez votre histoire. Je vous invite à témoigner dans les commentaires de cette vidéo. Et surtout, faites circuler ce billet partout où c’est possible. Partagez-le ! C’est important, je compte sur vous.

Il est temps de ne plus se taire. Il est temps de faire bouger les choses, alors faisons-le ensemble, mais pour cela j’ai besoin de vous, ils ont besoin de votre mobilisation.


=> Retrouvez l'intégralité de ce billet d'humeur en vidéo ici :
VIDEO : "MDPH la machine qui broie des vies"

Illustration 2
VIDÉO "MDPH la machine qui broie des Vies" © Autrement Dit


"Le Silence des Invalides"

Et tandis que ce billet touche à sa fin, il reste une voix à faire entendre : celle de celles et ceux que l’on ignore, que l’on évalue, que l’on soupèse, mais qu’on n’écoute jamais vraiment.
Celles et ceux dont la vie tient à un formulaire, un chiffre, une case cochée.

Pour eux, j’ai écrit cette chanson. Elle s’adresse à tous les oubliés de la République, à tous ceux que la MDPH transforme en suspects, en fantômes administratifs. À tous ceux qu’on broie à force de les faire attendre.
Et à toutes celles et ceux qui veulent encore croire que la dignité ne devrait jamais être une bataille.
Avant, la France construisait des palais pour ses blessés.
Aujourd’hui, elle les abandonne à des formulaires et des refus.

Voici « Le silence des Invalides ».
Une chanson pour toutes celles et ceux qu’on n’entend jamais.

Illustration 3
"Le Silence des Invalides" © Autrement Dit


Paroles :

Maltraitance D’État Pour de nombreux Handicapés,  
Des dossiers oubliés, des vies piétinées.  
Promesses de soutien, mais portes refermées,  
Humanité absente, douleurs ignorées.

Chaque jour, chaque nuit, sans bruit ni secours,  
J’habite un monde étroit, loin de vos parcours.  
Mes murs me protègent autant qu’ils m’enchaînent,  
Et le silence hurle bien plus fort que ma peine.  
Je vois la vie défiler depuis ma maison,  
Le ciel par ma fenêtre, c’est mon seul horizon.

Ils veulent des preuves, des chiffres qu’on entasse,  
Comme si mon corps n’était qu’une paperasse.  
Mes droits suspendus sur un fil qui casse,  
À chaque refus, c’est mon âme qu’on fracasse.  
Je suis un dossier dans une pile immense,  
Mais j’ai une histoire, une vie, une souffrance.

Refrain : 
On vit cachés derrière des murs d’indifférence,  
Invisibles aux yeux de ceux qui font notre sentence.  
À chaque demande, on devient des suspects,  
Comme si souffrir ne suffisait jamais.  
On veut qu’on écoute, pas qu’on banalise,  
Qu’on entende nos cris, pas qu’on les minimise.  
Ce n’est pas une faveur, c’est notre droit,  
Celui d’exister, d’être vu, d’avoir une voie.

J’ai cru, au début, qu’on me tendait une main,  
Qu’on verrait en moi un être, pas un fardeau humain.  
J’ai porté l’espoir comme on porte une flamme,  
Mais la machine l’a soufflé sans même voir mes larmes.  
J’ai rêvé d’écoute, aujourd’hui je mendie un regard,  
Mais l'attente a transformé mon espoir en cauchemar.

Une grille d’évaluation juge mon quotidien,  
Mais elle ignore mes nuits, mes détresses sans fin.  
Ils veulent des chiffres, pas de cris ni de larmes,  
Des preuves froides, sans visage, sans alarme.  
Je ne suis pas un code, ni un dossier bancal,  
Je suis une vie qu’on piétine d’un geste brutal.

On nous demande d’attendre, sans jamais écouter,  
Comme si l’handicap devait sans cesse se justifier.
Mais chaque refus grave une trace indélébile,  
Et brise un peu plus ce qui était déjà si fragile.

On vit cachés derrière des murs d’indifférence,  
Invisibles aux yeux de ceux qui font notre sentence.  
À chaque demande, on devient des suspects,  
Comme si souffrir ne suffisait jamais.  
On veut qu’on écoute, pas qu’on banalise,  
Qu’on entende nos cris, pas qu’on les minimise.  
Ce n’est pas une faveur, c’est notre droit,  
Celui d’exister, d’être vu, d’avoir une voie.

Maltraitance D’État Pour de nombreux Handicapés,  
Discrimination avec des mots bien déguisés.  
Procédures froides, sans aucun respect,  
Honte à ce système qui renie nos vérités.

Illustration 4
YouTube © Autrement Dit

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