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Billet de blog 9 avril 2024

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Carnet d'installation agricole 3 : bâtir aussi

Flashback. Retour sur notre première réunion entre copaines pour rêver beaucoup et concrétiser un peu nos vieilles blagues sur une installation agricole et artisanale en collectif.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Clap de fin de notre première réunion de collectif. C’est officiel. On réfléchit à s’installer ensemble. On en rêvait, c’était un bon sujet de blagues. Cette fois, c’est pour de vrai.

Qui a mis les pieds dans le plat la première fois ? Je ne me rappelle pas. Mais merci à cette personne.

Un weekend avait été organisé. On a parlé de nos idéaux, du quotidien qu’on s’imagine, d’où on veut vivre, avec qui on veut travailler, et pour faire quoi. C’est tout rose, ou plutôt tout vert. Une bonne bande de Non Issue du Milieu Agricole, diplômée d’études supérieures, spécialité écolo gauchiste, option fabriquer de nouveaux imaginaires. Une ferme pavée de bonnes intentions. Des gens pavés de bonnes intentions. Vraiment.

C’est le début d’une belle histoire. Je nous le souhaite. J’espère qu’on tiendra le coup. Que notre amitié tiendra le coup. Comme partout, on a nos bruits qui courent, les NIMA n’y échappent pas. Sauf que nous, au-delà des ruptures amoureuses qui font causer, on a les ruptures de collectifs, les cédant.es qui lourdent des repreneur.ses, les banques qui ne nous suivent pas et celleux qui craquent dans les premières années d’installation. Chacun.e sa téléréalité.

Maintenant qu’on s’est dit tout ça, on fait quoi ? On liste les sujets à discuter, les choses à décider. On les a priorisé.

Alors à discuter tout bientôt :

-Les questions de rémunération des associé.es et de solidarité entre les ateliers de la ferme

-Les rôles de chacun.e et le dimensionnement des ateliers (combien d’animaux, combien de kilos de produits transformés, combien d’hectares ?)

-Quelle autonomie matérielle on veut, quel rapport à la mécanisation on a, on fait appel à la Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole, à une Entreprise de Travaux Agricoles, on fabrique nos outils à nous, réparables, adaptés et pas chers ?

-Où on veut habiter ? Sur la ferme ou ailleurs ? Qui veut devenir propriétaire de sa maison, son appartement ? Qui veut être en habitat léger ?

Et à discuter plus tard :

-Où on veut s’installer ? Quels critères pour choisir ce territoire ? Quels veto ?

-La question du prévisionnel, l’étude des financements, quel part de notre argent personnel on veut mettre dans la structure ?

-Réfléchir à notre organisation collective, est-ce qu’on veut participer à chaque atelier ou être chacun.e sur notre atelier ?

On laisse aussi en suspens cette grosse question de la temporalité. Je sais maintenant que ce sera l’un de nos gros sujets de discussions dans le futur, mais à cette époque, se concentrer sur nos valeurs semblait être le plus essentiel. C’est assez dur de savoir si on a fait une bêtise ou pas. Le sujet du territoire aussi va revenir sur la table à de multiples reprises, mais on savait dès cette première réunion qu’on devait rapidement aborder le sujet. Le pire, c’est ce dont on ne discute pas.

Dans les projets agricoles en collectif, il y a plusieurs théories. Il y a celleux qui pensent qu’il faut être d’accord sur le territoire d’installation pour discuter plus avec le groupe. Celleux qui pensent qu’il faut être d’accord sur la temporalité d’installation : dans 2 ans, dans 5 ans ? Celleux qui pensent qu’il faut fixer le groupe et les membres qui le composent. Et celleux qui pensent qu’il faut tout faire en parallèle.

Et on a vu des projets collectifs ne pas aboutir avec presque toujours l’un de ses sujets en cause. La prudence est de mise (mais dans mes souvenirs, c’est plutôt l’enthousiasme qui a primé lors de ce tout premier temps commun).

A ce stade, on décide de se faire confiance pour préparer, organiser et faciliter nos réunions nous-mêmes.

Nous n’avons pas encore à entrer en contact avec les différents organismes et institutions en lien avec l’installation.

Chacun.e d’entre nous est en plein dans sa reconversion, concentré.e à trouver les connaissances et acquérir les compétences qu’il nous manque, à gagner la légitimité de s’installer, et la confiance pour devenir chef.fe d’exploitation d’une entreprise agricole.

Concentré.es mais aussi inspiré.es. Humblement, suivre la trace des paysan.nes mais pas que, qui nous mettent des étoiles dans les yeux. On a des lectures communes et des phrases qui nous habitent, comme celles de Buenaventurra Durruti, mises en exergue dans l'incroyable Bâtir aussi des ateliers de l'Antémonde.  

« Nous n’avons pas peur des ruines. Nous sommes capables de bâtir aussi. C’est nous qui avons construit les palais et les villes d’Espagne, d’Amérique et de partout. Nous, les travailleurs, nous pouvons bâtir des villes pour les remplacer. Et nous les construirons bien mieux ; aussi nous n’avons pas peur des ruines. Nous allons recevoir le monde en héritage. La bourgeoisie peut bien faire sauter et démolir son monde à elle avant de quitter la scène de l’Histoire. Nous portons un monde nouveau dans nos cœurs. »

Bâtir les villes, ET les campagnes.

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