Reprise du Procès des attentats de janvier 2015 : « La jurisprudence BARBIE de 1987 nous oblige » : libre expression d’une voie différente.
Dimanche 22 novembre 2020
TRIBUNE
Individuel
Quelques Avocats des victimes au Procès des attentats de CHARLIE HEBDO et de l’HYPER CASHER estiment, dans une Tribune au Monde, parue le samedi 21 novembre 2020 que la comparution d’un accusé en visioconférence ne permet pas de rendre sereinement justice. Ils refusent de plaider.
Maitre Axel METZKER, Avocat de 5 parties civiles, exprime une voie différente et rappelle la force symbolique de la Jurisprudence BARBIE de 1987 à savoir « qu’un procès d’assises historique peut juger un homme sans sa comparution. Il souhaite plaider. »
Tribune. Audi alteram partem. Je suis l’avocat de 5 parties civiles dans le procès des attentats de janvier 2015. Il est exact de dire que « la crise sanitaire, a été douloureusement vécue par tous, et qu’elle s’est répercutée dans notre salle d’audience ». Nous avons du porté des masques pendant tous les débats. L’oralité des débats a ainsi été mise à rude épreuve et parfois nous devions « tendre l’oreille » sans pouvoir « lire sur les lèvres » les dires d’un témoin ou d’un membre de la Cour. Mais on ne peut pas dire pour autant que cela a « entravé le déroulement d’un procès emblématique pour les citoyens français s’agissant d’attentats qui ont violemment meurtri notre pays ». Un seul contre-exemple, ce procès historique a connu un succès d’audience sans précédent et on peut rappeler le succès de l’auditorium du Tribunal judiciaire de Paris, toujours plein à craquer, chaque jour par des badauds passionnés, des passionnés juristes ou des passionnés tout court. On ne peut pas dire non plus que « la situation qui en découle pour les parties civiles est d’une violence inouïe ». Ce procès historique est un succès avant tout car notre Président Monsieur De JORNA a donné la parole à toutes les parties civiles. Tout le monde a eu le droit à sa déclaration spontanée.
Aquitator. Il ne nous semble pas que ce soit en dénigrant notre Garde des Sceaux Monsieur ERIC DUPONT MORETTI, le meilleur d’entre nous, AQUITATOR que l’on puisse y parvenir. Ce n’est pas parce que la Défense conteste une ordonnance prévoyant la visioconférence en matière de crise sanitaire, c’est-à-dire provisoirement, que les Droits de l’homme sont abolis en France. Que la Défense veuille faire des référés contre cette ordonnance, qu’elle le fasse si leurs clients les ont mandatés. Nous les avocats des parties civiles, nous représentons d’abord nos clients et j’aurai préféré que ce soit les clients qui signent la Tribune. Nous les parties civiles devons plaider pour satisfaire nos clients et tenter de soulager leurs douleurs incommensurables. La main ne doit pas trembler, nous devons plaider maintenant !
Nemo auditur. Poursuivre ce procès sans la présence physique de M. POLAT, est-ce un drame ? lui qui a vociféré contre la responsable de l’enquête, une femme policière courageuse qui a osé poursuivre son témoignage malgré les menaces répétées, actées par le Greffe. Lui qui a refusé de voir l’expert selon les dires de notre Président M. DE JORNA. Plaider, pour nous les parties civiles, pour eux les victimes, c’est une obligation morale.
Dura lex, sed Lex. Nous devons poursuivre et terminer ce procès avec M. POLAT en visioconférence puisque la Loi l’a décidé et que notre Président M. DE JORNA nous l’a proposé et qu’il se dit malade au moment crucial où les avocats de victimes expriment avec éloquence toute la douleur de leurs clients. Très mauvais moment choisi pour M. POLAT pour « tomber malade » à supposer qu’il le soit puisqu’au moment où j’écris je n’ai toujours pas les expertises maintes fois réclamées à la COUR m’empêchant de réclamer une contre-expertise. Lundi dernier, notre Président Monsieur de JORNA nous a indiqué qu’il « avait refusé de voir l’expert » ! L’accusé POLAT n’est pas le Maitre des Horloges.
Risque de mise en liberté? Un renvoi serai source de mise en liberté des accusés car on ne peut rester en détention provisoire toute une vie. Le code de procédure pénale est implacable. Par conséquent, cette grève de la plaidoirie est plus que risquée et nos clients victimes ne méritent pas cela.
La Jurisprudence BARBIE. En 1987, l’ancien nazi KLAUS BARBIE, chef de la GESTAPO, « le boucher de Lyon » a refusé de comparaitre à son procès d’assises du département du Rhône, procès historique qui a influencé nos vies d’avocat. Ce procès est gravé dans toutes nos mémoires. On jugeait l’assassin des 44 enfants juifs d’Izieu. Le 6 avril 1944, 44 enfants juifs, âgés de 4 à 17 ans sont raflés à la maison d’Izieu, située tout en haut d’une montagne, transférés à Drancy, déportés à AUSCHWITZ, où ils seront exterminés. A l’époque, KLAUS BARBIE se disait « l’otage de la France » et refusait de comparaitre. BARBIE qui avait arrêté Jean Moulin refusait de faire face aux parties civiles.
Pas de comparution forcée. Le 13 mai 1987, lors de la 3e audience de son procès historique, KLAUS BARBIE fait une déclaration spontanée : considérant son extradition comme illégale, il exprime « son refus de comparaitre » désormais aux audiences. Il est reconduit à la prison SAINT JOSEPH. Tout accusé peut refuser la comparution. A la reprise de l’audience, les avocats des parties civiles manifestent leur mécontentement, le Procureur Général Pierre TRUCHE constate que BARBIE ne veut pas voir en face ce qu’il a fait. Il rappelle que ceux qui étaient détenus pendant la guerre ne disposaient pas de ce même droit. Il affirme qu’il ne demandera pas au Président André CERDINI de contraindre l’accusé à comparaitre, comme celui-ci en aurait le droit. Pas de comparution forcée.
La jurisprudence POLAT. Le défaut de comparaitre pour les plaidoiries des parties civiles n’est pas selon nous un motif de tout arrêter ou de faire grève, ce n’est pas le moment, nous devons serrer les dents et montrer au monde entier que les victimes doivent se faire entendre quelque soit le cout porté à ceux qui défient notre société de droits. La jurisprudence BARBIE doit s’appliquer maintenant au cas POLAT. Elle nous oblige.
MAITRE AXEL METZKER, DOCTEUR EN DROIT, AVOCAT DE PARTIES CIVILES dans le Procès des attentats de janvier 2015. (CHARLIE HEBDO, MONTROUGE, HYPER CASHER)
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