Né Alexis Moncorgé en 1904 dans le 9ème arrondissement de Paris, mort Jean Gabin en 1976 à Neuilly-sur-Seine, le Pacha aura tourné pas loin de cent films dans une carrière démarrée en 1930, et achevée en 1976 année de son décès.
Cinquante ans après sa mort, et contrairement à beaucoup de ses pairs Jean Gabin n'est jamais tombé dans l'oubli. Ses collaborations, ainsi que sa fidélité aux plus grands metteurs en scène et dialoguistes y sont probablement pour quelque chose.
Quelques films … Les Années 30
Jean Gabin tourne une trentaine de films durant cette décennie. Ces rôles iront croissants jusqu'à La Belle Equipe (1936, Julien Duvivier), Pépé le Moko (1937, Julien Duvivier). C'est Le Quai des Brumes (1938, Marcel Carné) qui le consacre, et dans lequel il sort sa fameuse réplique à Michèle Morgan. Actrice qu'il retrouvera dans Remorque (1941, Jean Grémillon), et dans La Minute de Vérité (Jean Delannoy,1952).
L'Expatrié et l'Engagé ...
Jean Gabin comme beaucoup d'autres artistes refuse de tourner sous une France occupée. Il s'expatrie aux US, y rencontre Marlène Dietrich à New-York, et tous deux partent s'installer en Californie dans une villa que leur loue Greta Garbo. Mais ne voulant pas s'éterniser aux US, l'acteur ne s'implique pas réellement dans une carrière américaine. Il rentre en France au bout de trois ans.
A son retour, il s'engage comme canonnier dans les Forces Françaises Combattantes du Général de Gaulle*, puis Chef de Char au Régiment Blindé de Fusiliers Marins du second escadron de la seconde division blindée du Général Leclerc*. Au printemps 1945, il participe à la libération de la Poche de Royan puis à la Campagne d'Allemagne qui le conduit au Nid d'Aigle de Hitler*. Il sera décoré de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre à la fin du conflit*. En juillet 1945, celui qui est considéré comme le plus vieux chef de char de la France Libre* est démobilisé ...
... et fait son retour au cinéma ...
Quelques films ... les Années 50
Décennie faste pour l'acteur qui tourne pas loin de quarante films, parmi lesquels : La Marie du Port (Marcel Carné,1950), La Vérité sur Bébé Donge (Henri Decoin,1952), La Minute de Vérité (Jean Delannoy,1952,), Touchez pas au Grisbi (Jacques Becker,1954) Razzia sur la Chnouf (Henri Decoin,1955), La Traversée de Paris (Claude Autant-Lara, 1956), Les Grandes Familles (Denys de la Patellière,1958).
La plupart des films que tourne Jean Gabin durant cette décennie sont de gros succès dès leur sortie. La Marie du Port (plus de 2 000 000 entrées), Touchez pas au Grisbi (frappé d' un interdit au – de 16 ans) fera 3 190 000 entrées. Touchez pas au Grisbi bénéficiera d'un incroyable succès en Italie + de 2 000 000 de spectateurs le verront, et lors d'une ressortie US en 2003, + de 20 000 Américains iront le voir .
Les cartons successifs dès leurs sorties en salle de La Marie du Port et Touchez pas au Grisbi, suivis de La Minute de Vérité (Jean Delannoy, 1952, 3 000 000 entrées), Les Misérables (Jean-Paul le Chanois,1958, 7 821 60 entrées), La Traversée de Paris (1 198 306 entrée rien que sur l'année 1956 pour finir à 4 800 000 entrées en 1960), Archimède le Clochard (Gilles Grangier, 1959, 4 073 891 entrées) font de Jean Gabin l'acteur le plus bankable du cinéma français, et lui assureront une renommée plus jamais démentie.
Le Gentleman Farmer (1)
En 1952, Jean Gabin investit une bonne partie de son argent dans le domaine de La Pichonnière, située en Normandie. Il agrandit progressivement son domaine, élève des bovins, et fait construire entre 1956 et 1957 La Moncorgerie qui devient sa résidence familiale.
Passionné de chevaux, il monte aussi son écurie de courses à La Pichonnière qui sous les couleurs bouton d'or, toque lilas* acquiert une belle renommée dans le milieu hippique. Toujours à cette période, il fait aménager sur un de ses terrains de Moulins-La-Marche un hippodrome qui sera rebaptisé Hippodrome Jean Gabin après sa mort.
Quelques films ... les Années 60
Cette décennie de dix-huit films est comme les précédentes parsemée de très bons films, dont certain cartonneront une fois de plus. Jean Gabin comme à son habitude a su s'entourer des meilleurs et souvent des fidèles. Le public suit.
Que cela soit Du Baron de l'Ecluse (Jean Delannoy, 1960) au Clan des Siciliens (Henri Verneuil, 1969) en passant par Les Vieux de la Vieille (Gilles Grangier, 1960), Le Cave se Rebiffe (Gilles Grangier,1961), Un Singe en Hiver (Henri Verneuil,1962), Mélodie en Sous-Sol (Henri Verneuil, 1963),etc etc, Jean Gabin se transforme en Gabin tout court, en perfectionnant encore un peu plus un ton, un rythme, une façon de se déplacer, de parler (et bougonner ) qui lui est propre, sans effort aucun.
Le Gentleman Farmer (2)
Dans la nuit du 27 au 28 juillet 1962, sept cents agriculteurs encerclent son domaine familiale La Pichonnière pour s'élever contre la centralisation des terres, en exigeant la location de deux fermes à de jeunes éleveurs en difficulté. L'acteur ayant acquis plus de 150 ha les cultivateurs lui déclarent la guerre pour médiatiser les problèmes du monde agricole. Se sentant rejeté par la communauté paysanne normande dont il voulait tant faire partie, Jean Gabin ne se remettra jamais réellement de ce conflit, et en gardera une grande blessure. La presse prend la défense de l'acteur, mettant en avant ses travaux de modernisation effectués par ce dernier sur ses terres*, et accuse les manifestants d'être les tenants d’un corporatisme arriéré*.
Jean Gabin déclare vouloir vendre ses terres, et accepte finalement de louer deux fermes à des jeunes. Il portera plainte contre X pour violation de domicile et tentative d'extorsion de signature , mais retirera finalement sa plainte dans un souci d'apaisement, et ce en pleine audience du procès au palais de justice d'Alençon le 22 avril 1964*.
Quelques films ... les Années 70
Cette décennie sera la plus courte car elle sera la der des der pour l'acteur. La Horse (tourné à l'automne 1969, Pierre Granier-Deferre), Le Chat (1971, Pierre Granier-Deferre), L'Affaire Dominici (1973,Claude Bernard-Aubert), Deux Hommes dans la Ville (1973, José Giovanni), et le dernier L'Année Sainte, (1976, Jean Girault).
Dans La Horse Jean Gabin joue un propriétaire terrien qui découvre que son petit-fils trempe dans un trafic d'héroïne. Il endosse dans ce film l'un des rôles qui lui sied le mieux : le patriarche qui règle ses comptes tout seul afin de préserver l'unité familiale, quel qu'en soit le prix. Marc Porel qui interprète le petit-fils, et qui a déjà tourné avec Jean Gabin dans Le Clan des Siciliens mourra en 1983 à l'âge de trente quatre ans, d'une méningite provoquée par son addiction à l'héroïne.
Ce film était l'un des préférés de Jean Gabin. Pierre Granier-Deferre et lui se sont tellement bien entendu que tous deux retravaillent ensemble quelques mois plus tard pour tourner Le Chat. Il y interprète Julien un typographe à la retraite qui vit dans son pavillon de banlieue avec sa femme Clémence (interprétée magistralement par Simone Signoret), une ex trapéziste dont la carrière a pris fin après une chute. Après vingt cinq ans de vie commune, leur mariage s'est transformé en une cohabitation forcée ne communicant plus que par écrit.
La particularité de ce très très bon film est que tout se passe dans leurs regards. Des regards indifférents, qui se transformeront en haine violente par la faute d'un chat que Julien a recueilli, et que Clémence déteste. Gabin et Signoret portent ce film, on les observe se dire des horreurs (quand ils daignent s'adresser la parole) sur un fond sonore de marteaux-piqueurs et bétonneuses. On assiste au crépuscule du couple Clémence-Julien, et au bétonnage du quartier de la Défense alors en pleine construction. Un film triste qui reflète parfaitement de ce que pouvait être la vie de ces retraités pavillonnaires à l'aube de ces années 70. Le Chat sera la première et dernière rencontre cinématographique entre Signoret et Gabin, et l'un des plus beaux face à face du 7ème art. Tous deux sont récompensés de l'Ours d'Argent en 1971 (meilleure actrice et meilleur acteur). Le Chat fait plus de 1 000 000 d'entrée en France à sa sortie.
L'Année Sainte sera le dernier film du Pacha.
Jean Gabin décède à l'âge de 72 ans en novembre 1976. Ses obsèques ont lieu le 17 novembre au crématorium du Père-Lachaise. Elles attirent une foule considérable et sont retransmises à la télévision. Ses cendres sont ensuite transférées à Brest pour être dispersées en mer. Le 19 novembre 1976 une cérémonie plus confidentielle aura lieu en présence de son épouse, de ses enfants, et de personnalités amies du cinéma. Les honneurs militaires de la Marine Nationale lui sont rendus sur autorisation exceptionnelle du président Giscard d'Estaing.
Jean Gabin, Louis De Funès, Bourvil, Lino Ventura, Simone Signoret, Annie Girardot, Romy Schneider resteront à jamais les invité(e)s permanent(e)s de nos soirées télé, quelle que soit notre génération. Ces artistes jamais passé(e)s de mode grâce à leur talent à nous divertir reflèteront pour toujours un cinéma dans lequel ne comptaient que les personnages, leurs histoires, et avec le temps une certaine nostalgie qui nous fera toujours passer de bons moments en leur compagnie ...
A Suivre ... Simone Signoret
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