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Billet de blog 9 juillet 2024

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Il y a urgence à convoquer une Assemblée Constituante

Après la lente détérioration des libertés publiques et les résultats des élections législatives du dimanche 7 juillet 2024, il est temps d’acter la fin de la Cinquième République. Un mot doit tous nous animer : Constituante !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce dimanche, pour la seconde fois en deux ans, l’Assemblée nationale française a ressemblé à celle des régimes parlementaires. Aucune majorité absolue n’a pu émerger. Aucun des blocs qui se sont affrontés vertement ces dernières années, s’accusant des pires infamies, n’a réussi à supplanter les autres.

Pourtant, c’est seulement la seconde fois en soixante-cinq ans que cela se produit. Et pour cause : les élections législatives françaises se déroulent par circonscription et en deux tours. C’est une exception en Europe, peut-être même une exception mondiale. Par ce mode de fonctionnement, les constituants de 1958 entendaient donner en permanence une majorité absolue à un parti. Depuis 2022, ce n’est plus le cas.

Ressort alors l’absurdité de ce mode de scrutin : choisir un député par territoire pour une Assemblée nationale censée représenter la France dans son ensemble. La France est un État unitaire, c’est proclamé dans le premier article de notre Constitution actuelle.

Il y est proclamé également que la représentation des territoires est assurée par… le Sénat, selon son article 24.

Cette élection est absurde. Plus encore que la présidentielle états-unienne, qui a le mérite de reposer sur du fédéralisme. 577 élections locales pour une Assemblée nationale, ça n’avait déjà que peu de sens quand son objectif d’hégémonie majoritaire était atteint. Depuis 2022, ce n’est même plus le cas.

Pourtant, ces deux dernières années - comme les cinq précédentes d’ailleurs - le pouvoir a pu agir avec toute la latitude que permet la Constitution du 4 octobre 1958.

Grâce à l’article 8, le Président Macron a pu nommer le gouvernement de son choix alors qu’aucune majorité absolue n’avait été trouvée.

Grâce au fameux article 49 alinéa 3, il a pu faire passer une réforme des retraites que plus de trois Français sur quatre rejetaient selon les instituts de sondage. Ce malgré la mobilisation exceptionnelle contre lui. Et sans vote.

Grâce aux articles 68-1 et 68-2 de la Constitution, il a pu faire échapper à un procès équitable le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti. Cela via la scandaleuse Cour de Justice de la République, où les juges sont des parlementaires et les accusés des ministres.

Grâce à l’article 12, il a pu dissoudre l’Assemblée nationale et organiser des élections législatives dans un délai affreusement court de trois semaines. Cela suite à une élection perdue, certes, mais une élection européenne à la participation historiquement très basse. Pas de quoi déclencher le chaos.

Tout cela baigné dans un illibéralisme de plus en plus marqué, là aussi permis par un manque de contre-pouvoirs efficaces : répression violente des manifestations, traque des indépendantistes kanaks, tentative de dissolution d’associations écologistes, exactions policières couvertes,…

Liberté, égalité, fraternité, pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple, liberté d’association, de manifestation, droit de grève, droits à la retraite, au chômage, au congé maladie,…

Les textes et principes qui semblent si importants à la Cinquième République, placés en préambule et dans ses tout premiers articles, se retrouvent piétinés grâce aux pouvoirs conférés par les articles suivants.

Sur ces deux dernières années, Emmanuel Macron a encore approfondi le trou dans lequel il jette les libertés publiques et les valeurs de la République.

Le Rassemblement National se préparait déjà dimanche à y déposer un linceul.

Nous l’en avons empêché.

Pourtant, rien n’est résolu.

La démocratie et l’État de droit sont face à un gouffre mortel. La crise politique les y précipite.

Dans le programme du Nouveau Front Populaire, arrivé en tête des élections ce dimanche 7 juillet, il y a la volonté d’une sixième république. Les députés Renaissance savent quant à eux qu’une nouvelle dissolution dans les prochaines années pourrait voir leur camp réduit à peau de chagrin. Ils y ont d’ailleurs cette fois échappé de peu.

À l’inverse, Jordan Bardella et Marine Le Pen se voyaient bien à la tête de cette République dont les dispositifs leur auraient permis un pouvoir absolu tout en conservant les atours d’un régime démocratique. Il n’aurait fallu que quelques mois, un référendum bien accompagné de sa propagande et des baisses de subventions pour supprimer les quelques contre-pouvoirs que sont encore le Conseil d’État, le conseil constitutionnel, les associations de droits humains et les médias indépendants par exemple.

Ce n’est pourtant pas ce qu’auraient voulu leurs électeurs : l’argument de rendre le pouvoir au peuple revient très souvent dans la bouche de ces leaders politiques pourtant autoritaires et d’extrême-droite. Il n’est pas exclu que certains citoyens y croient réellement. D’ailleurs, suite à leur défaite de dimanche, le premier argument qu’on retrouve chez leurs partisans est l’absurdité d’une élection qui ne donne que la troisième place à un parti arrivé en tête en nombre de voix au niveau national.

Il y a donc une demande populaire et une opportunité politique. Pour changer les règles du jeu.

C’était déjà nécessaire. C’est aujourd’hui possible.

Nous pouvons éviter les coups d’État qui ont mis fin à toutes les Républiques françaises jusqu’ici.

Nous pouvons sortir de cette crise par le haut. Réécrire les règles de notre démocratie abîmée. Donner enfin suite aux revendications de démocratie participative et de RIC, aux expériences de Grand Débat et de Conventions Citoyennes.

Un mot doit nous animer : Constituante !

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Pour signer la pétition demandant la réunion d’une assemblée constituante tirée au sort : cliquez ici !

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