Lorsque Rishi Sunak, Britannique d’origine indienne, est arrivé au poste de Premier ministre du Royaume-Uni le 25 octobre 2022, certains ont considéré cette accession comme un événement historique et une preuve éclatante de la grandeur de la « démocratie » libérale occidentale. De même, lorsque Barack Obama, Américain d’origine africaine, est devenu président des États-Unis.
Mais Rishi Sunak était-il vraiment d’origine indienne, et Obama d’origine africaine ? Ou peut-être faudrait-il poser la question plus précisément : restait-il encore quelque chose, une trace, des origines indiennes de Sunak et africaines d’Obama lorsqu’ils ont accédé aux plus hautes fonctions ?
Sunak est, au fond, un Anglo-Saxon conservateur et réactionnaire jusqu’à la moelle ; il ne lui reste rien d’indien, si ce n’est son apparence extérieure héritée de ses parents immigrés fortunés et utilisés par la machine britannique comme un décor destiné à embellir son image et à promouvoir son système capitaliste.
S’il avait gardé la moindre trace de son indianité d’origine immigrée, solidaire de la classe pauvre et des peuples opprimés, il n’aurait pas bénéficié du soutien du lobby sioniste en Grande-Bretagne ni de celui des grandes entreprises pour lesquelles il a travaillé, et à travers lesquelles il a signé de nombreux partenariats commerciaux avec des Israéliens, aussi bien au Royaume-Uni qu’aux États-Unis.
Avant même de devenir Premier ministre, Rishi Sunak avait qualifié à plusieurs reprises la vision clairement capitaliste et pro-marché de l’économie comme facteur principal de stabilité sociale et politique et de prospérité, tout en présentant Israël comme le « phare du Proche-Orient ». Voilà les véritables qualifications qui ont permis à un homme issu de parents immigrés d’accéder au plus haut poste en Grande-Bretagne.
Il en va de même pour Barack Obama, qui n’était d’origine africaine que par son apparence. Tous deux étaient « blancs colonialistes » par l’esprit : leur blancheur s’était formée au cœur des institutions occidentales capitalistes et de la mentalité coloniale. Quant à leur apparence, leur religion et leurs origines, ce n’étaient que des illusions et des ornements marketing superficiels, qui n’ont jamais façonné leur personnalité.
Dans Peau noire, masques blancs, le psychiatre Frantz Fanon distingue entre la couleur de la peau et l’essence de celui qui la porte : certains fils des colonies étaient plus « blancs » que leurs maîtres européens colonisateurs. Peut-être peut-on comprendre dans ce même esprit les commentaires de Tahar Ben Jelloun, Omar Youssef Suleimane, Amine El-Khatmi et d’autres sur la tragédie de Gaza. Aimé Césaire, comme Frantz Fanon, a insisté sur le mécanisme psychologique selon lequel celui qui s’identifie totalement au maître dominateur finit toujours par devenir pire que lui.
Barack Obama, enfant de Harvard, et Rishi Sunak, enfant d’Oxford, paraissent parfois plus « blancs » que Bush et Churchill, même si ce dernier, rappelons-le, revendiquait ouvertement la supériorité de la race blanche sur les autres peuples « arriérés ».
La démocratie occidentale est une démocratie des riches, une démocratie de la bourgeoisie suprémaciste, une démocratie du capital et des médias, qui écrase les classes populaires dès qu’elles cessent de se conformer à ses règles.
Avec Zohran Mamdani, la donne change, il a poussé les lignes là où beaucoup n’osaient pas aller et bouscule le statu quo. C’est la gauche radicale, la gauche insoumise de rupture, à l’opposé d’un Obama, qui incarne une gauche sociale-démocrate molle, ou d’un Sunak, conservateur assumé.
Le programme de Mamdani et ses idées priment sur ses origines de façade, et c’est cela qui attire les classes populaires : penser aux oubliés et aux plus pauvres ; la justice sociale ; l’augmentation du SMIC ; la prise en charge publique des enfants de moins de six ans ; la gratuité des transports ; le gel des loyers lors du renouvellement des contrats de location ; plus d’impôts pour les riches et moins pour les pauvres ; l’anticapitalisme, l’antiracisme, l’anticolonialisme, et le refus du génocide à Gaza.
Et c’est ce programme de gauche de rupture, plus que ses origines, qui a attiré contre lui tant de haine. De Donald Trump à Marion Maréchal-Le Pen, de BHL à Éric Zemmour, de Caroline Fourest à Pascal Praud, d’Itamar Ben-Gvir à Céline Pina, sans oublier la galaxie Bolloré et les médias néolibéraux : tous se sont ligués pour traîner Zohran Mamdani dans la boue, en le qualifiant de « radical islamiste déguisé », de « pro-Hamas », de « communiste fou », de « socialiste extrémiste », d’« antisémite », de « djihadiste », de « pro-illégaux », de « menace pour la civilisation occidentale », ou encore de « danger pour la démocratie ». Un lynchage médiatique sans précédent, qui rappelle le sort réservé à une personnalité politiques française subissant le même traitement depuis plusieurs années.
À New York, c’est la gauche radicale et insoumise qui a remporté la victoire face à la droite dure suprémaciste et à la gauche centriste de compromis. J’espère que Zohran Mamdani incarnera pleinement cette gauche de rupture tant espérée par les opprimés.
Je me réjouis à 100 % de cette victoire de Zohran Mamdani, mais je reste méfiant à 100 %, car l’Homme avant d’être au pouvoir n’est pas toujours le même une fois qu’il y accède. Les années à venir nous diront la vérité.