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Billet de blog 18 décembre 2025

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Sydney : le deuil confisqué par les calculs politiques

L’antisémitisme tue, l’histoire et l’actualité en apportent tragiquement la preuve. Mais son instrumentalisation politique nourrit les amalgames et la confusion entre la communauté juive et la politique mortifère de l’extrême droite de Benjamin Netanyahou, attise les haines et fracture les sociétés ; elle tue aussi.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce qui s’est produit le 14 décembre à Sydney, en Australie, sur une plage où près d’un millier de personnes étaient rassemblées pour célébrer la fête juive de Hanoukkah, est un crime barbare et antisémite qui doit être condamné sans la moindre ambiguïté et avec la plus grande fermeté. Cette tragédie a fait seize morts, dont l’un des assaillants, ainsi que plus de quarante blessés. Nul être humain sain d’esprit ne peut rester indifférent face à ce crime, à la souffrance des victimes et de leurs proches ; nul ne peut refuser de leur exprimer solidarité et compassion. Ces instants de douleur imposent le recueillement, le deuil et un sursaut de dignité humaine. 

Mais que dire des médias mainstream, des responsables politiques, des parlementaires macronistes, républicains et d’extrême droite, des artistes, des journalistes et des chroniqueurs pro-israéliens, qui se sont précipités pour utiliser ce drame afin de régler leurs comptes politiques avec tous ceux et celles qui ne sont pas d’accord avec eux à propos du conflit israélo-palestinien, à fortiori la gauche et surtout La France insoumise ?! La tuerie de Sydney est ainsi transformée en tribunal idéologique destiné à juger tous ceux et celles qui ont dit non à la folie génocidaire de l’extrême droite israélienne. Tous les responsables politiques, journalistes, écrivains ou artistes ayant condamné le génocide à Gaza « seraient » alors des antisémites et porteraient une responsabilité dans la fusillade de Bondi Beach, en Australie !

Aurore Bergé, ministre macroniste, dans une interview, juste après l’attentat criminel, a déclaré et tweeté :
« Tous ceux qui ont déversé leur haine obsessionnelle d’Israël, tous ceux qui ont parlé de génocidaires à propos des Juifs ont armé les terroristes à Sydney. Quand les mots ont été épuisés, il reste les balles. »

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, architecte du génocide à Gaza et visé par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) depuis novembre 2024, a, quant à lui, trouvé un responsable à l’attentat quelques heures seulement après la fusillade ! Selon lui, l’attaque terroriste perpétrée à Bondi Beach résulterait de la décision de reconnaître l’État de Palestine prise par son homologue australien, Anthony Albanese. Sans jamais se remettre en question, Netanyahou affirme que cette décision encouragerait l’antisémitisme : « Le 17 août, il y a environ quatre mois, j’ai adressé une lettre au Premier ministre australien, Albanese, dans laquelle je l’avertissais que la politique du gouvernement australien promouvait et encourageait l’antisémitisme en Australie. »

Comment comprendre un tel raisonnement fallacieux, fondé sur une causalité tout aussi fallacieuse, qui consiste à relier un crime antisémite barbare commis à Sydney au fait d’être propalestinien, de refuser de qualifier le Hamas de « terroriste », de condamner le génocide à Gaza ou encore de reconnaître l’État de Palestine ?

Il ne s’agit ici ni d’une incompréhension, ni d’un défaut de perception, ni d’un simple biais cognitif, mais bien d’une stratégie d’instrumentalisation politique pleinement consciente, malveillante et assumée. La question qui s’impose alors est : comment peut-on instrumentaliser un crime aussi horrible à des fins politiques préexistantes alors que le sang des victimes est encore frais ?

La souffrance des victimes mérite le respect, non la récupération. C’est le temps du choc, de la colère, du deuil, de la peur, mais surtout de la compassion envers les familles endeuillées. C’est le moment où l’humanité devrait primer sur les calculs politiciens.

La récupération politique de ce qui s’est produit à Sydney détourne ce crime de sa réalité humaine, antisémite et tragique pour en faire un outil de combat idéologique. L’émotion et la solidarité dues aux victimes cèdent alors la place aux accusations, aux amalgames et aux règlements de comptes partisans. Les victimes disparaissent derrière les stratégies politiques.

L’antisémitisme tue, l’histoire et l’actualité en apportent tragiquement la preuve. Mais son instrumentalisation politique nourrit les amalgames et la confusion entre la communauté juive et la politique mortifère de l’extrême droite de Benjamin Netanyahou, attise les haines et fracture les sociétés ; elle tue aussi. Toutes les formes de racisme tuent, en légitimant la stigmatisation, la violence et l’exclusion. Elles transforment la peur et la colère en armes politiques mortelles.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.