La courtoisie n'excluant pas la franchise, le capital-risqueur Axcel a remercié, fin 2007, le directeur exécutif de l'entreprise de Joaillerie Georg Jensen qu'il détient depuis que le groupe Carlsberg lui a cédé la holding Royal Scandinavia, en 2001. Un différent stratégique opposait les financiers à l'exécutif du célèbre orfèvre design danois. En cause : la politique commerciale jugée trop "exclusive" et des prix dissuasifs. Pourtant, il n'est pas certain que le groupe financier Axcel veuille, à proprement parler, démocratiser l'accès à la beauté signée des deux initiales GJ.
Axcel, en fait, s'impatiente. Voici déjà sept ans que le fonds d'investissement est au commande de la holding du luxe danois - sorte de mini LVMH du début de l'aventure Arnault - et tout porte à croire que l'aventure devra se prolonger deux ou trois ans. Au total - et dans le meilleur des cas -, l'épisode Royal Scandinavia aura donc duré dix ans, soit le double du délai jugé normal pour effectuer le cycle "rachat d'une entreprise, restructuration et revente au prix fort".
Après sept ans de "réformes", l'entreprise ne parvient toujours pas à dégager un profit à deux chiffres - et encore, le résultat de 2007 (9 %, soit environ 10 millions d'euros), est-il dû pour moitié à des cessions d'actifs - treize boutiques revendues. On demeure très loin de l'objectif des 200 millions de couronnes, nécessaires pour revendre l'entreprise un milliard (135 millions d'euros). Les financiers avoueraient également volontiers la difficulté qui fut la leur pour orienter l'entreprise, si sûre de son savoir-faire, vers une logique client, et la débarrasser de cette arrogancen qui nuit à la nécessaire compréhension mutuelle...
Axcel a maintenant tranché : on va baisser les prix. L'argenterie doit être à la portée de tous. On brade. Les objets Georg Jensen, symboles de réussite économique et sociale, doivent s'adapter à de nouvelles clientèles, plus jeunes et moins fortunées. Démocratique, vous dit-on. Avec cette politique de prix, se profilent évidemment de nouvelles options de production (matières choisies, soin et méthode de fabrication, et forcément, à terme, de localisation). On table sur cette révolution pour faire exploser la marque en termes de ventes, et l'entreprise en termes de profits - ce qui devrait la rendre plus attractive pour un repreneur éventuel (LVMH, Tiffany, Swatch, Richmond...)
Le choix stratégique d'Axcel revient à ne plus privilégier que le renom de la marque (très fort en Scandinavie, au Japon et en Chine), et en faire un levier de vente, quand le staff, au contraire, faisait de la griffe le témoignage d'une identité réelle. Ici comme ailleurs : image contre travail, profit contre temps. Pour certains, ce choix revient à dilapider un long héritage et une notoriété patiemment acquise pour des raisons purement financières et de court-terme. Pour d'autres, aux commandes, il s'agit d'initier une nouvelle dynamique.
Cela ne surprendra pas un français habitué au savoir-faire communicationnel des dirigeants - un élu évoquait la Novlangue - Axcel affirmait paradoxalement vouloir revenir aux racines de l'entreprise Georg Jensen. Mais comment dit-on "sans dec..." en danois ?