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Billet de blog 26 décembre 2022

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Hiérarchie de QI entre les races ?

Il y a quelques jours au téléphone avec mon petit frère, il m'a parlé d'une discussion qu’il avait eue avec ses amis d’école de commerce. Pendant un énième débat sur l’immigration, l’un d’entre eux a fini par envoyer sur leur conversation la carte mondiale du QI. Ayant de mon côté fait pas mal de recherches sur le sujet, il m’a demandé si je n’avais pas d’arguments statistiques en réponse.

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Illustration 1
Carte du monde du QI par pays

Temps de lecture : 15 minutes.

Le premier réflexe en voyant cette carte serait de dire qu’elle est probablement fausse ou sinon que le QI est sans doute fortement environnemental. Aucun scientifique sérieux ne pourrait véritablement croire à une hiérarchie entre les races ?

Pourtant, elle existe bel et bien scientifiquement et elle a été remplie en utilisant les résultats de plusieurs études fortement soutenues par une partie de la communauté scientifique. Pas plus tard que 2020, un papier scientifique a utilisé les données de cette carte pour démontrer que la religiosité augmente le taux de crimes violents, mais seulement dans les pays où la population a un QI inférieur.

Cette carte n’est en réalité pas nouvelle, et elle se base sur tout un corpus d'études dont l’essentiel est regroupé dans The Bell Curve publié en 1994. Cet essai scientifique se concentre principalement sur les différences de QI entre les races, notamment entre les noirs-américains et les blancs. Leur thèse peut d’ailleurs être synthétisée de la manière suivante :

(1) Le QI est majoritairement génétique et déterminé à la naissance 

(2) Il existe une hiérarchie raciale du QI

(3) Le QI est représentatif de l’intelligence des individus 

(4) Le QI a été mesuré de manière fiable à travers le monde 

D’après les partisans de cette carte, cette inégalité d’intelligence entre les différentes races est ce qui expliquerait par exemple que les pays Occidentaux soient autant développés et les pays Africains autant à la traîne. D’ailleurs, les pays Arabes comme le Qatar ou les Emirats Arabe Unis, où le PIB par habitant est parmi les plus hauts au monde, ont tout de même un QI moyen très bas. Ça serait donc la preuve que même dans un contexte socio-économique favorable, l’intelligence ne semble pas se développer plus que ça, confirmant bel et bien que c’est une question de race.

De plus, de nombreuses études sérieuses ont prouvé que le QI était fortement corrélé à la réussite personnelle et professionnelle des individus et inversement corrélé au taux de criminalité. Tout ceci expliquerait finalement pourquoi les arabes et les noirs peinent à réussir en Europe aujourd’hui et sont surreprésentés en prison. Même s’il y a quelques exceptions ici et là, en moyenne leur intelligence ne serait tout simplement pas au niveau de celle des blancs.

Après s’être donné la nausée à lire ce dernier paragraphe, nous allons maintenant analyser point par point ces affirmations et expliquer en quoi elles sont toutes inexactes.

Vous allez peut-être penser que je fais un homme de paille, que son pote a probablement envoyé ça pour rigoler, qu’au fond il ne le pense pas vraiment et que de toute façon vous de votre côté vous n’avez pas vraiment besoin qu’on vous la debunk vu que vous n’y croyez pas vraiment. Je reviendrai sur ce genre d’arguments cruciaux en conclusion de cet article.


Le QI est majoritairement génétique et déterminé à la naissance


Il est admis à travers plusieurs études scientifiques effectuées sur des milliers de paires de jumeaux monozygote que l’héritabilité du QI est aux alentours de 65%. On pourrait donc dire qu’en moyenne notre intelligence vient à 65% de nos parents et à 35% de notre environnement.

Et bien non, hérédité et héritabilité dans le sens scientifique sont deux choses complètement différentes, et c’est la première confusion des partisans de cette carte.

Un caractère héréditaire est un caractère génétiquement déterminé. L’hérédité peut se comprendre à l’échelle de l'individu.

Un caractère héritable cependant est un caractère dont la variabilité au sein d’une population peut être expliquée par une variation génétique. L’héritabilité ne peut se comprendre qu’à l’échelle d’une population donnée.

Un caractère peut être complètement héréditaire mais très peu héritable. Par exemple, on a 2 oreilles parce que c’est inscrit directement dans notre code génétique, donc héréditaire. Cependant, la variabilité au sein de la population ne s’explique pas génétiquement car ne pas avoir 2 oreilles est dû le plus souvent à un accident. Avoir 2 oreilles est donc héréditaire mais non héritable.

À l’inverse, un caractère peut être non héréditaire mais très fortement héritable. Par exemple, mettre ou non des boucles d’oreille est 0% génétique mais très fortement héritable, car la variabilité du caractère “mettre des boucles d’oreille” au sein de la population s’explique majoritairement génétiquement (présence de Chromosome XX ou XY).

Ainsi, même si c’est un caractère quasi-totalement héritable, “mettre des boucles d’oreilles” n’en reste pas moins déterminé majoritairement par des conventions sociales et culturelles, autrement dit des facteurs environnementaux.

Il serait donc techniquement juste de dire qu’il y a une forte corrélation entre le fait d’être né maghrébin et d’avoir un QI moyen plus bas que la moyenne blanche, mais à aucun moment cela ne nous aurait permis de prouver que cette relation d’ordre est d’origine génétique, et cela même si le QI est fortement héritable.

Bref, ce qu’il faut retenir ici, c’est qu’un caractère fortement héritable peut être héréditaire, tout comme il peut être complètement environnemental.


Il existe une hiérarchie entre les races


Supposons tout de même que dans le futur la science finisse par prouver que le QI est quasi-génétiquement déterminé. Cette carte ne prouverait-elle pas que certaines races sont plus prédisposées à un QI inférieur que d’autres ?

Pour répondre à cette question, nous allons reprendre l’expérience de pensée classique du généticien Richard Lewontin. Supposons que vous ayez 2 groupes identiques A et B de graines d’une même espèce de plantes.

Vous plantez les deux groupes A et B en même temps, vous vous arrangez pour pouvoir éclairer et arroser les plantes de la même manière et à la même fréquence, mais vous décidez pour le groupe A de choisir un sol riche en nutriments, et pour le groupe B un sol pauvre.

Après quelques semaines, vous décidez de mesurer la taille de vos plantes. Il est communément admis que la taille d’une plante est un caractère 100% héritable mais surtout héréditaire, soit génétiquement déterminé. Toutes les différences de taille entre les plantes du groupe A seront donc d’origine génétique, et toutes les différences de taille entre les plantes du groupe B seront d’origine génétique.

Cependant, il serait totalement fallacieux de conclure qu’étant donné que la taille est un caractère héréditaire et 100% héritable chez les plantes, on peut déduire que les plantes du groupe A sont génétiquement supérieures aux plantes du groupe B.

Illustration 2
Expérience de pensée de Richard Lewontin

Et c’est pourtant ce que les partisans de cette carte affirment. Si le QI est héréditaire et à 100% héritable, ça veut forcément dire que les races qui ont un QI supérieur sont génétiquement prédisposées, non ? Non.

Si vous êtes né en Afrique plutôt qu’en Europe, vous aurez une probabilité plus élevée de naître dans des conditions économiques précaires, qui elles-même impacteront votre probabilité d’accéder à une alimentation et une éducation de meilleure qualité, qui elle-même finira par impacter votre QI. Et ce, même en partant de la supposition totalement accommodante que le QI est génétique et 100% héritable, ce qu’il n’est de toute évidence pas, comme on a pu le voir.

De même pour la comparaison entre les blancs et les non-blancs vivant en Europe. A moins de pouvoir comparer deux éthnies vivant dans des conditions environnementales parfaitement identiques, la comparaison du QI, et de tout autre variable d’ailleurs, n’aura jamais aucun sens.


Le QI est représentatif de l’intelligence


Mais avant tout cela, comment sait-on de base qu’on mesure l’intelligence ? Pour savoir à quel point quelqu’un est rapide, on utilise l’unité de mesure tangible qu’est la vitesse. Pour la force, on utilise la masse et l’accélération. Mais comment fait-on pour un concept aussi abstrait que l’intelligence ?

Charles Spearman, statisticien et psychologue de renom, a remarqué que le résultat de plusieurs tests d’aptitudes intellectuelles effectués par des patients étaient corrélés entre eux. Il a donc supposé qu’il existait un facteur g sous-jacent qu’il appela “general intelligence” intrinsèque à chaque patient auquel les résultats de tous les tests devraient être corrélés. 

g ne peut donc pas être directement mesuré, c’est un concept statistique créé de toutes pièces dont on a supposé l’existence, et il est simplement estimé indirectement à travers les résultats des différents tests. En soit, c’est une pratique statistique assez courante, mais ce qui pose problème ici, c’est qu’au lieu d’essayer de valider son existence et le corriger par des mesures empiriques, g est aujourd’hui par défaut accepté comme étant une vérité tangible et absolue.

Au-delà de ça, g est bien sûr loin de mesurer toute l’étendue des capacités cognitives d’un individu.

Est-ce qu’imaginer un scénario complexe, composer une symphonie ou confectionner un plat à saveur unique est de l’intelligence, ou est-ce de la créativité ? Est-ce que prédire les intentions de son adversaire lors d’un combat de boxe est de l’intelligence, ou est-ce du talent ? Est-ce qu’être capable de comprendre les émotions de son entourage est de l’intelligence, ou est-ce de l’intelligence émotionnelle ?

Illustration 3
Mohamed Ali, reconnu comme l'un des plus grands athlètes de tous les temps, a obtenu un score de 78 au test de QI de l'armée américaine.

Aussi, le test de QI pousse à donner la meilleure réponse possible dans un temps imparti. Et si j’étais capable, sans contrainte de temps, de trouver une réponse encore plus juste, plus créative, plus astucieuse et plus originale que celle des autres ? Suis-je moins intelligent ? D’après les tests de QI, oui.

En tant que statisticien, je comprends la tentation de vouloir tout modéliser à travers des valeurs prédéfinies qui caractériseraient un individu. Nous ne sommes en théorie qu’un agglomérat de caractéristiques qu’on pourrait techniquement chiffrer, et ces chiffres une fois déterminés nous permettraient de quantifier toutes les différences entre un individu A et un individu B.

Dans la pratique cependant, la complexité de ce qui fait l’être humain implique qu’on ne pourra jamais modéliser correctement un concept aussi abstrait et multifactoriel que l’intelligence.


Le QI a été mesuré de manière fiable à travers le monde


Soit, on peut dire que le QI ne mesure probablement pas toute l’étendue de l’intelligence humaine, mais il mesure tout de même une grande partie de l'intelligence dites “cartésienne”. C’est d'ailleurs cette même intelligence qui est fortement corrélée à la réussite professionnelle et inversement corrélée à la délinquance dans le monde occidental. Tout ceci expliquerait finalement les différences socio-économiques entre les éthnies qu’on observe aussi en France. Regarde, les asiatiques eux s’en sortent très bien parce que leur QI moyen est très élevé comme le dit la carte. C’est bon, on peut dire maintenant que les races africaines sont prédisposées à échouer en Europe ?

Bon, posons-nous maintenant la question du contexte et de l'exactitude de ces études. Au moment où les tests de QI ont été effectués en Afrique pour créer cette carte, le récit dominant au sein de la société occidentale était que les Africains étaient une sous-race d’êtres humains. 

Rappelez-vous que jusqu'à encore les années 1930, il existait dans la majorité des pays d’Europe des zoos humains, à savoir qu’en France on pouvait sortir le week-end en famille et visiter, à côté des différents éléphants, lions et autres girafes, une famille d’hommes, de femmes et d’enfants noirs vivant au sein d'une clôture à ciel ouvert.

Illustration 4
Zoo humain à Bruxelles - 1958

Le but de ces études n’a jamais été autre que de prouver pseudo-scientifiquement que la race blanche est supérieure pour pouvoir justifier les pires atrocités. La motivation de ces chercheurs n'était pas une pure et noble curiosité intellectuelle pour faire avancer la science. En réalité, ils étaient tous des eugénistes autoproclamés. Ces recherches ont notamment été le levier principal qui a permis de voter des lois pour stériliser des dizaines de milliers d’américains dont le QI était considéré comme trop bas. Et vous pouvez deviner quelle couleur de peau était ciblée.

The tests have told the truth. These boys are ineducable beyond the merest rudiments of training. No amount of school instruction will ever make them intelligent voters or capable citizens [...]. Their dullness seems to be racial

- Lewis Terman, inventor of the modern IQ test

Toujours pas convaincus ? Voici une toute petite sélection des quelques centaines d’irrégularités qui ont été à l’origine de cette carte :

  • Dans une majorité de pays d’Afrique, les tests de QI ont été administrés en Anglais seul. Les testés n’ont quasiment obtenu aucun point sur la partie langage, ne parlant que très peu la langue.
  • Une très grande partie des conclusions nationales ont été effectuées sur un échantillon minuscule et peu varié. C’est notamment le cas du Nigéria et de la Zambie où on a respectivement testé 86 ouvriers d’usine et 75 mineurs de cuivre, rien de plus.
  • En Afrique du Sud, les chercheurs ont sciemment ignoré les résultats d’écoles noires prestigieuses où les élèves ont obtenu un QI moyen supérieur à celui des élèves d’écoles blanches.

Aussi ahurissant que celà puisse être, le résultat de ces études est toujours utilisé aujourd’hui par une partie de la communauté scientifique. Beaucoup de chercheurs, une majorité même, s’y opposent et dénoncent leurs méthodologies fallacieuses. Mais il suffit qu’une poignée de scientifiques y croie très fermement pour continuer à les légitimer. Si des scientifiques de rang mondial défendent cette carte, comment en vouloir à quelqu'un qui ne fait que relayer l’information ? 


D'accord mais par contre le pote de ton frère faisait juste une blague hein


Bon d'accord, le pote de mon frère qui a envoyé cette carte dans la conversation dira probablement qu’il blaguait juste. Mais comment ne pas douter de la noblesse de ses intentions quand ce même pote promeut un fort discours anti-immigration et nationaliste ? Je veux dire, ça serait logique que l’ordre du monde actuel ne vienne pas de nulle part non ?

Ce genre d’opinion n'est malheureusement pas seulement réservé aux personnes qui ont des appétences pour les idées d'extrême droite. En réalité, il y a beaucoup de personnes modérées et même très à gauche qui pensent que la carte doit quand même peut-être avoir un petit fond de vérité, même si on s’en fout du QI au fond. Peut-être était-ce votre cas. Il suffit juste d’un sophisme bien ficelé, une statistique tronquée ou une corrélation fallacieuse pour faire semer le doute, même dans les esprits les mieux intentionnés. Et tant que la question ne sera jamais traitée sans tabou, ce doute persistera.

L'extrême droite a réussi l'exploit de se vendre comme étant le camp de la raison, de la logique, de la science, de la lucidité. Si nous ne sommes pas d’accord avec eux, c’est simplement parce qu’on a beaucoup trop d’empathie et qu’on écoute trop nos sentiments. C'est ces mêmes sentiments qui obscurcissent notre esprit critique et nous empêchent de prendre les meilleures décisions pour le bien de la patrie.

De l’autre côté, à gauche, il semblerait qu'on ait abandonné l'idée de débattre de ce genre de question, et ce pour plusieurs raisons :

  • Tout d’abord, le fait de débattre de cette carte revient à lui donner plus de visibilité et de légitimité, poussant potentiellement plus de personnes à y croire. Ici à terme nous avons pu rigoureusement réfuter l’affirmation de départ. Qu'arrivera-t-il quand l’affirmation sera fausse mais non réfutable ?
  • Ensuite, il n'y a que 24 heures dans une journée. Tout le temps passé à débattre sur le fait que la capacité cognitive des êtres humains est indépendante de leur appartenance ethnique est du temps de perdu sur les vraies questions de justice sociale qui feront réellement avancer les choses.
  • Enfin, descendre sur le terrain de l'extrême droite pour débattre avec elle nous oblige à utiliser, au moins temporairement, ses éléments de langage et sa logique. J’ai tout au long de ce post dû utiliser le concept nauséabond de “race” qui est lui-même une hérésie scientifique. Mais quand bien même la carte serait totalement vraie, est-ce selon le QI qu’on devrait décider d'accueillir sur notre sol ou non ? En acceptant ce débat, ne sommes-nous pas déjà dans une position de compromis à l'égard de nos valeurs ?
Illustration 5
Débat autour du * droit à l'islamophobie * sur CNews.

Malgré tout, je pense que ce genre de discussion reste absolument vital et nécessaire. Je suis malheureusement en contact avec de plus en plus de jeunes en France qui s'identifient de manière croissante aux idées d’extrême droite glamourisées entre autre par les youtubeurs type Papacito, Le Raptor, Julien Rochedy etc.. Chaque semaine, on peut les entendre enchaîner les contre-vérités sans jamais avoir de vis-à-vis ou devoir se soucier de justifier de l’exactitude de leur propos. Et pour leur audience, si on ne débat pas avec eux sur ces questions là et qu'on les ignore, c’est simplement parce qu’au fond on sait qu’ils disent les vérités fâchent.

Je pense donc que nous avons tout à gagner à dialoguer avec leur public. Finalement, ils ne sont que le reflet d'un pays où 4 votant sur 10 votent extrême droite et où une condamnation pour incitation à la haine raciale peut aboutir à une candidature présidentielle. La culpabilisation et la moralisation de ces jeunes ne fera que les repousser vers le camp qui les accueille à bras ouvert en les assurant qu'ils sont parfait comme ils sont.


Merci mais non merci


Cependant de mon côté, j’ai décidé il y a quelques temps que je ne ferais plus ce travail de pédagogie dans ma vie privée. 

Je ne peux plus me permettre de donner autant de mon temps à expliquer à des potes que ma communauté, au même titre que toutes les autres, mérite d’être considérée avec dignité et respect. Je ne peux plus continuer à devoir prouver à des amis que ce que j’ai pu vivre était du racisme ou de l’islamophobie, pas juste moi qui exagère qui voit le mal partout et me victimise

Notre entourage, nos potes, nos amis, sont là pour nous témoigner de la bienveillance, du soutien et de l’écoute. Pas pour nous imposer une charge raciale supplémentaire.

Il a probablement fallu 13 secondes au pote de mon frère pour faire une recherche google et envoyer la carte du QI dans leur conversation de groupe pour rigoler de l’idée que sa race pouvait potentiellement être supérieure à la nôtre. Il m’a fallu plusieurs dizaines d’heures de recherche et un diplôme en statistiques pour réussir à prouver rigoureusement que cette carte était fausse.

Il existe encore une bonne centaine de cartes, de memes, de raccourcis et de propositions nauséabondes que ce pote pourrait éventuellement renvoyer. Pour rigoler hein. Et le fardeau de la réfutation argumentée nous reviendra systématiquement. 

Là où de son côté ce pote peut se permettre d'argumenter avec détachement et légèreté sur l’impact néfaste de notre présence sur le sol français (pas moi et mon frère bien sûr, nous on est les bons arabes pas comme les autres), de notre côté nous, nous devons argumenter pour la légitimation de l’existence de notre communauté en tant que Français.

Cette asymétrie dans le débat est caractéristique des interactions entre oppresseurs et opprimés. Un millionnaire peut argumenter avec détachement et légèreté sur le fait que le SMIC est déjà bien trop haut. Un sexiste peut argumenter avec détachement et légèreté sur le fait que les femmes exagèrent quand même beaucoup sur ces histoires d’agressions sexuelles. Un homophobe peut argumenter avec détachement et légèreté sur le fait que les familles homoparentales représentent un déclin civilisationnel. 

Mais de l’autre côté, les enjeux sont capitaux, parfois même vitaux.

J’ai donc fini par décider que je n'avais plus besoin de ce genre d'interactions au sein de ma vie privée, ce qui implique de faire le ménage, souvent à contre-coeur. J’espère que mon frère fera éventuellement ce choix là un jour.

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