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Billet de blog 26 octobre 2011

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Les micro ARN : un pavé dans la marre des OGM ?

Je ne suis pas un anti OGM ; ceci dit, un article parut récemment dans une revue prestigieuse devrait faire avancer sérieusement le camp des adeptes du principe de précaution.

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Je ne suis pas un anti OGM ; ceci dit, un article parut récemment dans une revue prestigieuse devrait faire avancer sérieusement le camp des adeptes du principe de précaution. L'article n'a pas eu beaucoup d'echo dans la communauté scientifique pour l'instant. L'article montre que les gènes des organismes que l'on mange peuvent modifier notre fonctionnement.

1- Contexte

L'article concerne les microARN que l'on digère et il me faut un peu de place pour l'expliquer. L'administration d'une cellule vivante est divisée (moléculairement parlant) entre une banque de données et des travailleurs. La banque de données (une sorte de disque dur de la même capacité qu'un DVD pour les humains) est appelé ADN. Les travailleurs sont appelé les protéines. Tout le fonctionnement extrémement complexe d'une cellule est effectué ou dirigé par les diverses protéines (les cellules humaines ont environ 25000 protéines différentes). L'ADN peut être vu comme un immense manuel dont chaque page contient les instructions pour fabriquer une protéine particulière. Ces pages sont appelées les gènes. Certaines protéines "lisent" certaines pages (gènes) et construisent les protéines correspondant à ces pages. Bien que l'ADN humain contienne 25000 gènes, à chaque instant, dans une cellule, on ne peut trouver qu'un petit nombre de protéines effectivement construit, est c'est l'ensemble de ces proteines en activité qui détermine le fonctionnement d'une cellule. C'est pour cela que les cellules de foie, de l'oeil ou de la peau, bien que possédant exactement le même ADN, ont des activités si différentes.

En 1960, Jacob et Monod ont fait une découverte fondamentale : entre l'ADN et la protéine, on passe par une étape intermédiaire qu'on appelle l'ARN messager. Il faut voir ces derniers comme une photocopie des pages intéressantes et précieuses du manuel (des gènes donc) qui est jeté à la poubelle une fois la construction de protéines achevée.

Pendant longtemps, l'ARN paraissait comme le parent passif et pauvre de l'ADN et de la protéine. Au fur et à mesure que nos connaissances ont progressé, l'ARN a pris une place de plus en plus importante et certains ont même envisagé que le monde vivant ait commencé par ces molécules. Depuis la fin des années 1990 l'ARN a aquis le statut d'une molécule centrale à travers la découverte des microARN. On s'est rendu compte que certaines pages du manuel (des gènes) ne contenait pas des instructions pour construire des protéines, mais pour construire des petits ARN qui n'étaient pas une étape intermédiaire, mais le produit final. Le rôle de ces ARN est de controller la production d'autres proteines. Par exemple, si le microARN A est produit, alors la protéine B n'est pas produit.

2- L'article en question.

Dans leurs article, la vingtaine de chercheurs chiniois qui sont co-auteurs démontrent la chose suivante : contrairement à ce qu'on pensait jusque là, quand on mange quelque chose, les microARN de la chose mangée ne sont pas dégradés lors de la digestion, mais certains trouvent leurs chemins vers l'intérieur de nos cellules. De plus, les microARN des autres espèces que l'on mange peuvent avoir un rôle dans le contrôle de la production des protéines dans nos cellules.

Voilà deux dogmes brisés d'un seul coup. Concrétement, ces chercheurs ont trouvé dans le sang des humains (chinois) énormément de microARN. En séquençant ces ARN, ils se sont rendu compte que certains de ces microARN provenaient du monde végétal, et ils ont tracé un de ces microARN au riz. Ces microARN ont donc été dans nos cellules (de foie) à un moment ou un autre et sont passés de ces cellules dans le sang ensuite. Ils ont démontré cela sur des souris. Ils ont ensuite démontré que ce microARN étranger (le riz étant une espèce très différente de l'humain ou de la souris) peut controller la production dans les cellules de la souris d'une classe importante de proteine qu'on appelle des LDL, reponsable du transport du gras (comme le cholestérole) dans le sang.

3- Conséquence.

L'article peu paraître très technique, mais sa portée est très grande. Premièrement, on croyait jusque là que les gènes que l'on ajoute au patrimoine de nos plantes n'ont aucune conséquence directe chez nous, puisque tout le matériel génétique est dégradé et digéré quand on mange. Deuxièmement, ces gènes provenant d'une espèce très loin de nous ne pouvait avoir un rôle de régulation chez nous. Ce sont ces deux croyances que cet article vient de briser. Certes, on n'ajoute pas (encore) des séquences codantes pour des microARN dans les OGM; ceci dit, cela démontre que le matériel génétique que l'on mange n'est pas forcément dégradé. On mange du riz depuis très longtemps et nous savons à priori qu'il n'est pas nocif pour nous. Mais qu'en est il des gènes que l'on apporte des autres espèces lointaines que nous ne connaissons pas (evolutionnairement parlant) ? Nous manquons de recul pour avoir une réponse à cette question.

[Note : je suis Directeur de Recherche au CNRS. L'article contient beaucoup de simplification, que les experts ne s'en offusquent pas].

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