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Billet de blog 1 janvier 2017

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Résolution pour 2017 : non au duel Fillon-Le Pen, ayons de l'audace politique !

Le 21 avril 2002, la crise économique et le terrorisme ont conduit à un fatalisme électoral et politique. Le peuple doit re-saisir le sens de sa souveraineté et retrouver de l'audace politique.

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Depuis le 21 avril 2002, la présence au second tour de l'élection présidentielle du candidat du Front National pèse sur le débat politique telle une épée de Damoclès. Notre régime présidentiel, avec un président élu au scrutin majoritaire à deux tours, se retrouve perturbé par ce qui est perçu comme une fatalité. Depuis l'élection présidentielle de 2007, la notion de vote utile est ainsi apparue et a remplacé en partie le vote d'adhésion. Elle a même gagné les scrutins locaux, comme lors de l'élection régionale de 2015, saisie par le spectre de régions gagnées par le Front National. Cette fatalité vécue comme nécessité a deux conséquences majeures : la question du meilleur adversaire face à Marine Le Pen passe avant celle des programmes pour 2017-2022 (cela a conduit par exemple des électeurs de gauche à venir voter à la primaire de la droite, car voter à cette primaire reviendrait à voter pour le prochain président de la République) et le vote est fait en fonction des sondages indiquant quelles sont les personnes qui seraient les plus fortes face à Marine Le Pen et non en fonction de la proximité avec les candidats.

La crise économique de 2008, qui a réduit les marges de manœuvre des politiques menées lors des quinquenats de Nicolas Sarkozy et François Hollande, a renforcé la place protubérante de l'économie dans le débat politique. Les politiques d'austérité se sont imposées comme une nécessité, remplaçant les débats contradictoires. Une certaine résignation s'est emparée des esprits : "de toute manière les générations à venir vivront moins bien que nos grands parents, de toute manière nos acquis sociaux seront réduits, l'âge du départ à la retraite repoussé".

Les attentats qui terrorisent la France depuis 2015 ont ajouté le sécuritarisme à ce fatalisme ambiant.

Cette triple résignation, électorale, politique et sécuritaire, imposerait François Fillon comme prochain président de la République, c'est-à-dire le candidat d'une plus grande austérité et d'un extrême conservatisme (n'a-t-il pas accepté le soutien de "Sens commun", dont la porte parole s'affiche à côté de Marion Maréchal-Le Pen ?).

Toutefois, d'autres peuples nous ont montré cette année qu'ils pouvaient déjouer les sondages, déjouer les règles politiques, retrouver leur souveraineté. Les Autrichiens, les Centrafricains, les Islandais, ont ainsi élu en 2016 des candidats sans étiquette et que les pronostics ne donnaient pas nécessairement vainqueurs. Cela a également été le cas lors de la primaire de la droite qui a désigné François Fillon, candidat inattendu. D'autres ont saisi l'importance de chaque voix comme lors du vote en faveur du Brexit ou de l'élection par les grands électeurs de Donald Trump. Au Royaume-Uni, certains électeurs ont affirmé avoir voté "pour" le Brexit sans être véritablement "pour" mais voulant réduire l'ampleur de la victoire du "contre" sans être tout à fait "pour". Aux Etats-Unis, même si le vote populaire était en faveur d'Hillary Clinton, l'abstention de sympathisants démocrates pensant qu'Hillary Clinton serait élue a probablement permis au populiste de l'emporter. Ces exemples nous rappellent qu'en démocratie que chaque voix est égale à une autre et qu'il vaut mieux voter en fonction de  ce que l'on pense plutôt qu'en fonction du résultat attendu.

Il n'y a pas de nécessité ou de fatalisme politique. Sont élus en démocratie ceux qui remportent le suffrage majoritaire. La météo est subie, elle est vécue, mais le politique se crée. Cessons de penser que nous subirons le résultat de la prochaine élection présidentielle. Certes le scrutin majoritaire à deux tours n'est peut-être plus adapté à une vie politique qui n'est plus bipartite, mais il n'est pas impossible d'avoir le traditionnel duel "candidat issu de la primaire de la gauche" - François Fillon, comme il est tout à fait possible d'avoir un duel entre deux personnes parmi le "candidat issu de la primaire de la gauche", Emmanuel Macron, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon ou un autre candidat qui se démarquera lors des débats. Une première depuis la naissance de la Vème République, le président sortant ne sera pas a priori candidat à un second mandat. Il n'y aura donc pas de vote sanction contre le sortant comme c'est traditionnellement le cas, vote qui avait entrainé la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012. Tout est donc possible : une victoire de la droite comme comme en 1995, où la droite a succédé à la gauche à la présidence, ou une victoire de la gauche comme en 2007, où la droite avait succédé à la droite, ou encore une élection surprise comme cela a été le cas dans d'autres pays.

Choisissons lors de la primaire de la gauche non pas celui ou celle qui aura le plus de chance de gagner mais celui ou celle qui est le plus proche de nos idées, et surtout celui qui candidatera sur un programme plutôt que sur une posture. Et celui ou celle qui sera désigné aura d'autant plus de force lors de l'élection présidentielle. La personne qui gagnera l'élection présidentielle sera celui ou celle qui aura dé-montré un attachement à un large éventail de valeurs, au-delà des sphères économique et sécuritaire. La personne qui gagnera sera celui ou celle qui aura l'audace de combattre la résignation, et qui non seulement aura des propositions économiques originales mais qui en aura aussi dans les domaines du pacte citoyen, de la solidarité, de la culture, de l'éducation, de l'énergie et de l'Europe. Le Front National veut faire croire qu'il a cette audace, alors que son programme ne conduit qu'au repli, à l'exclusion de la France du reste du monde. Aux autres candidats de dé-montrer qu'ils ont véritablement de l'audace politique. De plus, la personne qui gagnera sera celle qui aura su fédérer ou dialoguer avec d'autres candidats avant même le premier tour, ce que Marine Le Pen ne sait pas faire et ce que François Fillon a du mal à faire avec le centre.

Mais surtout les Français sortiront plus fort s'ils abandonnent le fatalisme et la résignation électorale, économique et sécuritaire, s'ils ne votent pas en pensant que le résultat du vote est déjà acquis avant même le premier tour mais qu'il dépend de chaque voix. Et surtout, de se rendre compte que le vote pour un programme plutôt qu'un autre a des conséquences très différentes sur leur quotidien.

Disons "non" au duel Fillon-Le Pen pour 2017 ! Ayons de l'audace politique !

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