Voici longtemps déjà que l’hymen n’existe pas. En effet, Ambroise Paré (env. 1510 – 1590) et Andréas Laurentius (1558-1609) auraient, d’aprés la version anglophone de wikipédia, affirmé que l’hymen est « un mythe primitif, indigne d'une nation civilisée comme la France"". (1)
L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, éditée entre 1751 et 1772 sous la direction de Denis Diderot et Jean le Rond d’Alembert disponible en ligne (2), comprend comme il se doit un article sur l’hymen qui confirme que de nombreux anatomistes et non des moindres ont dès le XVI ème siècle affirmés que l’hymen est un pur fantasme. L’article hymen de l’Encyclopédie est signé DJ, pour Louis de Jaucourt (3), un des principaux rédacteurs avec quelques 17 000 contributions dont une bonne part touchent aux questions médicales.
Il est complété d’une note signée H.D.G, auteur que je n’ai su identifier mais dont la participation semble avoir pour but d’égarer le censeur potentiel en délayant le propos subversif dans un discours plus consensuel du moins en apparence car il recèle un second degré dès lors que l’on examine attentivement le texte.

Louis de Jaucourt, médecin, philosophe, écrivain, encyclopédiste (1704-1779)
Wikipédia
L’article de Jaucourt part de l’étymologie du mot qui signifie membrane en grec. Pour autant il signale une controverse datant des débuts de l’anatomie en Europe et qui se prolonge encore au moment de l’écriture de l’article. Ainsi donc pour Winslow (1669 - 1760) l’hymen est un cercle membraneux qui borde l’extrémité antérieur du vagin dans les vierges, surtout dans la jeunesse et avant les règles. Ce repli membraneux plus ou moins large, plus ou moins égal quelque fois semi lunair, laisse une très petite ouverture dans les unes, plus grande dans les autres mais rendant pour l’ordinaire l’orifice externe du vagin généralement plus étroit que le diamètre de sa cavité. (...)Il se rompt presque toujours par la consommation du mariage, mais il se détruit immanquablement par l’accouchement ; & pour lors il n’en reste plus rien, ou seulement des lambeaux irréguliers, qu’on nomme caroncules myrtiformes, à cause de quelques ressemblances avec des feuilles de myrthe. On ne trouve point, ajoute-t-il ces caroncules dans les jeunes filles véritablement pucelles ; on ne les trouve que dans les adultes, parce qu’elles sont formées par le déchirement des cercles membraneux. » (p 926-927, tome 17, année 1782)
Cette description correspond assez bien à celle encore en cours dans le Larousse en ligne (4) et (5). Quant au site grand public doctissimo il n’a pas jugé bon d’inclure le mot hymen dans son dicosexo, onglet anatomie et il faut se contenter d’un article « certificat de virginité » (6), c’est tout dire. Bien sûr le site abrite un certain nombre d’articles traitant de l’hymen (voir à titre d’exemples les notes 7 et 8) pour autant les informations contenues restent le plus souvent du niveau de celles distribuées par Winslow au XVIIème siècle.
Le chevalier de Jaucourt rend compte avec davantage de hardiesse des travaux en notant page 927 « Mais d’un autre côté, de très grands maîtres de l’art, aussi fameux qu’accrédités, Ambroise Paré, Nicolas Maffa, Dulaurent, Ulmus, Pineau, Bartholin, Mauriceau, Graaf, Palfyn, Dionis & plusieurs autres, soutiennent nettement et fermement, que la membrane de l’hymen n’est point une chose constante et naturelle au sexe, & qu’ils se sont assurés, par une multitude d’expériences, de recherches & de dissections, que cette membrane n’existe jamais ordinairement. Ils avouent seulement qu’ils ont vu quelquefois une membrane qui unissoit les protubérances charnues, nommées caroncules myrtiformes, mais ils sont convaincus que cette membrane étoit contre l’état naturel. »
Autrement dit la description de ces anatomistes correspond peu ou prou à celle des dernières recherches (voir à ce propos mon premier billet). Jaucourt dans le style employé ( de très grands maîtres de l’art, aussi fameux qu’accrédités) nous indique qu’il n’est pas tout à fait neutre et qu’il penche pour cette interprétation.
Il s’étonne par la suite : « Cette contrariété d’opinion de maîtres de l’art dans un fait qui ne paroit dépendre que de l’inspection, répand la plus grande incertitude sur l’existence ordinaire de la membrane de l’hymen, & nous permet au moins de regarder les signes de virginité qu’on tire de cette membrane, non seulement comme incertains, mais comme imaginaires & frivoles ».
Jaucourt indique peu après que les anatomistes qui considèrent l’existence de l’hymen comme une anomalie en ont pourtant observés un certain nombre de cas (information qui reste valide aujourd’hui avec obstruction totale ou partielle du vagin par une membrane, voir à titre d’exemple la note 9). Il fini l’article par l’évocation distrayante de complications d’accouchement liés à des hymens qui tout en permettant l’écoulement des règles et la conception bloqueraient le « canal de la pudeur » empêchant la sortie du bébé.
La note de H. D.G qui se veut un complément au point de vue des anatomistes affirmant l’existence de l’hymen chez toutes les filles comporte de nombreux passages savoureux.
« Cette membrane est attachée à la seule espèce humaine, les femelles des animaux n’ont rien qui lui soit analogue. » A cette observation dont on se demande si elle n’est pas donnée pour semer plus encore le doute il donne à la page suivante cette explication. « On ne peut se refuser à l’idée que l’hymen a été accordé à la vierge humaine seule pour que son époux puisse être assuré de sa chasteté, & qu’il y trouva un gage de la bonne conduite future de son épouse. » Autrement dit Dieu le Père, conscient de la crainte masculine d’être ou de devenir un cocu cocué (10) aurait créé tout exprès une particularité chargée d’apaiser cette angoisse existentielle propre à l’espèce humaine. Avant d’enchaîner :« Une fois corrompue, elle peut l’être avec plus de facilité à la faveur du mariage qui palliera les fautes. » Ainsi donc le mariage en ôtant la crainte de tomber enceinte faciliterait les relations illégitimes entraînant le doute sur l’identité paternelle.
Faisant échos aux interrogations de Jaucourt sur la « contrariété d’opinion » il affirme que longtemps peu de corps ont été disséqués « & et que l’on étoit réduit presque généralement à des corps suppliciés ; une femme criminelle est rarement vierge » Au contraire « Dans notre siècle, les occasions de disséquer des corps humains sont beaucoup plus fréquentes : on dissèque beaucoup d’enfants, et tous les anatomistes se sont réunis à rétablir l’existence de l’hymen. »
Et l’auteur de nous conter que l’hymen est plus résistant et plus enclin à saigner abondamment chez la vieille fille décrépie que chez la vestale dans la fleur de l’âge : « Ce n’est pas non plus un préjugé que la coutume très ancienne par la quelle on constate la virginité de la jeune fille avant son mariage. Ce signe doit se trouver plus copieux, même après vingt ans, parce que l’hymen résiste davantage & ne cède qu’à la violence » Puis vient une description de l’hymen chez la fille vivante induisant que peut-être les filles mortes n’ont pas la même forme, un hymen plein d’un humour qui aurait pu ravir Pierre Desproges puisqu’il fini en « deux cornes de croissant », cornes dont pourtant sa présence devait garantir l’heureux galant.
Parfois même la jeune femme « conserve son hymen sans conserver sa virginité & s’est trouver grosse » indication qui met sérieusement à mal le concept de preuve de virginité qu’H.D.G semble développer, précisant un peu plus loin que l’examen des caroncules ne permet pas plus de deviner si la jeune femme est vierge ou non.
Le docteur O. Chevrant Breton qui écrit au XXIème siècle sur le site Doctissimo (11) n’a pas eu l’occasion durant ses humanités de consulter l’Encyclopédie des Lumières, c’est sans aucun doute pourquoi il nous parle le plus sérieusement du monde de certificat de virginité. Assurant doctement : « Le diagnostic de rupture hyménéale est assez facile par un gynécologue entraîné. Rappelons qu'il existe des hymens intacts qui ont été franchis par un sexe ou par deux doigts. » Autrement dit le médecin pourrait repérer une rupture mais une absence de rupture ne saurait être un signe fiable de virginité. En la matière madame Irma auscultant savamment les entrailles d’un poulet peut se faire une opinion tout aussi spontanée que documentée.
Voilà qui donne envie de conclure qu’en matière d’hymen
Plus mon Denis Diderot que Doctissimo
Plus mon Ambroise Paré que mon médecin de quartier
Car, en effet, des anatomistes mettent en doute l’existence de l’hymen dès le XVIème siècle. Si au XVIIIème siècle la même liberté de ton ne semble plus de mise, les encyclopédistes réussissent fort bien à passer outre pour semer le doute et moquer les signes « imaginaires et frivoles » perçus par une partie de la profession. A la fin du XXème et début du XXIème siècle les médecins évoquent l’hymen et la virginité avec les mêmes oeillères culturelles que les médecins de l’époque moderne. Pour autant leurs observations sont troublées par des préjugés dont savaient se départir un Ambroise Paré au XVIème siècle et leurs affirmations dénuées de doute, de modestie et d’humour restent en deçà de l’esprit des Lumières. C’est ainsi que l’hymen « du grec, membrane, que l'on tire d'un radical, qui se trouve dans le latin suere, coudre, et dans le grec, tissu. » continu d’être cousu conformant artificiellement le corps féminin aux fantasmes. «Celle tunique que l'on appelle hymen ou pannicule virginal (PARÉ I, 34) sur laquelle ils brodent au propre comme au figuré au nom d’une virginité dont elle serait le suaire.
— Ils cuident qu'il n'y a nulle vierge qui n'aye ladite hymen, qui est la porte virginale, mais ils s'abusent (PARÉ XVIII, 49) (12). Je dirai même plus : ils abusent à tant nous abuser, les buses !
(1) http://en.wikipedia.org/wiki/Hymen, paragraphe Modern perspective :
“As early as the late sixteenth century, Ambroise Paré and Andreas Laurentius asserted to have never seen the hymen and that it was "a primitive myth, unworthy of a civilized nation like France."” Soit "Déjà à la fin du 16éme siècle, Ambroise Paré et Andreas Laurentius ont affirmé ne jamais avoir vu l'hymen et ont dit qu'il s'agissait "d'un mythe primitif, indigne d'une nation civilisée comme la France""
Malheureusement la source exacte de la citation manque.
Merci à Jacob de la liste féministe Netfemmes qui a relevé et traduit ce passage et à Stéphanie Saint Amant qui me l’a communiqué sur la liste publique Re-Co-Naissance en juin 2008 http://fr.groups.yahoo.com/group/Re-Co-Naissances/
J’ai trouvé les dates de Laurentius sur le site :
http://web.uvic.ca/~mbest1/ISShakespeare/Resources/WorldView/humours.html
(2) http://books.google.se/books?ct=result&id=Rh0PAAAAQAAJ&dq=hymen+mauriceau&jtp=925
(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Encyclop%C3%A9diste
(4) http://www.larousse.fr/ref/medical/hymen-_13664.htm
Membrane séparant le vagin de la vulve, qui se rompt lors des premiers rapports sexuels. L'hymen est normalement perforé au centre pour permettre le passage du sang menstruel. Mais il est parfois de forme différente : réduit à une collerette, fendu ou criblé de petits orifices. C'est une membrane très souple qui se distend aisément ; c'est pourquoi sa valeur comme signe de virginité est relative. Déchiré lors des premiers rapports sexuels (défloration), l'hymen se rétracte en formant à l'entrée du vagin de petites excroissances, les lobules hyménéaux. Après le premier accouchement, ces lobules se modifient et prennent le nom de caroncules myrtiformes.
L'imperforation de l'hymen entraîne une accumulation du sang menstruel dans le vagin, appelée hématocolpos, qui nécessite une perforation chirurgicale de la membrane afin que le sang puisse s'écouler.
(5) et http://www.larousse.fr/ref/MEDICAL/defloration-_12407.htm Chez la vierge, l'orifice vaginal n'est qu'incomplètement oblitéré par l'hymen.
La défloration entraîne une douleur habituellement supportable, parfois absente, et un saignement, généralement peu abondant.
Après la défloration, l'orifice vaginal est bordé de lobules hyménéaux, vestiges de l'hymen. Après un premier accouchement, ceux-ci sont appelés caroncules myrtiformes. Certains hymens, très souples, permettent la pénétration sans se déchirer.
(6) http://sexe.doctissimo.fr/dictionnaire/definition-certificat-de-virginite.htm
(7) http://www.doctissimo.fr/html/sexualite/education/se_1359_org_fem.htm
Une membrane fragile : l'hymen
Très variable, selon les femmes, l'hymen peut même être totalement absent. Au premier rapport sexuel, soit il se déchire, ce qui provoque un léger saignement et une faible douleur, soit il se distend. Mais il peut aussi se déchirer lors d'efforts sportifs. Perforé au centre, il laisse passer le flux menstruel. La rupture de l'hymen s'appelle la défloration.
Dans certaines cultures, le mari peut répudier sa femme si, le jour de ses noces, son hymen n'est pas intact, sous prétexte qu'elle n'est plus vierge ! Du fait de la variabilité de l'hymen, pourtant, il ne peut être attesté par sa présence ou son absence que la jeune fille a connu une pénétration vaginale.
Le vagin est séparé de la vulve par l'hymen, un petit repli de la muqueuse. Symbole de virginité, l'hymen peut cependant être distendu par certaines activités sportives ou le port de tampons, c'est pourquoi le premier rapport ne s'accompagne pas toujours de douleurs et de saignements caractéristiques de la rupture de l'hymen. Pour en savoir plus sur l'hymen, découvrez notre article "Toutes les filles ont un hymen".
(9) http://www.medicalforum.ch/pdf/pdf_d/2003/2003-44/2003-44-044.PDF hymen imperforé: diagnostique négligé à la naissance, urgence chirurgicale à l’adolescence, travaux menés à Bangui (collaboration entre les services pédiatriques et gynécologiques)
(10) http://dictionnaire.sensagent.com/cocu/fr-fr/
(11) http://www.doctissimo.fr/html/sexualite/mag_2001/mag0119/se_3402_hymen2_02.htm