Barnabe 1878

Abonné·e de Mediapart

3 Billets

0 Édition

Billet de blog 27 mai 2024

Barnabe 1878

Abonné·e de Mediapart

Soutien du Président de la République à des Calédoniens... pas si Républicains !

Barnabe 1878

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quand le Président de la République défend une population… pas très républicaine !

 Je ne vais pas revenir sur toute la stratégie et manquements Macronistes ni sur toutes les bonnes raisons des indépendantistes qui ont conduit à la situation actuelle dans ce « Pays en voie de décolonisation » qu’est la Nouvelle-Calédonie-Kanaky.

D’autres l'écrivent et l'ont écrit bien mieux que moi depuis 36 ans.

 Ce que je souhaite partager ici, ce sont les propos et l’état d’esprit de ces « gens là ». Ceux qui attendaient de la République qu’elle rétablisse un droit de vote « normalisé » et aujourd’hui attendent « le retour à l’ordre et l’état de droit ».

Ceux qui suivent Metzdorf et autres Backès.

Ceux qui, pour 25.000 bulletins de vote, espèrent que l’Etat ne « baissera pas son pantalon » (dixit leurs propres mots), au risque que nous rentrions de nouveau dans une guerre civile aux issues aléatoirement violentes.

Arrivé ici en 2011, je m’y suis toujours senti un peu comme Lee Anderson, le personnage de « J’irai cracher sur vos tombes ».

Non-pas pour la soif de vengeance de ce personnage de fiction, mais pour sa situation qui lui permet d’entendre (et subir) sans filtre les propos les plus racistes et abjectes des « blancs », catégorie suprémacistes.

A l’encontre des noirs américains dans le roman de Vian, et à l’encontre des Kanak dans ma vie quotidienne à Nouméa.

Des exemples ?

  • « Moi je te les regrouperai là, sur leur place des cocotiers, et on réglerait ça à coup de mitraillettes une bonne fois pour toutes ! », m’a-t-on confié, aussi spontanément que tranquillement, alors que je faisais la queue devant la boulangerie du centre-ville de Nouméa (totalement épargné de toute violence).
  • « Il suffirait de boucler Saint-Louis (Tribu du Sud de Nouméa) et de balancer 2-3 tonnes de napalm : ça les calmerait ! », me dit-on au court d’un bref échange avec un voisin alors je souligne que nous sommes très chanceux de n’avoir aucun problème sur notre quartier.
  • « C’est du Terrorisme ! Macron doit nous envoyer 20.000 mecs et nous débarrasser de tout ça au lieu de les inviter à discuter », entends-je en passant devant une barricade de protection du quartier, tenue par des « blancs » cagoulés comme des malfrats… de bons pères de familles sans doute ?!
  • « Nous sur notre barrage on attend qu’un truc : c’est qu’ils viennent par ici pour les buter ces cafards », me lance un autre « gardien » de barricade de protection quand je lui demande s’ils ont eu des tentatives d’intrusion depuis le début des violences.
  • « De toutes façons on pourra jamais s’en sortir avec eux : ce sont des sauvages », me rétorque-t-on alors que je ne fais que dire mon inquiétude pour les habitants des quartiers lourdement impactés.

Ils sont beaucoup plus proches du Ku-Klux-Klan que de nos valeurs Républicaines « Liberté, Egalité, Fraternité », non ?!

Ils se sont enfermés entre eux, et quand ils ne gagnent pas des millions au détriment du ré-équilibrage théorique des Accords, ils se gargarisent d’être les investisseurs et l’intelligencia du pays… sans jamais avoir vécu la moindre expérience du monde Kanak.

Pas un de ceux-là n’a fait la Coutume : pourquoi s’abaisser losqu’on est le Dominant ?!

La plupart n’a jamais été au-delà de Bourrail, a éventuellement fait un tour aux Îles dans les hôtels 5 étoiles, et joue surtout avec les mesures fiscales pour en déjouer le sens.

Ils n’ont évidemment pas lu une ligne des Accords de Matignon ni de Nouméa, ne regarderont jamais un.e Kanak comme un.e des leur, et ont en revanche acheté plusieurs fusils, « au cas où » ! (pas pour chasser le cerf !)

Voilà leur façon de « vivre ensemble » : s’enrichir en ignorant, voire en exploitant l’Autre. Et si ce dernier se rebelle, alors il faut le détruire en le disqualidiant de son humanité : "sauvages" hier, "émeutiers" aujourd'hui.

Surtout = ne pas se remettre en question, balayer d'un revers de main le fait colonial et tout ce que cela a détruit et induit.

Enfin, au cas où certain.e.s douteraient de ma vision des choses, le bilan mortel de ces 12 jours d’embrasement va bien dans ce sens : 

  • 3 premiers morts = de jeunes Kanak, tués de sang-froid par des « miliciens » armés venus à dessein (pas pour se défendre : meurtres prémédités de sang froid).
  • 1 gendarme tué d’une balle dans la tête, peut-être par des "émeutiers", mais rien n’est encore établi
  • 1 gendarme qui s’est tué tout seul en caserne (malheureuse mauvaise manipulation)
  • 1 caldoche tué en situation de légitime défense : pour forcer le passage, il tirait au fusil sur des Kanak qui blaquaient une route
  • 1 Kanak tué par un policier alors qu’il était pris à partie avec son collègue, hors service et en civil, profitant d’une ambulance pour passer un barrage : s'il est en garde à vue, c'est avant tout pour sa sécurité...

Si les "émeutiers" détruisent massivement et à tout va des biens matériels, ils ne s’en ont encore jamais pris à des vies civiles, sauf 1 fois en légitime défense… et je n’ai aucun doute sur la sévérité de la Justice le concernant.

En revanche, les gens dont je vous parle, ces « Français » de Nouvelle-Calédonie ont tué, de sang froid, des personnes en raison de leur « ethnie » et non de leurs actes.

Ce ne sont pas que des rumeurs : dans certains quartiers, des "snipers" complètent les groupes de vigilance de quartiers : ils sont sur les toits, en ambuscade comme à Tiendanite, et attendent l'occasion de tirer. La police, les gendarmes, le Haussaire le savent et laissent faire ; sous prétexte "qu'il faut se défendre"...  la peine de mort n'est donc abolie que pour la Justice officielle ?

Pour ces gens-là il ne s’agit pas de défendre un idéal politique, mais de (re)mettre en œuvre une idéologie profondément raciste qu'ils assument spontanément et dans laquelle ils tentent par tous moyens d'entraîner leurs voisins, collègues, amis... et Président de la République.

Ils brandissent à tout-va le drapeau français de 1789, mais en rejettent toutes les valeurs d’humanisme.

Ils parlent de démocratie, mais ont rejeté et rejettent encore toutes les mesures des Accords de Matignon et de Nouméa, pourtant largement acquises par référendum.

Ils disent être d’ici, mais n’ont jamais fait le moindre pas pour vivre avec le peuple d’origine.

Ils demandent l’intervention de l’armée, mais n’hésiteront pas, comme en 1984-1988, à attaquer nos soldats lorsqu’ils défendront des décisions politiques d’apaisement ou des Kanak auxquels ils veulent faire la peau.

Car c’est bien de cela qu’il est question ici pour une partie non-négligeable de la population : débarrasser ce Territoire Océanien des Kanak.

« Faire le ménage ».

« Dératiser » peut-on entendre ou lire sur les réseaux sociaux.

… Et ENFIN profiter pleinement de cette île paradisiaque et ses richesses, sans avoir à composer avec ce peuple qui a la mauvaise habitude d’y vivre depuis 3000 ans et demander sa souveraineté depuis 170 ans.

Illustration 1
Une annonce parue sur annonces.nc, équivalent du "leboncoin" local.

Lorsque l’Etat se range du côté de ces gens-là, notre drapeau tricolore me donne la nausée et je n’ai qu’une hâte : demander ma nationalité en Kanaky décolonisée et renier ma nationalité française !

Heureusement nous sommes encore nombreux à résister à cette contamination, et j'ai aussi eu la chance que les premiers "Caldoches" avec qui j'ai échangé étaient des fervents défenseurs de la Kanakytude et du Destin Commun. Sans l'acceptation que la Kanaky fait partie de ce Territoire, il n'y a pas de Destin Commun possible.

Pour finir vers un peu de positif, je vous invite toutes et tous à visionner le documentaire « Tjibaou – Le Pardon » : on y découvre que nous devrions nous inspirer des Kanak pour nous améliorer au lieu de nous acharner à les faire rentrer dans nos cadres aux arêtes tranchantes.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.