1) "Après l'Agésilas, hélas, mais après l'Attila, holà !"
La célèbre pique de Boileau, déplorant les dernières productions théâtrales d'un Corneille au talent vieillissant, m'évoque irrésistiblement les nouilles * (traduction libre de "les news") traitant des dernières vilenies de la France d'en haut.
NB : La France d'en haut, c'est celle qui se lève tard, ne travaille pas dur et vit aux dépens de celle d'en bas, qui fait tout le contraire.
Si l'affaire DSK, a réussi au niveau médiatique,( et ce malgré tous ses aspects sordides ) à gagner la dimension d'une tragédie de bonne facture classique (unité de temps, de lieu, d'action, personnages marqués par le destin, dénouement en coup de théâtre) les abus de pouvoir par des hautes personnalités politiques sur d'autres victimes ancillaires, révélés à la suite de cette affaire, n'auraient pas obtenu une seule voix aux Molières :
"Après l'Agésilas, hélas !" Je veux bien sûr parler des pitoyables histoires de fesses et de pieds (l'utilisation, dans ce cas, du gauche, portant bonheur) qui ont fait perdre son odeur de sainteté au dénommé Tron. Je laisse (à regret ) aux professionnels de la rigolade et des jeux de mots laids le soin d'épiloguer plus avant sur le sujet.
"Après l'Attila, holà !" je veux parler ensuite de cette malheureuse qui a perdu son emploi de vendeuse pour avoir osé plaisanter à propos du gorille de Morano. Certes, il n'est pas question, ici d'avances sordides d'un homme envers une femme, mais du renvoi, par une Maîtresse femme, de la domestique (l'employée) qui a gaffé. Pour justifier le remerciement brutal de l'impudente, Madame la Ministre a eu ce lapsus, révélateur de son angoisse profonde : "quand on a la chance d'avoir un emploi, il faut s'en montrer digne":
Car, et c'est là ce qui l'angoisse en son inconscient quoique peu profond tréfonds, la dignité de Mme Morano, comme sa légitimité à prétendre à son emploi de Ministre, restent désespérément à prouver. En attendant cette improbabilité, tout comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, Mme Morano nous joue du Sartre sans le vouloir...
Depuis "La P. respectueuse" jusqu'à " la célèbre réplique de "Huis clos" :
"L'enfer, c'est les autres". En renvoyant la vendeuse, Morano se renvoie elle-même et elle ajoute "bien fait,!"
2 ) Et si on reparlait un peu de la lutte des classes ?
Voici donc trois cas d'egos pathologiques de politiques haut placés, qui exercent sur leurs employés de service leur folie, leurs vices et leurs tics égotiques en toute impunité, tant qu'on ne les prend pas la main au collet.
Qu'il s'agisse de DSK, de Tron ou de Morano, qu'il s'agisse d'une violence faite à une femme, ou à un homme, par un homme ou par une femme, qu'il s'agisse d'une personne de couleur ou d'un "individu de race caucasienne", comme on dit dans les films américains, c'est la même déviance à l'origine : des "puissants" qui se croient tout permis. Et c'est la même clé à l'attitude incrédule, à la fois anesthésiée et terrorisée de leurs victimes : des pauvres gens qui craignent pour leur emploi.
Le chantage à l'emploi, pour les victimes de Tron, la peur de perdre son emploi, pour la victime de DSK, la vengeance par la privation de l'emploi, pour la victime de Morano. Trois victimes d'un abus de pouvoir exercé par la classe des possédants, sur ceux qui n'ont rien, que leur emploi, pour vivre.
Il ne s'agit cependant pas de mettre les trois criminels présumés dans le même panier :
Ce serait une grande injure faite à DSK, au regard des personnalités et de l'aura politique ectoplasmique des deux autres. Et, pour les deux autres, ce serait une injustice selon la loi, au regard de la gravité des faits.
Mais il s'agit ici de tenter de s'éloigner d'une polémique par laquelle les réactions courroucées, bien compréhensibles, des féministes, ont permis aux bêlants medias d'esquiver le fond du fond du problème. Il s'agit de dénoncer un atavisme bien plus sournois que le machisme ou le sexisme ou la violence ordinaire, mais qui les englobe tous, il s'agit de dénoncer cet avatar du féodalisme qui exige de la domesticité bien plus que le travail bien fait et la bonne tenue du service : qu'elle demeure la race inférieure, muette de respect pour le "maître" qui lui OCTROIE sa subsistance contre les services qu'elle lui rend.
Mais on dirait bien que dans les journaux classiques, "lutte des classes" est un pire gros mot que celui de la une de l'"Equipe" rapportant les propos peu châtiés tenus par Anelka à son manager dans les vestiaires.
3) Néo-colonialisme, quand tu nous tiens : Quand Rama yadait à propos du boubou de Royal
La France a coupé la tête à son roi, mais n'a pas renoncé à faire couper la canne à sucre pour son profit exclusif. la nostalgie féodale "y a plus de domestiques" a été remplacée par le colonialisme rampant. Il y a de nouveau des domestiques, de coulleur ou de pays étrangers. Il est encore plus fatal, pour l'accusé DSK à New York, que la femme de ménage soit noire. En France, cela n'aurait pas prêté à plus de conséquence. Chez nous on n'est pas racistes, meuh non : on trouve normal qu'une femme de ménage porte un boubou ..Mais un voile islamique ? Et que dirions nous d'une femme politique qui porte le boubou ?
Petite piqûre de rappel historique :
Un député UMP stupide (c'est un pléonasme, pour 90% d'entre eux) avait plaisanté à propos du "boubou" de Ségolène Royal, en visite aux antilles françaises, disant d'un ton ironique et fielleux :
" Elle me fait penser à ma femme de ménage"
Aussitôt les ligues de vertu antiracistes s'étaient mises en pétard, et Rama Yade, toujours à la recherche d'existence (déjà ! ) par son blog interposé, s'empressa de s'indigner, disant que sa mère portait un Boubou et que ce n'était pas une tare, qu'elle était très digne au contraire avec son boubou et que bref, bouhoubouh, le député était un vilain, qui avait "traité" Ségolène de femme de ménage.
Je m'empressai alors de lui envoyer un message, sur son blog, pour lui dire que'elle n'avait pas à se mêler de défendre l'honneur de Mme Royal, laquelle était bien au dessus de ces mesquineries-là . Que pour ma part, en tant que socialiste, je ne voyais pas d'insulte à comparer quelqu'un à une femme de ménage ( métier qui avait le mérite d'être utile à la société, suivez mon regard), et que je supposais que Mme Royal, en tant que socialiste, l'entendait sans doute ainsi, même si la saillie, venant d'un député UMP était évidemment bien mal intentionnée.
J'ajoutais que Mme Yade aurait mieux fait de protester pour défendre la dignité de toutes les femmes de ménage, avec ou sans boubou, qu'elles soient blanches ou de couleur. Et que voulant faire preuve de grandeur d'âme et de générosité envers madame Royal en défendant le port du boubou comme un attribut "noble", versus le travail dévalorisé des femmes de ménage, elle ne faisait qu'enfoncer un peu plus le couteau dans la plaie des inégalités de sexe, de statut social mais aussi, quoi qu'elle en dise, de couleur.
Evidemment, mon laïus n'a pas été publié et le blog ramayadesque a, d'ailleurs, rapidement fermé.
Je suppose que cela n'étonnera personne.