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Billet de blog 12 août 2010

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Panem et circenses

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L'empereur marchait de long en large, le front soucieux, la moue crispée, le corps agité de tics innombrables. Autour de lui, le silence s'était fait.

Chacun savait qu'une réponse qui ne le satisfairait pas pouvait le faire entrer dans une fureur noire. Mais chacun savait aussi que si personne ne répondait à la question qu'il venait de poser, il entrerait également dans une fureur noire. Il y avait urgence. En évitant soigneusement de se regarder les uns les autres, les courtisans attendaient que le plus courageux se jette à l'eau. Il fallait absolument trouver quelque chose.

Roselyne se tortillait sur sa chaise, mal à l'aise, boudinée dans son tailleur fuschia. Nadine tentait en vain de donner à son front exigü un air d'intelligence. Brice, n'osant plus bouger, se tenait debout sur un pied près de la fenêtre, figé, semblable à un vieux marabout sur fond de savane.

Xavier roulait des yeux batraciens, rouge, essoufflé, au bord de l'apoplexie. Eric et Eric, le regard fuyant, feignaient d'observer attentivement l'un sa chaussure gauche, l'autre sa chaussure droite, en un manège symétrique mais bien peu convaincant. François faisait la chattemitte, comme à l'accoutumée, dissimulant sous ses sourcils broussailleux sa haine envers son statut de valet de pied.

L'heure était grave. Gravissime. La corruption du système Cézarkosus éclatait au grand jour, révélation après révélation. Les medias colonisés n'arrivaient pas à empêcher l'information de passer, la colère du peuple grondait.

"Je vous ai posé une question, étant donné ce que je vous paie pour être à mon service, vous pourriez prendre la peine de me répondre", éructa l'Empereur, la voix rauque et sifflante des mauvais jours.

Le silence s'épaissisait.

Finalement ce fut Eric, celui de la chaussure droite, qui se lança. Il est vrai qu'il n'avait plus rien à perdre, le bateau à destination de son exil était en train d'être affrêté.C'est sans doute cela qui lui donna l'idée

" Hum ..Les renvoyer avec des galères ?" hasarda-t-il, d'un ton peu convaincu.

"Excellent !" dit, contre toute attente, l'empereur Cézarkosus !" Voilà qui sera spectaculaire, après la déchéance de Nationalité. On les déchoit, on les rassemble dans un vélodrome et on les envoie aux galères. Et après, la caméra les suit, un soir par semaine, pour voir comment ils se débrouillent pour ramer. On peut aussi, pour pimenter, organiser des joutes entre basanés "

"On pourrait appeler ça coke lantah" pouffa en loucedé le Eric de la chaussure gauche, en bourrant du coude sa voisine Nadine. Mais c'était viser bien au dessus du niveau de tintinologie, entre autres, de la donzelle : "hein, quoi ?"dit elle.

Xavier de son côté essayait en vain de faire rigoler Roselyne en lui glissant à l'oreille que pour rajouter à leur peine, on pourrait leur coller Domenech comme entraîneur.

Mais la joie fut de courte durée : "Pas d'accord" dit François, en prenant son habituel et détestable masque de pisse-froid : "Les galères finiraient par se retrouver dans les zones maritimes des étrangers, et nos vrais coupables présumés de n'être pas français pourraient s'échapper : le jeu perdrait tout son intérêt. "

"Pas faux" dit l'empereur et il ajouta "dommage !".

Mais cette trouvaille, quoique avortée, avait eu le mérite de le radoucir un peu. Il semblait moins énervé. Aussi Brice crut pouvoir impunément se lancer : " Alors .Des combats de cirque, genre gladiateurs, dans l'arène ...." dit-il d'un air entendu."

" Nul !" aboya aussitôt Césarkosus "OK, les vrais gens, ils aimeraient ça, voir les vrais coupables présumés s'entretuer, mais il y a les gladiateurs qui gagnent, survivent, invaincus, et après ça ils deviennent des idoles ! Riches, célèbres, adulés. Tu appelles ça une punition ?

"Ah non ah non" soupira honteusement et hortefeusement Brice, en dodelinant de la tête comme un ânon.

"J'ai trouvé, mes amis ! " s'exclama soudain l'empereur ( il était si content de lui qu'il en oubliait de les traiter de nuls et de les menacer de ses foudres) "On va les faire se bagarrer à la loyale , c'est à dire à mains nues, contre les bêtes sauvages ! ça, c'est un spectacle qui plaira au peuple ! Et qui lui fera oublier nos petits soucis de privilégiés. En plus, ça leur ira bien, à tous ces "

"Il n'y a plus qu'à préparer le sondage du Figaro " dit Roselyne

" Et à dire à TF1 de prévoir les tigres " dit Xavier

"Pour les tigres, on prendra ceux de Fort Boyard, ça l'fait !" dit Nadine, enthousiaste.

" Et on ira en week-end impérial de travail chercher les lions en Afrique et les taureaux en Andalousie "

"Ah non ! Pas les taureaux " dit Roselyne " Y a plein de gens qui sont contre la tauromachie !'

Ainsi fut légiféré et fait : on recensa, on arrêta, on purgea .

Pour la suite, les conseillers de l'Empire envisageaient le pal, la roue et l'écartèlement des étrangers pas français, pour divertir le peuple, mais ce ne fut pas nécessaire. Beaucoup périrent dans les arènes. Ceux qui purent échapper aux rafles s'enfuirent. Quand il n'y eut plus un seul naturalisé ni descendant de naturalisé français demeurant en Césarkozie, il fallut se rendre à l'évidence : le malheur ne venait pas de ces gens là, mais bien de l'Empire lui-même.

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