Lorsque l'annonce tomba, dans les médias, que l'agence Satandard and Poor allait enlever un de ses trois A à la France, on aurait pu, on aurait dû , nous tous, pauvre petits Français, se sentir inquiets, anxieux, malades de trouille à l'idée de ce qui allait bientôt nous tomber sur la tête : une grêle d'impôts pour commencer, et ensuite des services de moins en moins publics, de plus en plus chers et dégradés :
Déjà que Nicolas avait bien commencé la sale besogne, se dire que ça allait aller encore plus mal, et de plus mal à encore pis, il n'y avait vraiment pas de quoi rire ! ....
Mais non, au lieu de se tourmenter sur notre avenir, comme on aurait dû, on riait comme des bossus ! : ..
La France a perdu son triple A, ah ah ah ! Elle est bien bonne, celle-là ..!
Hilares, qu'on était tous ! Enfin presque : au moins 65 % de pauvres petits Français, en tous cas, se bidonnaient, à s'en faire péter la sous-ventrière,
alors qu'ils auraient dû avoir le moral dans les chaussettes,
alors qu'ils auraient dû avoir au moins des chaussettes, où planquer vite fait les dernières économies qui leur restaient, avant que les banquiers vautours ne viennent les dépecer !...
Au lieu de ça :
"La France a perdu son triple A , jouez hautbois, résonnez musettes", entendait-on ça et là, entre deux “ça ira.”
Nom d'un pétard du quatorze juillet, qu'est-ce qu'on rigolait !
Parce que finalement, derrière ce grand malheur, nous, le spauvres petits Français qui n'y comprennent rien à la haute Phynance, on assistait à un numéro de clown, épatant, inoubliable :
Satandard and Poor, avec leurs ciseaux bien affutés, ne se contentaient pas de couper une lettre :
ils taillaient vaillamment, comme de vaillant petits tailleurs qu'ils étaient, dans le tissu du A perdu, une veste à Nicolas !
Une belle veste de mi-saison, parfumée au muguet,
un vrai bonheur prêt-à-porter !
Ah mes amis, quelle liesse ! Nous entamâmes derechef une farandole endiablée ...
Aussi quand la Valoche, ministresse du budget, a rouspété dans le poste que c'était une honte de nous montrer si joyeux devant une telle catastrophe, ça n'a fait que redoubler notre bonne humeur ! Une catastrophe, Nationale, peut-être, mais bon sang, rien que d'imaginer la gueule que devait tirer Nicolas, à ce moment-là, ça valait tous les A perdus, et les B et les C et surtout les Z ,
Z, comme "Zorro n'y est pas arrivé" !
Du coup, même si on supputait assez sérieusement que Satandard and Poor étaient probablement les pires racailles que le monde des requins ait jamais portées, et qu'ils nous mettaient dans une mouise noire, avec leurs notations frelatées, pour un peu, oui, pour un peu, on les aurait presque embrassés !