Contrairement à NS, Hollande n'a aucun talent pour l'art lyrique : sa gestuelle est limitée, sa voix n'est pas dotée de cette basse fréquence qui permet de modeler les sons à sa guise. Ces handicaps devaient normalement le désservir, en particulier pour un grande aria comme le discours d'hier, or, il s'est passé exactement le contraire.
Ne pouvant alterner le mezzo voce avec le forte, c'était "forte", du début à la fin.
Chacun, en particulier à droite, s'attendait à un résultat déplorable, surtout sur une scène à grand spectacle. Enrayements, voix de fausset, couacs, on l'attendait au tournant d'un pied ferme et confiant (surtout à l'Elysée) et pourquoi pas, rêvaient ses ennemis les plus enragés, une extinction de voix ?
Or non seulement tout s'est bien passé, mais tout le monde était sous le charme (sauf évidemment la droite et l'Elysée) malgré le manque patent de décorum vocal. Et pourtant, que d'efforts avaient été déployés pour éduquer l'oreille de la plèbe, matérialiste, ignorante des subtilités de l'art vocal !
Que de belles voix : basses et barytons, ténors et hautes-contre, avaient poussé jour après jour, la chansonnette de geste de la droite au pouvoir, pour justifier la mise en pratique, au bulldozer et à la hache, des pratiques iniques, des arrêtés criminels, des lois scélerates et des taxes insupportables, toutes contestées par une écrasante majorité de cette population décidément dure d'oreille musicale.
Avaient-ils assez modulé, roucoulé, yodelé, ad nauséam, les Fillon, les Baroin, les Copé, les Bertrand, les Chatel, les Morano, bref, les chansonniers du service après-vente de l'Elysée. Avaient-ils assez fredonné, dans les studios feutrés d'une radio dominicale, couplet après couplet, les produits frelatés qu'ils fourgaient à un public de plus en plus mécontent et de moins en moins dupe, malgré la mélodie sirupeuse dont ils enrobaient les paroles brutales.
Pour le refrain, facile, c'était toujours le même : ce que faisait leur Maître était très bien et de toutes façons, la gauche ne savait rien faire.
Il fallait l'entendre pour le croire, comment ces champions du bel canto nous servaient sans sourciller, allegretto, leur O sole mio qui rimait avec Sarko, entre deux airs de la calomnie dirigés contre les"socialos".
Jusqu'à hier, où un petit miracle s'est produit.
A capella, sans costume, sans décor, sans choeurs, sans roucoulades - Pas comme l'autre, qui à force de trilles, de vibratos, de pédale ouah ouah et de da capo, ne sait même plus quelle partition il est en train de lire ! - F.Hollande a réussi ce tour de force de nous faire écouter, avec plaisir et sans ennui pendant une heure et demie, non pas une suite de morceaux choisis, non pas un best of de chanteurs engagés, mais, tenez vous bien, un grand opera de Verdi dans son entier.
Il n'y avait pas une feuille de papier à cigarettes entre l'interprète et l'oeuvre interprétée . C'était comme on dit "brut de coffrage", authentique. Comme une pièce dépouillée d'ornements fait ressortir un objet de prix, le timbre, limité au point qu'on pouvait penser parfois qu'il allait se casser, donnait au discours son sens primordial. L'absence de fioritures, loin d'empêcher l'émotion, la redoublait, et quand, arrivée à ce qu'on pensait être son paroxysme, la voix s'élevait encore et encore, au final, on n'entendait plus rien d'autre, qu'un cri, un grand cri : Le cri vibrant de la gauche meurtrie, vilipendée, décriée, traînée dans la boue, détournée, avilie, volée, salie, par 5 années de cauchemar, cinq années pendant lesquelles le mépris de classe, l'arrogance des parvenus, la loi du plus riche, du plus menteur et du plus cynique avaient régné en maîtres du jeu.
Le cri de tout un peuple oublié retrouvant sa dignité.
Ainsi, portée à sa plus haute densité, cette voix ordinaire, par sa tessiture, mais extraordinaire par l'intensité de l'interprétation et l'authenticité de l'interprète qui faisait corps avec l'oeuvre, ainsi cette voix banale, "normale", a réussi ce dimanche 23 janvier 2012 à restituer dans son intégralité et avec brio : "La force du Destin".