Dix ans après la promulgation de la loi du 11 mai 1998 instaurant le droit au séjour pour les étrangers malades ne pouvant se soigner dans leurs pays d'origine, les médecins, les associations continuent de dénoncer les multiples obstacles que rencontrent les malades en préfecture.
Ces obstacles reflètent l'impact des attaques politiques dont ce droit fait régulièrement l'objet. Cet impact est visible tant dans les dysfonctionnements administratifs que dans les consciences individuelles : véhiculé depuis 2002, le mythe du "faux malade" progresse insidieusement.
Progressivement ce droit au séjour pour raison médicale est devenu, à l'instar du droit d'asile, une variable d'ajustement de la maîtrise des flux migratoires et de la gestion comptable et économique de l'immigration. Au mépris du droit à la santé, en dépit des textes internationaux ratifiés par la France, il a fait, et continue de faire, l'objet d'attaques répétées.
Les dysfonctionnement sont légions : Conditions d'accueil déplorables, suspicion, pièces non prévues par la loi, délais d'instruction improbables, défiance de la préfecture à l'égard du médecin inspecteur de la DDASS, absence de statistiques publiques cohérentes et exhaustives sur les demandes et les titres délivrés.
Nous assistons à une épidémie de refus de renouvellement des titres de séjour pour raison médicale pour des personnes ou l'état de santé est loin de s'être améliorée, à des placements en rétention, à des reconduites à la frontière.
La condition d'étranger malade correspond maintenant à une précarisation induite par l'instabilité administrative et à une entrave à l'accès aux soins.
En Dordogne :
Depuis 2000, la Préfecture a instruit plus d'une centaine de dossiers "étrangers malades".
En 2007, 57 personnes étaient concernées par le droit au séjour pour les étrangers malades dont 9 ont subi une expertise collégiale mise en oeuvre par la DDASS, plusieurs personnes ont été reconduites à la frontière dont certaines avaient un diagnostic de psychose et étaient sous traitement médicamenteux inaccessible dans leur pays d'origine.
Pour au moins un cas, le refus de séjour s'est appuyé sur un bilan neurologique alors que son médecin traitant et le médecin hospitalier concluaient à un syndrome post-traumatique. Dans ce cas le médecin inspecteur de la DDASS a conforté sa décision en appelant l'avis de la DPM pour donner un avis défavorable.
Le parcours à suivre est long: formuler d'abord sa demande, puis obtenir un rendez-vous avec un médecin agréé, ensuite attendre sa réponse, être convoqué à une contre-expertise, attendre de nouveau sa réponse, attendre la réponse de la DDASS, attendre la réponse de la Préfecture, un délai qui parfois dure plus d'un an. La démarche s'apparente à une succession de rendez-vous et d'incompréhensions pour les patients perturbés par leur syndrome de stress post-traumatique, brinqueballés d'intervenants en intervenants.
Il est demandé au patient de démontrer que le traitement est indispensable, que l'absence de mise en oeuvre ou son arrêt entraînerait des conséquences catastrophiques.
Il faut aussi que le traitement ne puisse être dispensé dans le pays d'origine.
Dès l'obtention de la carte, l'injonction devient : "guérissez et vous serez renvoyés chez vous", est-ce un moteur pour aller mieux? c'est ajouter une angoisse majeure à l'angoisse de la maladie.
Se pose la question alors de la consolidation de cette carte "étranger malade" pour au moins deux types de population :
- Les personnes qui sont toujours malades et qui doivent continuer un traitement en France pour des maladies physiques graves mais aussi pour des maladies psychiques telle que dépression, syndrome post-traumatique, maladies psychiatriques grave.
- Les personnes qui ne sont plus malades mais qui se sont intégrées en France après plusieurs années, qui souvent ont des contrats CDI et sont appréciés de leurs employeurs, qui ont tissé une vie privée avec des intérêts en France, des emprunts, des investissements, qui parfois ont constitué une famille avec des enfants nés en France.
D'une manière continue et régulière, la Préfecture dénonce ces cartes et envoie les OQTF.
En les reconduisant à la frontière la Préfecture soit interrompt le processus de soins pour lesquels dans leur pays ils n'ont pas toujours accès soit interrompt une intégration réussie.
Dans tous les cas nous demandons la consolidation des cartes "étrangers malades" par des cartes de séjour qui peuvent assurer la stabilité des ces étrangers parmi nous.