Le 9 avril à Paris, 12ème arrondissement. Au Rez de Chaussée d’une grande barre d’immeuble, une centaine de personnes à majorité franco-africaine sont venus. Organisateur de la caravane panafricaine, Ardiouma Sirima ironise sur les variantes sémantiques politiciennes : « Le continent de l’avenir », « l’avenir de la France », « L’Amour de l’Afrique », propos grandiloquents qui ont peu de traductions dans les programmes électoraux, si ce n’est des airs de « pipeau ».
Les promesses de neutralité de François Hollande n’ont pas été tenues. Lorsque le président du Congo Denis Sassou-Nguesso lance un référendum très contesté pour changer la constitution et pouvoir se présenter pour un nième mandat, Hollande déclare en 2015 que « le président Sassou-Nguesso peut consulter le peuple ».
Cette « consultation » adoubée par notre président aboutira à un conflit sanglant, une région entière dévastée et interdite aux journalistes, 13 000 personnes déplacées selon le HCR, chiffre certainement sous-estimé et invérifiable dans la situation chaotique.
La présidence Hollande a vu se renforcer la présence militaire en Afrique.
Patrice Finel, conseiller de Mélenchon, prend la parole sur le sujet. Il dénonce les abus de l’alibi terroriste « qui remet en selle les dictateurs comme Idriss Déby au Tchad », mais il ne donne pas de faux espoirs quant à la suppression rapide des bases militaires, qui consisterait à remplacer « un prédateur par un autre ».
Agrandissement : Illustration 1
Patrice Finel met l’accent sur « une coopération mutuellement choisie » au niveau local, régional aussi bien que national, et promet de mettre fin aux accords de partenariat entre Europe et Afrique, instruments du libéralisme déséquilibrés et néfastes pour les pays moins armés économiquement.
L’Afrique subsaharienne reste une manne de richesse pour l’État et les multinationales, « le groupe Bolloré réalise 25% de son chiffre d’affaires en Afrique, qui représente 85% de leurs bénéfices », rappelle-t-il.
Grand symbole du post-colonialisme, la banque centrale du franc CFA se trouve en France, qui a de facto un droit de véto sur la politique monétaire de 15 pays africains. Cette atteinte majeure à l’indépendance économique africaine est de plus en plus remise en cause.
« Ce n’est pas seulement Fessenheim qu’il faut démanteler, c’est la planche à billets du CFA », s’impatiente un militant. Sur BFM, Nicolas Sarkozy n’exprimait pas le même avis : « Pas question de laisser les anciennes colonies françaises d’Afrique avoir leur propre monnaie », ce qui selon lui ferait descendre la France du 5ème au 20ème rang des puissances mondiales. Sur cette question brûlante, Mélenchon note la contestation, mais ne s’engage pas.
Un représentant gabonnais du mouvement “La Fédéralitude“ estime que la « fin de la monarchie présidentielle » et la planification écologique programmés par la France Insoumise « méritent une certaine attention ». Patrice Finel témoigne en la matière d’une certaine connaissance de terrain, rappelant par exemple que la capitale de Mauritanie Nouakchott « est au dessous du niveau de la mer », et est donc spécifiquement menacée par le réchauffement climatique.
Quelle diaspora pour quels combats ? Ardiouma Sirima met l’accent sur le choix d’autonomie du mouvement panafricaniste. Il ne fait aucune alliance avec les partis politiques, erreur qu’ont faites selon lui plusieurs organisations franco-africaines en perte de vitesse. Cette volonté d’indépendance expliquerait le peu d’engouement des candidats à rejoindre la caravane panafricaine. Refuser les compromis, c’est miser sur une stratégie de long terme.
Il cite quelques avancées : certains peuples subsahariens ont enclenché un processus de démocratisation, comme le Burkina Faso et le Bénin; le cabinet de l’Élysée en charge de l’Afrique, hérité des réseaux Foccart de l’époque Gaullienne, a été supprimé; une commission parlementaire a produit un rapport à charge sur les relations France-Afrique, où l’on peut lire : « L’image de la France est aujourd’hui brouillée. Pas sûr que notre pays soit très bien vu en Afrique et se prépare à l’avenir comme il le devrait ».
Les citoyens français panafricanistes ne se font aucune illusion quant aux promesses électorales, y compris venant de la France Insoumise. Ils savent que les intérêts en jeu sont énormes. Le président le plus sincère sera confronté à des résistances féroces venues du privé ou de la technocratie, aux dirigeants autoritaires africains que la France a souvent contribué à installer, et tout simplement à des choix difficiles. Une forte impulsion du côté français est un préalable pour élaborer un avenir commun. La banderolle "À quand des relations France-Afrique normales?" résume la situation dans toute sa complexe simplicité.