Après 40 ans de rouleau compresseur néolibéral, un enchaînement triphasé Sarkozy-Hollande-Macron infiniment moins drôle et subtil que les tontons flingueurs, et une inflexion de la courbe du déroulé antisocial gouvernemental (au sens inverse bien sûr, de celui prêché par François Hollande en matière de chômage), le constat étonne, renverse, stupéfie : la situation se dégrade dans les quartiers qui de dégradaient avant.
Faire d’un tel scoop une arme de division massive est affaire de spécialistes, le président Macron s’en est chargé. Le voile et la burka sont élimés, voici le « séparatisme islamiste » savamment targetted (prononcer targaitaide), version brèves de comptoir :
- « Ah vraiment, les musulmans et leur religion, quelle bande d’arriérés alors »
- « Eh Gérard, ça fait un bail qu’à pas eu d’attentats, nan ? »
- « Dites-donc Charles-Edgard, vous n’avez pas chécké la news ce matin ? – Mais si mon cher Edmond, je vous l’avais dit. La discipline et la matraque, je ne vois guère d’autre solution. Si néanmoins cela suffit, mon pauvre ami… »
L’os à ronger trouve preneur, dans la presse et jusqu’à la radio-télévision publique en passe de devenir le premier tabloïd animé payé par les contribuables.
L’Humanité rappelle « la fin programmée des emplois aidés indispensables au travail des associations de terrain », seules béquilles à maintenir tant bien que mal un semblant de pas-trop-mal-vivre dans les quartiers plombés par le chômage, sans oublier « les effets du néolibéralisme, cette machine à fabriquer de l’exclusion et de la colère…. ».
Fort bien. L’article du 19 février est ponctué par une interview de Jérôme Fourquet, directeur du pôle opinion et stratégies d’entreprises de l’Ifop, qui localise des « groupes minoritaires » dans des « enclaves islamistes », dont le militantisme « a contribué puissamment à imposer les ferments de ce séparatisme », qui aboutissent au fait « que le corps social est plus morcelé qu’avant ».
L’Humanité ne trouve donc rien mieux qu’un expert pour valider la rhétorique du président. Jérôme Fourquet mêle au problème le processus de « sécession des élites », concluant que « ces phénomènes ont pour point commun la volonté de se mettre à part, la fin du sentiment d’appartenance à la communauté nationale ».
Fidèle à Jean Jaurès, le journal laisse le lecteur sortir de sa double page sur cette conclusion égalitariste : la volonté égoïste, incivique et destructrice des sécessionnistes de « l’exil fiscal » est comparable à la « volonté » de ceux qui subissent de plein fouet la casse sociale. L’espoir renait.