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Billet de blog 1 juillet 2024

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La gauche soumise au supplice chinois de Mélenchon

Il y a peu, Jean-Luc Mélenchon affirmait encore que le Rassemblement national était l'assurance vie de Renaissance. Tout porte désormais à croire que c'est Jean-Luc Mélenchon lui-même, en conscience, qui entretient la montée de l'extrême-droite pour sa propre gloire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je suis triste. Atterré. Dévasté.

Si les résultats du premier tour des élections législatives sont venus confirmer le mouvement de fond qui se joue au profit du Rassemblement National (RN) depuis de nombreuses années, il fallait encore le voir pour y croire. Notre France est sur le point d’être gouvernée par Jordan Bardella et ses comparses. Cette phrase, aussi irréelle me semble-t-elle, n’a rien de chimérique. Elle est une vérité cruelle, attestée d’heure en heure par les ralliements enthousiastes de quelques cadres des Républicains et d’ailleurs, trop contents de franchir le Rubicon de l’indécence pour conserver leurs postes et décrocher un maroquin ministériel. Les derniers restes du gaullisme ont définitivement disparu hier soir, signant la fin de cette histoire française à laquelle nous étions tous un peu attachés, quelles que soient nos opinions politiques et nos origines.

La patrie de la Révolution française va peut-être remettre son destin dans les mains de la famille Le Pen. La bourse s’en porte bien, mais la République est meurtrie.

Et la gauche ? Elle ne fait pas beaucoup mieux qu’en 2022. Elle progresse certes, passant de 5,8 millions de voix en 2022 à 8,97 millions de voix en 2024. Mais il suffit de jeter un œil sur la carte des résultats pour constater l’évidence : en dehors des métropoles, des banlieues et des territoires ultra-marins, la gauche n’existe plus. Elle est terrassée par le RN, dans des proportions inédites.

Fabien Roussel a été injustement battu dès le premier tour par le RN. François Ruffin et Sébastien Jumel sont en grande difficulté. Il en est de même pour beaucoup de députés sortants dans les périphéries et dans la ruralité. À chaque fois, ces candidats du Nouveau Front Populaire (NFP) progressent en voix, mais ne peuvent rester debout une fois percutés par la puissante vague brune qui déferle sur eux.

Certains, bien mal habilement, estiment que ces défaites sont à mettre sur le compte de l’échec de la théorie des « fâchés pas fachos ». Autrement dit, il serait vain de considérer que le vote RN traduit, avant la xénophobie ou le racisme, une exaspération sociale, un sentiment de déclassement et d’abandon par la puissance publique, puisque celles et ceux qui se revendiquent de cette thèse ont été balayés hier soir.

J’affirme rigoureusement le contraire et j’accuse ceux qui s’en font l’écho d’être au mieux des sophistes, victimes de l’endogamie parisienne, au pire les complices de Jean-Luc Mélenchon et de ses proches.

Oui, Jean-Luc Mélenchon est comptable du malheur qui nous frappe.

Après avoir pollué toute la campagne législative (déjà très courte, du fait de l’irresponsabilité d’Emmanuel Macron) par son omniprésence dont il savait pertinemment qu’elle était un puissant repoussoir, singulièrement dans la perspective du front républicain du second tour, hier, nous l’avons vu toute à sa gloire de voir son supplice chinois fonctionner comme il se doit :

  1. S’assurer que ses très proches sont candidats dans les métropoles et les banlieues, autrement dit, dans des endroits où la gauche est très forte et le RN inexistant.
  2. Tenir une ligne communautariste et clivante pour être certain de conforter cette influence dans ces lieux, tout en fragilisant ses adversaires de gauche (Ruffin, Roussel) qui eux subissent les affres de cette stratégie qui nourrit le RN.
  3. Constater la défaite de ses concurrents et pavoiser sur l’idée que sa stratégie est la bonne et donc, in fine, que sa présence est indispensable.

À ceux qui m’opposeront leurs arguments en commentaires, prétendant que la ligne « ruffiniste » est seule responsable de cette déroute, je leur rappellerai que Jean-Luc Mélenchon a pris une sévère déculottée face au RN, à Hénin-Beaumont, en 2012, ce qui traduit bien la dureté du combat qui doit être mené dans ces terres. J’ajoute également que Fabien Roussel et François Ruffin seraient très facilement élus en Île-de-France tandis que les députés franciliens de la France insoumise (FI) n’auraient aucune chance dans les circonscriptions concernées par la montée en puissance du RN.

Cette stratégie est publiquement assumée.

Souvenez-vous, il y a quelques mois, à la question de savoir s’il fallait reconquérir la France des bourgs, Jean-Luc Mélenchon a répondu par la négative, estimant que sa priorité consistait d’abord à accentuer son influence dans les quartiers populaires dans lesquels il a obtenu 80 % des suffrages, pour une participation de seulement 30 %. Selon lui, l’augmentation du taux de participation dans les quartiers populaires est donc la condition sine qua non de son accession au second tour de l’élection présidentielle. Pour ce faire, il convient d’épouser les causes réelles, supposées ou fantasmées d’un électorat des « banlieues » essentialisé pour satisfaire au besoin d’un homme obsédé par la poursuite de son destin. 

Suivant cette logique, on comprend mieux les agissements du « vieux » et ses changements de pied effectués durant ces derniers mois, voire ces dernières années : dénonciation d’une laïcité que d’aucuns jugeraient nuisible aux musulmans ; absence d’appel au calme au cours des émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel ; refus de qualifier de terroristes les actes du Hamas ; prise de positions clivantes au plus fort du conflit israélo-palestinien, devenu depuis la pierre angulaire de la campagne de la France insoumise pour les élections européennes, alors même que Jean-Luc Mélenchon s’est toujours désintéressé de cette cause.

Et la victoire dans tout ça ? Et le rassemblement du peuple, préalable indispensable à l’accession de la gauche au pouvoir dans un pays que l’on sait bien à droite ? Quid des ouvriers ? De la France périphérique ? De la ruralité sans laquelle la gauche ne triomphe jamais ?

Jean-Luc Mélenchon ne s’en soucie pas le moins du monde. Il ne parle plus à la France. Il court après des segments de population — quitte à verser dans l’outrance et tenir des propos indignes de sa formation intellectuelle — dans la perspective de la prochaine élection présidentielle. Il entend prendre tout le monde sur sa gauche, de sorte que les candidats putatifs soient incapables de le suivre, justifiant ainsi aux yeux de ses soutiens galvanisés par cette ligne toujours plus radicale, la nécessité d’une quatrième candidature.

Écœurant, n’est-ce pas ?

Oui. J’ai écrit ici à quel point Jean-Luc Mélenchon avait été une figure tutélaire pour beaucoup d’entre nous.

Comme vous, je me délectais de ses nombreuses références à la Révolution française et à la Commune de Paris. J’admirais la façon dont il avait revisité un matérialisme historique parfois un peu trop sec. Je me plongeais bien volontiers dans les nouvelles perspectives offertes par un écosocialisme qui rompait avec certaines lunes du productivisme. Bref, j’ai vu en lui un Jean Jaurès des temps modernes. Quelqu’un qui aurait le droit à une place particulière dans nos manuels d’histoire.

Que ce temps me semble loin désormais.

Encore plus après la lecture d’un nouveau tweet intempestif dans lequel il répond favorablement à la demande d’un débat avec Jordan Bardella. Comme si cette le nihilisme ambiant l’amusait. Comme si cette situation le confortait.

Je suis triste. Atterré. Dégouté.

Je ne sais pas si le RN gouvernera, pour combien de temps nous en aurons et pour quelles conséquences pour le peuple. Mais je sais une chose : tant que Jean-Luc Mélenchon sera là, nous n’en finirons pas.

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