Les calculs économiques et statistiques peuvent aussi servir à dissimuler les réalités sensibles. Les décès précoces de travailleurs qui ne profiteront jamais de leur retraite font partie de ceux qui sont passés par pertes et profits. Aucune considération pour les maladies qui minent, la souffrance créée par le chômage et toutes les modalités d'un monde du travail toujours plus immonde.
Mon père était cadre dans une société mixte (mi-privée, mi-public). Il y a fait l'essentiel de sa carrière. Il avait quitté très vite la banque pour travailler à la construction de logement sociaux. Il trouvait des terrains, des financements, des équipes (architectes, boites de construction) et faisait franchir au projet toutes les étapes jusqu'à avoir des logements étudiants et des logements sociaux de qualité.
Ses patrons n'aimaient pas le fait qu'il cherche à construire "des palais pour le peuple". Il y a eu un énième changement de direction et on l'a viré sans aucun respect ni ménagement pour mettre une connaissance du nouveau directeur à sa place.
Il a traversé une dépression - son travail était très important pour lui. Il a retrouvé du travail et à l'issue du projet qu'il a mené à bien on l'a de nouveau viré. Il a eu une période de chômage assez longue. Trop vieux. Pour le sortir de là, des amis l'ont embauché pour qu'il puisse avoir une retraite pas trop amputée.
Il a atteint la retraite et il est mort un an plus tard. Il avait de l'hypertension et des problèmes de coeur depuis longtemps.
Il est mort l'année où j'ai commencé à travailler. Qui réparera cette injustice ?