A la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 21 de la Constitution, il est écrit : « [Le Premier ministre] est responsable de la défense nationale ».
Cette phrase est supprimée par le projet de réforme constitutionnelle qui vient d’être présenté au Parlement. A la place, en quelque sorte, mais cette fois à la fin du premier alinéa de l’article 21, il est dorénavant précisé que « [le Premier ministre] met en œuvre les décisions prises au titre de l’article 15 en matière de défense nationale ». L’article 15, rappelons-le, dispose que « le président de la République est le chef des armées ».
Le lecteur pressé pourrait en déduire que le Premier ministre n’est plus « responsable de la défense nationale », puisque Nicolas Sarkozy a rayé cette mention, et qu’il n’est plus que l’exécutant des décisions du « chef des armées ». Mais, c’est là que les choses divergent entre le point de vue du sens commun (c’est-à-dire celui du citoyen) et celui du juriste. Parce que, pour le juriste, le Premier ministre a beau ne plus être « responsable de la défense nationale », il reste… responsable.
Comment expliquer un tel miracle ? En fait, rien n’est plus simple. Les décisions prises au titre de l’article 15 ne sont pas dispensées de contreseing. Dans la langue traditionnelle du constitutionnalisme parlementaire, le contreseing est l’acte – formellement, une signature – par lequel le Premier ministre ou un ministre quelconque endosse la responsabilité des décisions du Président qui, toujours selon la même tradition, est politiquement irresponsable.
Si on lit, en effet, l’article 19 de la Constitution, on constate que « les actes du président de la République autres que ceux prévus aux articles 8 (premier alinéa), 11, 12, 16, 18, 54,56 et 61 sont contresignés par le Premier ministre ». On peut donc en déduire que les actes pris en application de l’article 15 doivent être contresignés. Donc, le Premier ministre en est responsable. CQFD.
Pour le juriste, la leçon à tirer de tout ça est claire : la modification de l’article 21 de la Constitution ne change rien. Mais pour le citoyen ? Pour lui, et il aura raison, quelqu’un qui exécute les décisions du chef des armées ne peut assurément pas être défini comme « responsable de la défense nationale ». Mais alors qui est responsable ?