Dans le projet de réforme constitutionnelle qui est actuellement discuté à l’Assemblée nationale, il est prévu d’ajouter à l’article 25 de la Constitution l’alinéa suivant : « Une commission indépendante, dont la loi fixe les règles d’organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets et propositions tendant à délimiter les circonscriptions pour l’élection des députés ou des sénateurs ou à répartir les sièges entre elles. »
Ici, comme souvent dans ce projet de révision, la formulation est imprécise et même floue – ce qui est ennuyeux s’agissant du texte d’une Constitution –, et renvoie à un texte ultérieur dont on ignore les orientations. On peut évidemment s’interroger sur ce que signifie « une commission indépendante », sur les modalités de son association à l’élaboration du découpage électoral et sur la portée juridique de son avis. On peut regretter également que ne figure pas dans le texte du gouvernement une obligation régulière de découpage électoral. Le dernier date d’une loi préparée par Charles Pasqua en 1986, sur la base du recensement de 1982, et le Conseil constitutionnel dénonce régulièrement depuis les inégalités de représentation qui en résultent. On peut aussi s’étonner que ne soient pas définis les critères de découpage des circonscriptions (par exemple : continuité du territoire au sein de la même circonscription – sauf bien sûr pour les parties insulaires –, respect des limites cantonales, limitation à 15 % des écarts démographiques entre les circonscriptions d’un même département).
Tous ces éléments pouvant être précisés ou ajoutés par voie d’amendements lors de la discussion parlementaire, on ne s’inquiéterait pas outre mesure de cette nouvelle disposition constitutionnelle qui, après tout, va plutôt dans le bon sens, si l’on ne venait d’apprendre que ce travail de redécoupage des circonscriptions vient d’être engagé – sans aucune concertation parlementaire – par le spécialiste UMP de la carte électorale, Alain Marleix, qui vient d’ être recruté au gouvernement(comme secrétaire d’Etat à l’Intérieur et aux Collectivités territoriales) pour accomplir cette mission, et surtout que le gouvernement souhaite procéder… par voie d’ordonnances, c’est-à-dire en excluant de fait le Parlement de la refonte de la carte électorale.
Au moment même où, par cette réforme, le président de la République prétend donner plus de pouvoirs au Parlement et permettre un meilleur contrôle dans la transparence des projets gouvernementaux, voilà que le gouvernement viole délibérément l’esprit de la réforme avant même qu’elle soit entrée en vigueur. Au sein même de l’UMP, certains n’hésitent pas à prêter au gouvernement des intentions machiavéliques. Ainsi le député villepiniste Jean-Pierre Grand a dénoncé hier, selon l’AFP, « un mauvais coup », voyant dans l'annonce d'un prochain redécoupage électoral, en plein débat sur la réforme des institutions, une façon de faire pression sur les élus hostiles à cette réforme.
A la poignée de députés socialistes qui affirment, comme Arnaud Montebourg, que « nous devons réaliser les progrès démocratiques qu’il est possible d’accomplir sans attendre », quitte à faire des compromis avec le gouvernement, cela servira peut-être de leçon. Comment peut-on faire confiance à un gouvernement qui, en pleine négociation, viole déjà le texte qu’il propose ?